06/02/2023 Les Russes au Mali

Le départ de l’armée francaise du Mali, « chassés » par les « colonels » ayant pris le pouvoir à Bamako, n’apporte aucun des bénéfices promis par ces derniers. On a appris que quatorze soldats maliens membres de la Minusma avaient été tués et onze blessés lors d’affrontements avec les djihadistes dans le centre du pays, selon un nouveau bilan donné par l’armée. Le précédent bilan faisait état la veille d’au moins 12 soldats maliens tués lors de ces combats qui ont eu lieu entre Mopti et Ségou après plusieurs attaques menées contre l’armée avec des bombes artisanales.

De son côté, l’armée malienne affirme avoir neutralisé «31 terroristes», dans un communiqué transmis à l’AFP.

Le Mali traverse une période d’instabilité et de conflit depuis le coup d’État militaire de 2012 et l’occupation du nord par des groupes armés. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) intervient depuis juillet 2014. Cependant, en raison des multiples « obstructions » du régime malien, « les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies » pour continuer les opérations Barkhane (française) et Takuba (commandos associés de quatorze pays européens, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni).

Les liens qui reliaient la France au Mali se distendaient chaque jour un peu plus. Après la rupture diplomatique, c’est la coupure humanitaire qui touche directement les populations civiles. En effet, depuis la parution d’un communiqué daté du 21 novembre, le gouvernement de transition au Mali a interdit, « avec effet immédiat », toutes les activités menées sur son sol par des ONG opérant sur financement ou avec l’appui matériel ou technique de la France, y compris dans l’humanitaire. Une interdiction dont les effets sur la population malienne la plus démunie commencent à se faire sentir en cette fin d’année, rapporte le « Journal du Mali ».

Par intermédiaire du groupe paramilitaire russe Wagner, c’est la Russie qui a pris la place de la France. On le sait depuis la révélation de son arrivée sur le sol malien en décembre 2021. La société privée Wagner qui emploie des mercenaires souvent recrutés directement dans les prisons n’intervient jamais gratuitement. Au Mali, elle paraît payée pour son appui aux colonels qui désormais gouvernent le Mali. Et, si tel est bien le cas, comment les versements sont-ils financés , vu la pauvreté du gouvernement légal ?

Avant même le déploiement de forces militaires, les hommes d’Evgueni Prigojine, patron de Wagner, ont commencé à prospecter dans le domaine aurifère dont le Mali est l’un des premiers producteurs en Afrique. Or, leurs recherches n’ont jusqu’ici débouché sur la signature d’aucun contrat d’exploitation minière, aucun accaparement de mine n’a été effectué comme en République centrafricaine. Wagner travaillerait-il donc à perte au Mali, laissant ses interventions en Centrafrique, en Libye ou au Soudan financer ce déploiement, jugé plus stratégique dans la mesure où il sape l’influence occidentale, en particulier française ?

Un document officiel malien a éclairé plusieurs chancelleries. Daté du 30 juillet 2022 et « publié par erreur » en fin d’année, selon une source occidentale, le budget rectifié de l’Agence nationale de la sécurité d’Etat (ANSE) malienne, autrement dit les services maliens de renseignement, laisse en effet apparaître une envolée des dépenses de cette structure placée sous l’autorité directe du président de la République, Assimi Goïta, et dirigée par l’un des piliers de la junte, le colonel Modibo Koné.

Les autorisations d’engagement de l’ANSE, initialement chiffrées à hauteur de 2 milliards de francs CFA pour 2022 (3 millions d’euros), ont ainsi été réévaluées en cours d’année à 71,4 milliards de francs CFA (108 millions d’euros). Les crédits de paiement, soit la limite des dépenses possibles pour la couverture des autorisations d’engagement, fixés pour leur part à 13,7 milliards de francs CFA (21 millions d’euros) ont, eux, été rectifiés à 103,7 milliards de francs CFA, soit une augmentation de plus de 135 millions d’euros pour l’année 2022.

« La surallocation de budgets à des institutions ou à des ministères ne correspondant à aucune dépense publique est une pratique commune dès lors que l’on veut maquiller des versements », assure une source diplomatique convaincue,que le financement des mercenaires russes est à chercher dans cette ligne budgétaire. Une conviction renforcée par le montant de l’augmentation qui correspond, peu ou prou, au contrat de 6 milliards de francs CFA par mois (un peu plus de 9 millions d’euros), évoqué en septembre 2021 par l’agence de presse Reuters, lorsque l’Etat malien était encore en négociation avec le groupe Wagner.

La question se posait déjà depuis la révélation de leur arrivée sur le sol malien en décembre 2021. La société privée Wagner qui emploie des mercenaires est-elle payée pour son appui aux colonels putschistes ? Et, si tel est bien le cas, comment les versements sont-ils financés ?

Avant même le déploiement de forces militaires, les hommes d’Evgueni Prigojine, patron de l’entreprise russe, ont commencé à prospecter dans le domaine aurifère dont le Mali est l’un des premiers producteurs en Afrique. Or, leurs recherches n’ont jusqu’ici débouché sur la signature d’aucun contrat d’exploitation minière, aucun accaparement de mine n’a été effectué comme en République centrafricaine. Wagner travaillerait-il donc à perte au Mali, comptant sur ses interventions en Centrafrique, en Libye ou au Soudan financer ce déploiement, jugé plus stratégique dans la mesure où il sape l’influence occidentale, en particulier française ?

Un document officiel malien a manifestement éclairé plusieurs chancelleries. Daté du 30 juillet 2022 et « publié par erreur » en fin d’année, selon une source occidentale, le budget rectifié de l’Agence nationale de la sécurité d’Etat (ANSE), les services maliens de renseignement, laisse en effet apparaître une envolée des dépenses de cette structure placée sous l’autorité directe du président de la République, Assimi Goïta, et dirigée par l’un des piliers de la junte, le colonel Modibo Koné.

Les autorisations d’engagement de l’ANSE, initialement chiffrées à hauteur de 2 milliards de francs CFA pour 2022 (3 millions d’euros), ont ainsi été réévaluées en cours d’année à 71,4 milliards de francs CFA (108 millions d’euros). Les crédits de paiement, soit la limite des dépenses possibles pour la couverture des autorisations d’engagement, fixés pour leur part à 13,7 milliards de francs CFA (21 millions d’euros) ont, eux, été rectifiés à 103,7 milliards de francs CFA, soit une augmentation de plus de 135 millions d’euros pour l’année 2022.

« La surallocation de budgets à des institutions ou à des ministères ne correspondant à aucune dépense publique est une pratique commune dès lors que l’on veut maquiller des versements », assure une source diplomatique convaincue que le financement des mercenaires russes est à chercher dans cette ligne budgétaire. Une conviction renforcée par le montant de l’augmentation qui correspond, peu ou prou, au contrat de 6 milliards de francs CFA par mois (un peu plus de 9 millions d’euros), évoqué en septembre 2021 par l’agence de presse Reuters, lorsque l’Etat malien était encore en négociation avec le groupe de mercenaires. Une somme par la suite confirmée par le général américain Stephen Townsend, le commandant d’Africom.

La date du 30 juillet 2022 figurant sur ce document n’est également pas anodine. Le 3 juillet, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) avait levé les sanctions économiques et financières imposées six mois plus tôt à Bamako en raison du non-respect des délais de la période de transition, censée en premier lieu s’achever en février 2022 . En retirant ces mesures de restriction qui ont fait exploser l’endettement de l’Etat malien sur le marché intérieur et obligé la junte à geler une partie de ses versements à ses nouveaux alliés russes durant les premiers mois de leur déploiement , la région a en effet redonné au gouvernement des capacités d’emprunt sur les marchés extérieurs.

Sergueï Lavrov, le ministre des affaires étrangères russe, a conclu, mardi 7 février, une « visite d’amitié et de travail » d’une journée à Bamako, au Mali, dont chaque partie ne semble avoir que des raisons de se satisfaire. Effectué dans le cadre d’une tournée sur le continent africain qui l’a mené d’abord en Afrique du Sud, au Eswatini (ex-Swaziland), en Angola et en Erythrée, ce premier voyage d’un chef de la diplomatie russe au Mali, en dépit de la longue tradition de coopération entre les deux pays (notamment sous la présidence de Modibo Keïta, de 1960 à 1968), avait une valeur symbolique particulière. Bamako est en effet depuis un peu plus d’un an le point le sensible de la présence russe en Afrique.

Pour les colonels putschistes maliens, la venue de Sergueï Lavrov est une évidente marque de considération, qui témoigne auprès de leur opinion de la solidité de leur relation avec Moscou, devenu leur premier partenaire depuis leur deuxième coup d’Etat, en mai 2021, et la rupture avec la France qu’il a entraînée. Pour la Russie, cette visite permet d’amplifier son opération de séduction régionale interafricaine au moment où la junte au pouvoir au Burkina Faso voisin montre un intérêt pour le virage prorusse opéré par Bamako, et où les promesses du Kremlin trouvent un écho grandissant en Afrique, en premier lieu au Sahel.

Un succès diplomatique russe

Il s’agit d’un succès non négligeable alors que les Etats-Unis, comme la Chine, déploient des efforts pour courtiser le continent dans un contexte de recomposition des relations internationales. Affichant une parfaite complicité avec son homologue Abdoulaye Diop, qui n’a pas manqué de remercier son invité pour son soutien dans la lutte « contre les terroristes et leurs sponsors étrangers », M. Lavrov a placé, dès sa descente d’avion, les fondements de l’amitié entre les deux pays sous le signe de « la défense de la justice sur la scène internationale, agressivement foulée aux pieds ». Lors d’une conférence de presse commune, le chef de la diplomatie malienne a de son côté mis l’accent sur « l’avantage comparatif » de « cette coopération qui se fait sur la base des demandes » de son pays et sans volonté de monter « une partie des Maliens contre les autres ». Chacun aura ici reconnu les cibles : les Occidentaux au sens large, la France en particulier.

Si les partenariats russo-maliens dans les domaines de l’agriculture, des mines, des infrastructures ou de l’énergie restent à construire, la coopération militaire entre les deux pays bat son plein. Ces derniers mois, Moscou a livré à Bamako des hélicoptères de combat, des avions de chasse – dont des Sukhoï 25 –, des missiles sol-air et des systèmes radars.

« L’armée malienne démontre désormais sa capacité à organiser des opérations complexes, notamment dans le centre du pays. Leur bilan est pour l’instant peu convaincant au regard de la progression des groupes djihadistes et de la forte augmentation des violences envers les civils, remarque Ibrahim Maïga, conseiller Sahel auprès de l’organisation International Crisis Group. Cependant, elles permettent aux autorités de transition de communiquer sur la fiabilité de ce nouveau partenaire qui répond rapidement à leurs demandes et d’asseoir leur légitimité auprès d’une partie de la population, alors que les politiques de stabilisation menées par les Occidentaux n’ont pas eu l’efficacité escomptée. »

Les caisses publiques maliennes ne sont désormais plus soumises à la même pression, mais la solution d’un financement du Groupe Wagner par la « SE », la Sécurité d’Etat malienne, craignant de devoir subir les interrogatoires de ses agents, n’est peut-être que provisoire. « L’objectif de Wagner semble toujours de rentabiliser sa présence à travers l’exploitation des ressources naturelles », prévient un diplomate.

Après avoir monté, comme l’a révélé l’hebdomadaire Jeune Afrique en janvier, plusieurs sociétés – Prime Security, Alpha Development, Marko Mining – qui ne sont pas parvenues à s’octroyer les mines ciblées, les cadres de Wagner pourraient avoir incité les autorités maliennes de transition à créer, le 17 novembre 2022, la Société de recherche et d’exploitation minière du Mali (Sorem SA), chargée d’accroître les revenus de l’Etat. Une mesure suivie, onze jours plus tard, de l’annonce par le ministère des mines de la suspension de tous les permis d’exploration et d’exploitation afin d’« améliorer le processus de délivrance et de suivi des autorisations » et de « mieux servir les acteurs du secteur ».

Plus de deux mois après, la menace d’une redistribution des permis d’exploitation n’a cependant pas été mise à exécution. « Les Canadiens [premiers acteurs miniers du pays avec les société Barrick Gold et B2Gold] semblent jusqu’ici assez contents », convient un observateur étranger. Parallèlement, les combattants de Wagner déployés au Mali n’ont pas vu leurs rangs décroître. Au contraire, une source occidentale évoque même une augmentation de leurs effectifs qui seraient désormais compris « entre 1 500 et 2 000 hommes ».

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