Adaptation d’un article que vient de publier The Conversation
https://theconversation.com/how-could-the-big-bang-arise-from-nothing-171986
L’auteur en est le professeur Alastair Wilson https://alastairwilson.org/
A la fin de l’univers, la dernière étoile se refroidira progressivement et disparaîtra. Ce sera de nouveau le vide, sans signification et sans fin (Brian Cox, Universe)
Toute la matière s’évanouira dans de monstrueux trous noirs qui à leur tour s’évaporeront. L’espace s’étendra vers l’extérieur jusqu’à ce que les dernières lumières soient trop éloignées l’une de l’autre pour interagir. Toute activité cessera.
Mais cessera-t-elle ? De plus en plus de cosmologistes pensent que notre propre Big Bang s’est produit à partir d’un tel vide de matière. Pour répondre à cette question, il faut préciser ce que l’on entend par matière.
Il est certain qu’aucune matière, faite d’atome stables et de molécules, n’existait lors du Big Bang. Pour que les premiers atomes se forment, il fallait que la température refroidisse suffisamment. Les premières particules de matière, protons et neutrons , sont sans doute apparu dix millième de seconde après le Big Bang. Une hypothèse plausible est que le monde physique était auparavant fait d’une soupe de particules élémentaires à courte vie, telles les quarks, dont sont faits les protons et les neutrons. Il y avait alors autant de matière que d’antimatière, constamment crées puis détruites. C’est ce qui fut nommé la “grand unified epoch”. Les particules s’annulaient dans un flash d’énergie, constamment créées et détruites
Mais pourquoi ces particules existaient-elles ? La théorie quantique des champs est une approche en physique théorique pour construire des modèles décrivant l’évolution des particules, en particulier leur apparition ou disparition lors des processus d’interaction. Elle prévoit qu’un vide, supposé correspondre à un espace-temps vide, est empli d’une activité physique prenant la forme de fluctuations d’énergie. Ces fluctuations font apparaître des particules qui s’annihilent aussi tôt qu’apparues. Ceci signifie que le vide quantique, malgré son nom, n’est pas un vide.
D’où provient l’espace-temps lui-même ? Pour répondre, il faut se référer à l’époque dite Planck epoch https://simple.wikipedia.org/wiki/Planck_epoch survenue quelques trillionièmes de seconde après le Big Bang. A ce point, l’espace et le temps subissent des fluctuations quantiques.
Pour bien comprendre la question il faudra une théorie dite de la gravitation quantique, qui sera une synthèse de la théorie de la gravitation d’Eisntein et de la mécanique quantique apparue au début du 20e siècle.
De premières tentatives existent en ce sens, sous les noms de string theory et de loop quantum gravity. Dans ces théories, l’espace et le temps sont considérés comme émergents à partir de processus quantiques opérant à un niveau sub-macroscopique, dont nous n’avons encore aucune idée.
Pour aller plus loin, les théories se référant à la gravitation quantique soupçonnent qu’une cause physique aurait été présente dans le temps de Planck, quelque chose comme un élément précurseur de l’espace et du temps d’aujourd’hui. Il est trop tôt pour en avoir une idée. On dira seulement que dans la nature tout effet possède une cause. Sans cela, il n’y aurait plus de science.
Dans ces tentatives, l’espace et le temps sont considérés comme émergents, telles les vagues à la surface de l’océan. Ce que nous ressentons comme de l’espace et du temps sont le résultats de processus quantiques opérant au niveau microscopique. Nous ne les comprenons pas étant des créatures enracinées dans le niveau macroscopique.
Dans la Plank epoch notre compréhension de l’espace et du temps s’effondre. Nous ne pouvons pas davantage nous référer à des considérations de causalité, tout effet ayant une cause. Cependant toutes les théories de gravitation quantique font allusion à quelque cause physique agissant dans le temps de Planck, un précurseur quantique de l’espace et du temps. Mais d’où viendrait elle ?
Malheureusement la meilleure physique d’aujourd’hui ne peut apporter de réponse. Il lui faudrait progresser dans le sens de la «théorie de tout » theory of everything. Mais est-ce possible ? Disons qu’aujourd’hui la physique n’a jamais donné de preuve de quelque chose venant de rien.
Des cycles à partir de presque rien
Certains font appel au concept de multivers, un univers qui contiendrait un nombre infini d’univers parallèle, ou à celui d’univers cyclique, naissant et renaissant sans cesse. En ce sens, Roger Penrose prix Nobel 2020 de physique avait proposé un modèle d’univers cyclique nommé conformal cycle cosmology . Il avait étudié la relation mathématique entre un état de l’univers extrêmement dense et chaud, tel qu’il l’était lors du Big Bang, et un univers vide et froid tel qu’il le sera à sa fin.
Il a fait l’hypothèse que ces deux états deviendraient mathématiquement identiques quand poussés à la limite. Ainsi une absence totale de matière pourrait avoir donné naissance à la matière telle que nous la voyons dans notre univers. Dans cette perspective le Big Bang se serait produit à partir de presque rien, autrement dit la matière enfouie dans des trous noirs gigantesques, puis devenue des photons perdus dans le vide, ou plutôt dans un univers presque vide. Mais cet univers n’aurait pas été rien. Il aurait été un univers physique, bien que vide.
Comment passer d’un univers dense à un univers presque vide ? Penrose pour l’expliquer a fait appel à une procédure mathématique complexe dite « conformal rescaling », une transformation géométrique qui modifie la taille d’un objet sans modifier son contenu. Selon cette procédure, ces objets deviennent mathématiquement identiques quand poussés à leurs limites. Ainsi une totale absence de matière aurait pu produire toute la matière constituant l’univers d’aujourd’hui.
Dans la cosmologie cyclique classique, la direction de l’explication va du vieux et froid au jeune et chaud. L’état dense chaud existe parce qu’il avait été précédé d’un état vide froid. Mais le terme de « parce que » n’est pas le bon. Il n’y a pas dans ce cas de cause suivie dans le temps d’effets. C’est non seulement l’état qui change mais le temps. L’état vide froid et l’état plein chaud sont situés dans des références de temps différentes. L’état vide froid continuera indéfiniment pour l’observateur situé dans son échelle de temps, comme l’état plein chaud pour celui entièrement situé dans une échelle temporelle différente.
On pourra dire que l’état chaud et dense provient de l’état vide et froid d’une façon non causale. L’un émerge de l’autre ou s’enracine dans l’autre. Il s’agit là de concepts métaphysiques qui sont actuellement explorés dans le cadre du projet européen dit FraMEPhys (A Framework for Metaphysical Explanation in Physics) https://framephys.org/ Ce projet s’intéressera particulièrement aux concepts de la gravitation quantique où les causes et les effets ordinaires semblent impossibles à relier.
La cosmologie cyclique classique propose des réponses détaillées, bien que spéculatives, à des questions telles que « d’où provient le Big Bang ? ». Mais nous pouvons craindre qu’elle ne répondra pas à la question qui tourmente Penrose, d’où vient la réalité physique elle-même ? Pourquoi il y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? L’une des plus ambitieuses questions en science.
Ceci-dit, nous laisserons de côté ces questions aujourd’hui. Nous nous limiterons à évoquer la question de savoir comment les cycles ont commencé ? S’agit-il de cycles se répétant sans fin, l’état quantique de chaque univers s’expliquant par celui du cycle précédent. Ou bien n’y aurait-il qu’un seul cycle et un seul univers se répétant indéfiniment ? Ces deux approches évitent le besoin d’imaginer des évènements sans cause. Rien ne serait laissé inexpliqué en physique
Penrose envisage une séquence de nouveaux cycles sans fin car cela est conforme à sa propre interprétation de la théorie quantique. En mécanique quantique un système physique se présente comme une superposition d’états au même instant. Il n’adopte un état précis, choisi au hasard, que lorsqu’il est « observé ».
Pour Penrose, chaque cycle implique des éléments quantiques choisis au hasard et donnant lieu à des événements différents. Chaque cycle diffère donc du précédent et donne lieu à des événements différents. Ce sont de bonnes nouvelles pour les physiciens expérimentaux. Ils peuvent espérer avoir des vues de l’univers précédant à travers de faibles traces ou anomalies observées par le satellite Planck
Voir https://academic.oup.com/mnras/article-abstract/495/3/3403/5838759?redirectedFrom=fulltext&login=false
Il y a néanmoins une façon de concilier ces points de vue en convertissant la cosmologie cyclique d’une forme multi-cycle en une forme ne comportant qu’un seul cycle. Dans ce cas la réalité physique consistera en un cycle unique commençant après le Big Bang et débouchant sur un univers vide dans un lointain futur puis recommençant indéfiniment autour du même Big Bang..
Cette interprétation est compatible avec l’hypothèse des mondes multiples (many world interpretation). Celle-ci nous dit que chaque fois que nous mesurons un système en superposition, cette mesure ne sélectionne pas un état au hasard, mais celui qui est compatible avec l’état de notre propre univers. Les autres mesures peuvent se retrouver dans un multivers que nous ne connaîtrons jamais, constitué d’univers qui s’ignoreront toujours.
Les partisan de cette hypothèse affirment que les preuves en sont observables dans les données cosmologiques, résultats de collisions d’autres univers avec le nôtre .
De nouveaux cycles sans fins sont une explication conforme à l’interprétation personnelle de la théorie quantique par Penrose. En mécanique quantique, un système physique existe dans une superposition de différents états dans le même temps. Nous n’en recueillons qu’un au hasard quand nous l’observons. Pour Penrose chaque cycle implique des événements quantiques aléatoires évoluant d’une façon différente. Ceci signifie que chaque cycle différera de celui qui le précède et de celui qui lui succède
Ce sont de bonnes nouvelles pour les physiciens expérimentaux. Ils peuvent espérer avoir des vues de l’univers précédent à travers de faibles traces ou anomalies observées par le satellite Planck. Cependant d’autres physiciens rejettent cette interprétation.
Voir https://academic.oup.com/mnras/article-abstract/495/3/3403/5838759?redirectedFrom=fulltext&login=false
Il y a néanmoins une façon de concilier ces points de vue en convertissant la cosmologie cyclique d’une forme multi-cycle en une forme ne comportant qu’un seul cycle. Dans ce cas la réalité physique consistera en une cycle unique commençant après le Big Bang et débouchant sur un univers vide dans un lointain futur puis recommençant indéfiniment autour du même Big Bang..
Cette interprétation est compatible avec celles des mondes multiples (many world interpretation). Celle-ci nous dit que chaque fois que nous mesurons un système en superposition, cette mesure ne sélectionne pas un état au hasard, mais celui qui est compatible avec l’état de notre propre univers. Les autres mesures peuvent se retrouver dans un multivers que nous ne connaîtrons jamais, constitué d’univers qui s’ignoreront toujours.
Les partisans de cette hypothèse affirment que les preuves en sont observables dans les données cosmologiques, résultats de collisions d’autres univers avec le nôtre
Notre Big Bang serait ainsi la renaissance d’un multivers quantique contenant une infinité d’autres univers différents apparaissant simultanément
An ancient myth
For a philosopher of science, Penrose’s vision is fascinating. It opens up new possibilities for explaining the Big Bang, taking our explanations beyond ordinary cause and effect. It is therefore a great test case for exploring the different ways physics can explain our world. It deserves more attention from philosophers.
For a lover of myth, Penrose’s vision is beautiful. In Penrose’s preferred multi-cycle form, it promises endless new worlds born from the ashes of their ancestors. In its one-cycle form, it is a striking modern re-invocation of the ancient idea of the ouroboros, or world-serpent. In Norse mythology, the serpent Jörmungandr is a child of Loki, a clever trickster, and the giant Angrboda. Jörmungandr consumes its own tail, and the circle created sustains the balance of the world. But the ouroboros myth has been documented all over the world – including as far back as ancient Egypt.
The ouroboros of the one cyclic universe is majestic indeed. It contains within its belly our own universe, as well as every one of the weird and wonderful alternative possible universes allowed by quantum physics – and at the point where its head meets its tail, it is completely empty yet also coursing with energy at temperatures of a hundred thousand million billion trillion degrees Celsius. Even Loki, the shapeshifter, would be impressed.