03/11/22 l’étonnant désintérêt français pour les drones navals militaires

Le samedi 29 octobre, autour de 4 h 20, entre six et huit drones-suicides de surface navals ukrainiens ont attaqué des navires de la flotte de la mer Noire basés à Sébastopol, en Crimée.  L’attaque a eu lieu simultanément à l’intérieur et au large du port de Sébastopol, où des navires russes patrouillaient.

 Selon les sources ukrainiennes, deux navires militaires ont été sérieusement endommagés : la frégate Amiral-Makarov, vaisseau amiral de la flotte de la mer Noire, ainsi que l’Ivan-Goloubets, un dragueur de mines. Des images de la frégate, prises après l’attaque, la montrent en train d’être remorquée vers une baie utilisée pour la réparation, suggérant des dommages importants.

Le ministère de la défense russe a indiqué le lendemain avoir détruit neuf drones aériens et sept drones maritimes ukrainiens, et a admis des « dommages mineurs » sur le dragueur de mines, sans référence à la frégate.

 C’est la seconde fois que Kiev porte un coup sévère au prestige de la flotte russe de la mer Noire, après la destruction du cuirassé Moskva, en avril. Les autorités ukrainiennes affirment l’avoir touché avec au moins deux missiles Neptune, provoquant un incendie. Des sources ukrainiennes rapportent que l’attaque a été appuyée par un drone Bayraktar TB2 qui a détourné l’attention des défenses du navire russe

Un drone ukrainien du même modèle que ceux utilisés samedi avait en effet déjà été trouvé échoué à proximité de Sébastopol, en septembre. Le drone a été assemblé sur la base d’un jet-ski haut de gamme canadien. La coque est allongée à l’avant pour contenir une bombe de type aérien d’une demi-tonne (probablement une FAB-500), laquelle est déclenchée par un choc.

L’emploi de drones de surface navals – dits « USV » (pour unmanned surface vehicle en anglais) – dans le cadre du conflit ukrainien est une première On peut se demander pourquoi la marine nationale française a jusqu’à présent si peu investi dans ce domaine : peur de priver de crédits les chantiers navals français ou esprit trop conservateur des états majors.

Pour en savoir plus

Voir Léo Péria-Peigné, auteur d’une note récente sur ce sujet pour l’Institut français de relations internationales. « Même s’il est possible que les forces spéciales de certains pays aient déjà mené ce type d’opérations dans des conditions plus clandestines, dans le cas ukrainien, c’est la première fois qu’un assaut est mené contre un navire de grande taille, à proximité d’une base navale adverse très importante, et qu’il y a une forte publicité des images de l’attaque, et une forte réaction de l’attaqué, c’est-à-dire de la Russie », détaille le chercheur.

« Le système utilisé par les Ukrainiens s’apparente visiblement davantage à un bateau téléguidé qu’à un outil high-tech, à un bricolage dicté par les conditions du terrain qu’à un outil de rupture, mais c’est clairement un type d’équipement qui paraît manquer à un certain nombre d’armées, notamment aux forces françaises »

Voir aussi du même auteur

La dronisation navale, une opportunité pour la Marine nationale de 2030

https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/peria-peigne_la_dronisation_navale_2022.pdf

Moins coûteux à l’achat et à l’utilisation que des unités habitées, les drones navals connaissent aujourd’hui une dynamique de fort développement. Dans leurs composantes aéronavale, mais aussi de surface et sous-marine, ils font office de multiplicateur de force. Si les États-Unis et la Chine les intègrent dans leurs stratégies de compétition respectives, entre recherche de masse et développement accéléré de compétences spécifiques, des acteurs plus modestes comme la Turquie, la Corée du Sud et Israël s’y intéressent également, avec une orientation vers l’export.

La Marine nationale doit faire face au renouvellement de ses capacités sous- marines et aéronavales avec un budget limité, alors même que la France réaffirme ses ambitions en Indo-Pacifique. Face à ce dilemme, la dronisation partielle peut contribuer au maintien de certaines capacités et à un retour à la masse soutenable tout en accroissant la résilience des futures unités de premier rang

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