Ce document de 372 pages illustre les conditions ahurissantes de légèreté, d’incompétence et d’irresponsabilité dans lesquelles ont été prises depuis 30 ans les décisions de politique énergétique qui engagent l’avenir du pays
Voir https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/ceindener/l16b1028_rapport-enquete
Les membres de la Commission d’enquête parlementaire auront passé six mois et 150 heures d’auditions à tenter de comprendre les raisons d’un effondrement depuis près de trois décennies des politiques publiques énergétiques en France.
Celui-ci s’est traduit par la démolition d’une filière nucléaire qui était la plus performante au monde, par une perte de souveraineté énergétique sans précédent et par le risque permanent et pour de nombreuses années d’une pénurie d’électricité dans le pays. Et tout cela au nom d’idéologies simplistes, de compromis politiciens inconséquents et d’une absence effarante de compétence et de responsabilité politique.
Cela a conduit aujourd’hui à un appauvrissement sans précédent du pays en temps de paix illustré à la veille de l’hiver par les demandes répétées du gouvernement aux Français et aux entreprises de rationner leur consommation d’énergie et plus particulièrement d’électricité au prétexte de la guerre en Ukraine
Heureusement, par chance, une météorologie clémente a évité des coupures et des délestages. Mais cela ne change rien au constat. Les infrastructures et équipements énergétiques du pays sont incapables de faire face aux besoins actuels et encore moins à ceux nécessaires à la transition énergétique qui,doit se traduire par une augmentation considérable de la consommation d’électricité du fait de l’électrification des usages et du développement accéléré de la production d’hydrogène par électrolyse.
Rien n’a été anticipé et rien n’a été préparé depuis un quart de siècle. Plus grave encore, l’outil nucléaire technique et humain a été laissé à l’abandon et considérablement affaibli. La meilleure illustration en est l’état pitoyable dans lequel se trouve EDF, renationalisée pour éviter sa faillite. L’entreprise publique devrait pourtant être le champion français de l’électricité décarboné et de la transition énergétique.
Les conclusions sont accablantes et on n’en attendait pas autre chose.
« Souvent, nous sommes passés de l’incompréhension à la surprise, jusqu’à la consternation » :
voilà comment le député Renaissance, Antoine Armand, résume les six mois de commission d’enquête parlementaire sur les « raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France » en introduction du rapport. L’élu fait le
« récit d’une lente dérive, d’une divagation politique, souvent inconsciente et inconséquente, qui nous a éloignés et de la transition écologique et de notre souveraineté énergétique ».
Concernant le nucléaire, sur 372 pages, le rapport de la commission présidée par le député LR Raphaël Schellenberger raconte trente ans d’errements politiques , une « histoire de décisions souvent partielles ou différées, voire contradictoires, […] prises à l’envers, sans méthode, sans prospective, aux conséquences lourdes, et qui ne semblaient trouver leur source que dans des maux profonds : l’inconscience et l’électoralisme ».
Concrètement, selon le document, le mix énergétique s’est « comme affaibli de l’intérieur » : nous démantelions notre fleuron nucléaire sans compenser suffisamment cette perte dans les renouvelables, aveuglés par l’illusion de notre surcapacité.
Le document fait notamment mention de l’ancien premier ministre Lionel Jospin qui, « sans pourtant produire aucun élément pour étayer ses déclarations […], explique que sa décision [de fermer Superphénix] reposait fondamentalement sur des raisons industrielles, à la fois techniques et financières ». Il ne voyait pas, à cette époque, la perte considérable de l’avance technologique de la France que représentait cette fermeture.
François Hollande et sa « loi de 2015, ses objectifs chiffrés, dont les “50 %”, et le plafonnement de la capacité de production nucléaire » ont aussi eu droit à leur procès. Cette loi est considérée par le rapport comme « un contre-exemple de politique énergétique ». Quant à Emmanuel Macron, avant de revenir récemment à plus de réalisme, il demandait un nombre de fermetures qui aurait été catastrophique.
Nous examinerons les propositions du rapport dans un article ultérieur
(à suivre)