Nous avons souvent ici rappelé que la France s’appuyant sur 50 d’expérience dans le nucléaire de fission, avait su faire du programme international ITER, basé au Centre de recherche de Cadarache, une référence internationale pour les quelques cinquante pays qui ont décidé d’investir dans ce qui sera au sens propre comme figuré, l’énergie de demain.
https://www.iter.org/fr/proj/inafewlines
En France, dans le département des Bouches-du-Rhône, 35 pays sont engagés dans la construction du plus grand tokamak jamais conçu, une machine qui doit démontrer que la fusion — l’énergie du Soleil et des étoiles — peut être utilisée comme source d’énergie à grande échelle, non émettrice de CO2, pour produire de l’électricité. Les résultats du programme scientifique d’ITER seront décisifs pour ouvrir la voie aux centrales de fusion électrogènes de demain.
L’objectif principal d’ITER est de générer des « plasmas en combustion », et d’en comprendre le comportement. Dans un plasma en combustion, l’énergie libérée par le noyau d’hélium issu de la réaction de fusion deutérium-tritium est suffisante pour entretenir la température du milieu, réduisant ainsi, voire supprimant totalement le besoin de recourir à des systèmes de chauffage externes.
ITER doit également mettre en œuvre et assurer l’intégration de l’ensemble des technologies essentielles au fonctionnement d’un réacteur de fusion industriel (aimants supraconducteurs, télémanipulation en milieu extrême, extraction de puissance, etc.). Le programme doit en outre valider les différents concepts de « modules tritigènes » qui permettront aux futurs réacteurs de produire au sein même de la machine le tritium indispensable à leur fonctionnement.
Des milliers d’ingénieurs et de scientifiques ont contribué à la conception d’ITER depuis que l’idée d’une collaboration internationale sur l’énergie de fusion a été lancée en 1985. Les Membres d’ITER (la Chine, l’Union européenne, l’Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États-Unis) se sont réunis dans une collaboration de trente-cinq ans pour construire et exploiter l’installation expérimentale ITER. Un réacteur de démonstration pourra être conçu sur la base de ce retour d’expérience. Ces pays ne s’interdisent de développer pour leur compte un centre de fusion, mais ils se sont engagés à partager leurs expériences
Avantages de la fusion
Le combustible est abondant : « Les combustibles sont pratiquement inépuisables », selon Paul Vandenplas, professeur émérite à l’Ecole royale militaire et fondateur du laboratoire de recherche sur la fusion à l’ERM. https://www.rma.ac.be/fr/antenne. L’un est le deutérium. On le trouve dans l’eau, c’est de l’‘eau lourde’ : une molécule sur 6 000 est du deutérium. » L’autre est le tritium, à fabriquer à partir du lithium. « On le trouve en quantité énorme dans la croûte terrestre, dans la mer… », précise Vincent Massaut (CSK-CEN).
Pas de risque d’emballement nucléaire. « Une explosion de type Fukushima est impossible par les lois physiques, selon Paul Vandenplas. Au maximum, un accident aurait des retombées à 2-3 km de la centrale. Il y aurait sans doute un dégagement de tritium (radioactif) à travers les parois. Mais le danger est très minime. » « On pourrait penser que le plasma chauffé à 100 millions de C°, s’il touche la paroi, fasse tout fondre, ajoute Vincent Massaut. En fait, il n’y a que quelques grammes de gaz qui sont très très chauds. Si le plasma touche la paroi, c’est lui qui ‘s’éteint’. » Et au moindre incident, on ferme une vanne et le combustible n’arrive plus. »
Peu des déchets radio actifs. « Les produits radioactifs auraient une courte vie, et pourraient être enfouis dans le sol, indique Paul Vandenplas. « Il y aura des déchets radioactifs dans un réacteur à fusion (car les neutrons vont heurter et activer les parois), souligne Vincent Massaut, mais très maîtrisables. Ce seront des déchets à courte vie radioactive. Deux cents ans après la fermeture, on n’en parlera plus. » Avec la fission, les déchets peuvent rester radioactifs durant des milliers d’années.
L’étude de la fusion contrôlée n’a aucune application militaire directe. « Il existe déjà une application de la fusion nucléaire, c’est la bombe H (à hydrogène). Mais pour amorcer cette bombe à fusion nucléaire, il faut de toute façon une énorme énergie, à savoir une bombe à fission nucléaire. Ce qui montre que la fusion contrôlée ne saurait jouer aucun rôle, note Paul Vandenplas. De toute façon, personne ne pense à cela . Cela dit, l’implosion par laser permet de mieux comprendre la physique d’un début d’explosion de bombe H. Et d’étudier la fiabilité de l’armement thermo-nucléaire, comment une bombe H se dégrade, vieillit… » Et le confinement magnétique n’a aucune application militaire possible, parce que l’énergie est beaucoup trop petite.
Les inconvénients de la fusion
La complexité. « L’inconvénient de la fusion ? C’est qu’on ne l’a pas encore, estime Vincent Massaut. Tellement c’est difficile. » Pour y parvenir, il faut en effet atteindre des conditions de température et de pression extrêmes, comme à l’intérieur d’une étoile. Les grandes puissances investissent. Mais pas de façon prioritaire. « Parce que les retombées commerciales sont à trop longue échéance » , regrette Paul Vandenplas .
Trop tardive. « Pour l’instant, ça n’existe pas. Cela fait 50 ans que les scientifiques disent que la fusion, ce sera pour dans 50 ans, selon Jan Vandeputte, expert nucléaire chez Greenpeace. Même si c’est une réalité pour 2050, ce sera trop tard pour remplacer la fission nucléaire. Le Giec dit qu’il faut ‘décarboniser’ la société pour 2050. La fusion vient trop tard ! »
Observons que plus tarde à commencer, plus les résultats seront tardifs
D’autres types de déchets . Pour Jan Vandeputte, si la durée de vie radioactive des déchets sera en effet moins longue, il y aura en revanche davantage de déchets, d’un autre type et plus volumineux. « Par exemple, les structures métalliques dégradées par les radiations neutroniques qui sont plus intensives. Il faudra les remplacer. » Autre problème : « la prolifération nucléaire ». Certains pays s’intéressent à la recherche en fusion car cela leur permet d’avoir accès au tritium aussi utilisé dans les bombes à fission nucléaire. « Or, les pays impliqués dans Iter, comme la Corée ou le Japon, veulent l’arme nucléaire. »
De premiers résultats
Des scientifiques américains et le gouvernement des Etats-Unis ont annoncé, mardi 13 décembre, avoir réussi une percée majeure dans le domaine de la fusion nucléaire. Cette prouesse se retrouvera« dans les livres d’histoire », a estimé la ministre de l’Energie américaine, Jennifer Granholm, lors d’une conférence de presse. Les Américains assurent, pour la première fois, avoir produit en laboratoire davantage d’énergie que celle utilisée pour provoquer la réaction.