Arrêtés dans leur offensive par des Ukrainiens plus résistants que ce qu’ils avaient prévu, les Russes n’ont guère progressé depuis la prise des villes de Lyssytchansk et de Severodonetsk, dans le Donbass, au début de l’été 2022
En septembre, ils ont eu beaucoup de mal à arrêter la contre-offensive lancée par Kiev dans la région de Kharkiv. En novembre, ils ont dû abandonner la rive droite du Dniepr et la ville de Kherson, dans le Sud, après que leurs lignes de ravitaillement ont été coupées par les Ukrainiens. Depuis, c’est le statu quo, même si les mercenaires russes du Groupe Wagner disent avoir pris Soledar, un bourg du Donbass proche de Bakhmout, ville de 70 000 habitants où les combats font rage depuis quatre mois.
Ces affrontements ont été meurtriers pour l’armée russe. L’état-major ukrainien affirme avoir tué plus de 113 000 soldats russes depuis le 24 février 2022, l’équivalent de la moitié du contingent envoyé par le Kremlin. Un chiffre impossible à vérifier, mais en partie validé par les militaires occidentaux.
Pour regarnir ses troupes, Vladimir Poutine a signé, le 21 septembre 2022, un décret ordonnant la « mobilisation partielle » de quelques 300 000 hommes. Ce recrutement a été difficile, l’armée russe n’ayant plus les officiers ni les infrastructures pour former et équiper ces troupes en même temps. Il semble néanmoins avoir des effets, vu les effectifs engagés.
Rappelons qu’au delà de la mobilisation, le pouvoir russe utilise aussi les conscrits pour augmenter sa présence sur le terrain.. Chaque année, quelques 250 000 hommes de 18 à 27 ans sont appelés à faire leur service militaire. Officiellement, ils ne sont pas envoyés en Ukraine. Mais en fait ils pourront l’être après quelques mois de service. Par ailleurs le Groupe Wagner, qui se substitue progressivement à l’armée russe, met en ligne environ 50 000 mercenaires sur le terrain, alimentés notamment par les détenus recrutés dans les prisons russes en échange d’une remise de peine.
Il ne faut pas exclure l’éventualité d’une deuxième vague de mobilisation russe, après celle engagée en septembre 2022 – d’autant que Vladimir Poutine n’y a pas formellement mis fin par décret. Selon Vadym Skibitsky, chef adjoint du renseignement militaire ukrainien, cité le 6 janvier par le quotidien britannique The Guardian, la Russie s’apprêterait à appeler 500 000 hommes supplémentaires sous les drapeaux, ce qui pourrait potentiellement porter ses effectifs en Ukraine à près de 1 million de soldats.
Cette crainte d’une nouvelle mobilisation est d’autant plus importante que la société russe ne s’y oppose pas, contrairement à ce qu’espéraient les Occidentaux. Certes, plusieurs centaines de milliers d’hommes ont fui la Russie à l’annonce de la « mobilisation partielle » de septembre 2022, mais la répression et la propagande présentant le conflit ukrainien comme une réponse à l’agressivité de l’Occident maintenant la population dans un état de résignation.
Effrayés par ces perspectives, les Occidentaux alliés de l’Ukraine ont donné un nouveau coup d’accélérateur à leur aide militaire et décidé de lui livrer des blindés légers, chose qu’ils s’étaient jusqu’ici refusés à faire. Le 5 janvier, les Etats-Unis ont ainsi annoncé l’envoi de 50 véhicules Bradley et se sont engagés à former chaque mois 500 militaires ukrainiens à leur usage, soit l’équivalent d’un bataillon. De leur côté, l’Allemagne a promis 40 blindés de combat d’infanterie Marder et la France « plusieurs dizaines » de chars légers AMX-10 RC. Washington étudierait aussi l’envoi de Stryker, un autre blindé de transport de troupes, successeur du Bradley.
Surtout, la pression monte parmi les pays européens pour fournir des chars lourds à Kiev. La Pologne et la Finlande se disent prêtes à livrer des Leopard 2, l’un des engins terrestres les plus puissants, mais doivent pour cela obtenir l’autorisation de l’Allemagne, qui les fabrique. Jusqu’ici, Berlin hésite, par peur d’une escalade avec Moscou. Mais sa position devient chaque jour plus intenable. Les pays alliés de l’Ukraine ont prévu de se retrouver de nouveau sur la base américaine de Ramstein (Allemagne), afin de coordonner leurs livraisons d’armes. De nouvelles annonces seraient en préparation.
Dans ces conditions, ne peut-on craindre que la Russie n’utilise un certain nombre d’armes nucléaires dites tactiques pour arrêter les offensives et contre offensives ukrainiennes soutenues par Washinton et certains membres de l’Otan.
Ces derniers mois la Russie a multiplié les références à son arsenal nucléaire « tactique » en guise de menace d’intensification de sa guerre en Ukraine. Joe Biden, le président américain, y a fait une référence directe en évoquant le risque d’un « Armageddon » nucléaire si Moscou avait recours à de telles armes sur le champ de bataille.
Que sera alors la position de la France, puissance nucléaire revendiquée?. Les optimistes répondront que, Dieu merci, la bombe française n’est que stratégique.