Référence https://theconversation.com/jusqua-quand-pourrons-nous-depasser-les-limites-planetaires-183781
Les sciences du système Terre appréhendent la planète comme une entité qui met en jeu des interactions complexes entre l’atmosphère, la lithosphère, l’hydrosphère et la biosphère (le vivant). Et comme tout système, la Terre est dotée de capacités d’adaptation qui permettent de maintenir un état d’équilibre dynamique entre ces éléments – on parle de « régime » pour désigner cet état de relative stabilité.
Pour ces sciences l’Holocène est une période interglaciaire du Quaternaire. C’est une période tempérée qui suit la dernière période glaciaire du Pléistocène (dénommée Glaciation vistulienne en Europe du Nord, Glaciation de Wisconsin en Amérique du Nord, et Glaciation de Würm dans les Alpes). L’Holocène est la deuxième et dernière époque de la période Quaternaire
Le régime de l’Holocène s’est avéré particulièrement favorable à l’épanouissement de l’homo sapiens. Ce régime est censé durer encore plus de 10 000 ans. Malheureusement l’humanité (ce même homo sapiens) est en train de menacer l’équilibre de ce régime. Autrement dit, nous sommes sur le point de franchir un point de bascule (tipping point.)
En écologie, il est démontré que les écosystèmes nous envoient des signes lorsqu’ils sont en train d’atteindre des niveaux de dégradation tels qu’ils ne peuvent plus assurer les fonctions de régulation qui leur permettent de maintenir leur équilibre. C’est ce qu’on appelle des « signaux d’alarme précoces » (« early warning signals » ).
Depuis plus de dix ans, des scientifiques issus de disciplines et d’institutions différentes travaillent ensemble à définir à l’échelle planétaire le cadre d’un « espace de fonctionnement sûr » (SOS – Safe Operating Space, ), caractérisé par des limites physiques que l’humanité devrait respecter sous peine de voir les conditions de vie sur Terre devenir bien moins accueillantes pour la vie humaine. Ce cadre a depuis été complété et actualisé à l’occasion de plusieurs publications.
Par exemple, l’altération de l’utilisation des sols et des cycles de l’eau rend les systèmes plus sensibles aux changements climatiques. Les modifications négatives des trois grands systèmes globaux de régulation sont aujourd’hui bien documentées : l’érosion de la couche d’ozone, le changement climatique et l’acidification des océans.
D’autres cycles, plus lents et moins visibles, régulent la production de la biomasse et de la biodiversité, contribuant ainsi à la résilience des systèmes écologiques : les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, le cycle de l’eau douce, les changements d’utilisation des sols et l’intégrité génétique et fonctionnelle de la biosphère. Enfin, deux phénomènes présentent des limites qui ne sont à ce jour pas quantifiées par la communauté scientifique : la pollution atmosphérique par les aérosols et l’introduction d’entités nouvelles (chimiques ou biologiques, par exemple).
Ces sous-systèmes biophysiques réagissent de façon non linéaire, parfois brutale, et sont particulièrement sensibles lorsque l’on s’approche de certains seuils. Les conséquences du dépassement de ces seuils risquent alors d’être irréversibles et pourraient, dans certains cas, conduire à des changements environnementaux démesurés voire catastrophiques.
Les limites planétaires sont déjà dépassées pour le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore et le changement d’utilisation des sols. Selon les chercheurs du Stockholm Resilience Centre et leurs collègues (2022), celles relatives à la pollution plastique et chimique le sont aussi.
On s’approche également dangereusement des limites en ce qui concerne l’acidification des océans. Pour ce qui est du cycle de l’eau douce, si beaucoup considèrent que la limite n’est pas encore atteinte à l’échelle mondiale, le ministère de la Transition écologique et solidaire constate que le seuil est déjà franchi au niveau de la France
Ces dépassements ne pourront pas se prolonger indéfiniment sans menacer les équilibres du système Terre. D’autant que ces processus sont intimement liés les uns aux autres. Par exemple, transgresser les limites d’acidification des océans ainsi que celles des cycles de l’azote et du phosphore limitera, à terme, la capacité des océans à absorber le carbone atmosphérique. De même, l’artificialisation des terres et la déforestation diminuent la capacité des forêts à séquestrer le carbone, et donc à limiter le changement climatique. Mais elles réduisent aussi la résilience des systèmes locaux face aux changements globaux…
Les ressources biologiques dont nous dépendons subissent des transformations rapides et imprévisibles à l’horizon de quelques générations humaines. Ces transformations risquent de provoquer un effondrement des écosystèmes, des pénuries alimentaires ainsi que des crises sanitaires potentiellement bien pires que celle que nous connaissons aujourd’hui. Les principaux facteurs à l’origine de ces impacts planétaires sont clairement identifiés : il s’agit de la croissance de la consommation de ressources ; de la transformation et de la fragmentation des habitats naturels ; et de la consommation d’énergie.
Pour en savoir plus, lire Aurélien Boutaud et Natacha Gondran « Les limites planétaires », paru en mai 2020 aux éditions La Découverte.