Nous empruntons à Wikipédia cette présentation des Versets Sataniques dont Salman Rushdie est l’auteur et qui lui a valu d’un fanatique musulman une agression au couteau le 11 aout 2022, le laissant entre la vie et la mort
Sur l’histoire
Le roman, d’environ 500 pages, est une œuvre complexe s’inspirant de faits réels (l’attentat contre un avion d’Air India en 1985, les émeutes de Brixton en 1981 et 1985, la ferveur populaire autour de l’acteur indien Amitabh Bachchan à la suite d’un accident de tournage en 1982, la noyade tragique en 1983 de plusieurs adeptes chiites d’un illuminé qui les avait convaincus que la mer allait s’ouvrir devant eux, la révolution iranienne de 1979), de références biographiques portant sur l’auteur lui-même ou son entourage, ainsi que de faits historiques inspirés de la vie du prophète Mahomet, légendaires (tel l’épisode dit des versets sataniques, expliqué plus bas, qui donne son titre au livre et qui n’occupe que trois paragraphes du roman3) ou imaginaires. Il repose sur un thème central qu’on retrouve dans d’autres ouvrages de l’auteur : le déracinement de l’immigré, déchiré entre sa culture d’origine dont il s’éloigne et la culture de son pays d’accueil qu’il souhaite ardemment acquérir, et la difficulté de cette métamorphose. Le roman établit des ponts entre Inde et Grande-Bretagne, passé et présent, imaginaire et réalité, et aborde de nombreux autres thèmes, la foi, la tentation, le fanatisme religieux, le racisme, les brutalités policières, les provocations politiques, la maladie, la mort, la vengeance, le pardon, etc.
Il est constitué de neuf chapitres. Les chapitres impairs décrivent les pérégrinations des deux personnages principaux, Gibreel Farishta et Saladin Chamcha. Les chapitres pairs sont les narrations des rêves et cauchemars de Gibreel Farishta. Ce dernier, un acteur renommé du cinéma indien, perd la foi à la suite d’une maladie et s’enfuit en Angleterre à la recherche d’une jeune femme qu’il a connue peu de temps auparavant. Saladin Chamcha est également d’origine indienne, mais est doté d’un passeport britannique, et dans toute son âme se veut britannique. Sa couleur de peau le fait se heurter aux préjugés et il gagne sa vie par le talent qu’il a de contrefaire sa voix. Se retrouvant tous deux dans un vol à destination de Londres, ils sont les seuls survivants d’un attentat terroriste. Arrivant indemnes sur une plage, ils sont confrontés à la police qui les soupçonne d’être des immigrés clandestins, mais seul Saladin Chamcha, pourtant le plus « britannique » des deux, considéré comme le plus suspect, est arrêté sans ménagement, sans que Gibreel Farishta esquisse le moindre geste de solidarité. Les deux hommes, désormais séparés, et se vouant réciproquement une animosité certaine, vont évoluer chacun de son côté au fil de la narration, avant de se confronter l’un à l’autre.
Gibreel Farishta, objet d’hallucinations, fait plusieurs rêves. Ceux-ci font référence aux débuts des prédications d’un prophète monothéiste, Mahound (en) (figurant Mahomet de manière comique4), dans la ville de Jahiliya (nommée ainsi en référence à la jâhilîya) et les pressions auxquelles il est soumis, à un imam exilé d’un pays où il revient à la suite d’une révolution pour y dévorer son peuple (allusion à l’ayatollah Khomeini, qui explique l’acharnement que l’Iran portera contre l’auteur), à une jeune fille qui convainc son village de se rendre à La Mecque en traversant à pied sec la mer d’Arabie. Ce sont certains passages de ces chapitres qui susciteront la colère d’une partie du monde musulman.
Origine du titre du roman
Le titre du roman fait référence à un épisode hypothétique de la vie de Mahomet, connu sous le nom de prédication des Versets sataniques. Au moment où Mahomet tenta d’établir le monothéisme à La Mecque, il se trouva en butte à l’hostilité des notables polythéistes de la ville. Selon cet épisode, raconté de manière fictive dans le chapitre II du roman, intitulé « Mahound », le prophète aurait d’abord énoncé des versets autorisant d’autres divinités que le seul Dieu et recommandé qu’on leur rendît un culte, avant de se rétracter. Ces versets auraient été inspirés par le diable4.
Cité par de nombreuses sources de la tradition musulmane5, cet épisode, perçu comme une concession au polythéisme et une remise en question de l’unicité divine et de la fiabilité de Mahomet, est fortement critiqué par certains courants de l’Islam qui ne reconnaissent pas son authenticité.
Réactions
Les plus rigoristes des musulmans considèrent le livre comme blasphématoire « du point de vue de l’islam »[pas clair], et ce de plusieurs façons :
- en l’analysant comme une moquerie envers le Coran, et en l’accusant de présenter le Coran comme satanique en s’appuyant sur une tradition rapportée par al-Tabari, un commentateur du xe siècle sur les trois déesses (versets 19-22).
- en estimant que le portrait que fait le roman du monde musulman primitif et de Mahomet est parodique.
En outre, en publiant ce livre, l’auteur d’origine indienne et de parents musulmans se voit accusé :
- d’athéisme en raison de son interview au journal India Today : « Je ne crois en aucune entité surnaturelle, qu’elle soit chrétienne, juive, musulmane ou hindoue. »
- d’apostasie car né musulman, il ne refuserait pas un islam qu’il ne connaîtrait pas, mais rejetterait l’islam tel qu’il lui aurait été enseigné.
- de conspiration contre l’islam, en diffusant, avec la complicité de non-musulmans, des textes contre l’islam, hostiles à la « Vraie Religion ».
Les partisans les plus radicaux d’une interprétation de la charia au sens le plus archaïque considèrent que ces faits sont des crimes punissables de mort[réf. nécessaire].
Salman Rushdie s’est toujours défendu d’avoir écrit un livre blasphématoire, considérant que ses accusateurs n’avaient pas compris le sens du roman, ou n’avaient même pas pris la peine de lire le livre. Dans son autobiographie Joseph Anton6, il écrit qu’« il lui fallut plus de quatre ans pour écrire le livre. Après coup, lorsque des gens voulurent réduire ce livre à une insulte, il avait envie de répondre “je suis capable d’insulter les gens un peu plus vite que cela”. Mais ses adversaires ne trouvèrent pas étrange qu’un écrivain sérieux puisse consacrer un dixième de sa vie à créer quelque chose d’aussi vulgaire qu’une insulte ».
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