La matière noire, dite aussi matière sombre, est comme son nom l’indique, une forme de matière hypothétique jamais observée directement, au contraire de la matière ordinaire. Elle a l’intérêt, dans le cadre du modèle Lambsa CDM (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_%CE%9BCDM) de rendre compte de certaines observations astrophysiques, notamment les estimations de la masse des galaxies ou des amas de galaxies et les propriétés des fluctuations du fond diffus cosmologique. Wikipédia
Faudra-t-il cependant abandonner cette hypothèse ? Sans remettre en cause la théorie du Big Bang dans ses grandes lignes, il faudrait peut-être, par exemple, remplacer les effets des hypothétiques particules de matière noire par une modification des lois de la mécanique céleste de Newton, et finalement par une modification des lois de la théorie relativiste de la gravitation proposée par Einstein il y a un peu plus d’un siècle.
Mais par quoi les remplacer?
Nous publions ci-dessous les références et l’abstract d’une recherche et du rapport que vient de publier une équipe internationale d’astrophysiciens dirigée par le Dr Pavel Kroupa (https://astro.uni-bonn.de/~pavel/) de l’Université de Bonn. L’équipe a fait une découverte surprenante en analysant certains amas d’étoiles dits amas stellaires https://fr.wikipedia.org/wiki/Amas_stellaire). Il se trouve que ces amas stellaires affichent une asymétrie inattendue en matière de distribution d’étoiles ; or, ceci vérifie davantage la théorie de la dynamique newtonienne modifiée (théorie MOND) — qui s’impose comme une alternative au concept de matière noire — que la théorie de la gravité largement admise aujourd’hui.
Sur la Théorie MOND (Modified Newtonian Dynamics), on lira https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_MOND
Cette nouvelle étude repose sur l’existence d’amas d’étoiles dits « ouverts » — des amas de 4 à 5 parsecs en moyenne, de plusieurs dizaines à plusieurs milliers d’étoiles. Ces milliers d’étoiles naissent en peu de temps dans un énorme nuage de gaz principalement d’hydrogène et de poussières et sont liées entre elles par des forces gravitationnelles. Ces amas stellaires ne survivent généralement que quelques centaines de millions d’années avant de se dissoudre : certaines étoiles se déplacent plus lentement, d’autres plus vite que l’amas dans son ensemble, emportant avec elles une partie du nuage de gaz et de poussière.
On observe alors la formation de deux « queues de marée ». L’une de ces queues s’étend derrière l’amas lorsqu’il voyage dans l’espace, tandis que l’autre s’étend vers l’avant. Les lois de la gravité de Newton prédisent qu’une étoile a autant de chance de se trouver dans la queue avant que dans la queue arrière ; ainsi, les deux queues devraient en théorie contenir un nombre d’étoiles quasi similaire. Or, en observant cinq amas ouverts connus (les Hyades, Praesepe ou amas de la Ruche, la Chevelure de Bérénice, COIN-Gaia 13 et NGC 752), des chercheurs se sont aperçus que cela n’était pas le cas.
« Dans les amas que nous avons étudiés, la queue avant contient toujours beaucoup plus d’étoiles proches de l’amas que la queue arrière », a expliqué le Dr Jan Pflamm-Altenburg de l’Institut Helmholtz de radioprotection et de physique nucléaire. Il n’est pas particulièrement aisé de distinguer les étoiles qui appartiennent aux queues de l’amas lorsque ce dernier est entouré de millions d’étoiles ; cela nécessite d’évaluer la vitesse, la direction du mouvement et l’âge de chacun des objets.
La Dr Tereza Jerabkova, astronome à l’Observatoire européen austral et co-auteure de l’étude, a donc mis au point une méthode — la méthode Jerabkova-compact-convergent-point (CCP) — permettant de compter avec précision les étoiles situées dans les queues de marée. Grâce aux données collectées par le satellite Gaia de l’Agence spatiale européenne, ses collègues et elle ont pu cartographier les queues de quatre amas ouverts proches, âgés de 600 à 2000 millions d’années. C’est ainsi qu’ils ont découvert que les queues de tête contenaient toutes plus d’étoiles que les queues arrière, au moins dans un rayon de 150 années-lumiére du centre de l’amas.
En effectuant une série de simulations informatiques, l’équipe a constaté que cette asymétrie correspondait tout à fait aux prédictions de la théorie de la dynamique newtonienne modifiée (ou théorie MOND). « En simplifiant, on dira que selon MOND, les étoiles peuvent quitter un amas par deux queues de marée différentes, la queue de marée arrière et la queue de marée avant Cependant, la première est beaucoup plus étroite que la seconde, il est donc moins probable qu’une étoile quitte l’amas par cette porte. La théorie de la gravité de Newton, en revanche, prédit que les deux portes devraient avoir la même largeur », explique le professeur Pavel Kroupa, de l’Institut Helmholtz de physique des rayonnements et de physique nucléaire de l’Université de Bonn.
Non seulement les simulations coïncidaient parfaitement avec la distribution stellaire observée, mais elles ont fourni une explication à un autre phénomène : elles ont en effet permis de déterminer que la durée de vie des amas d’étoiles ouverts était nettement plus courte (de 20 à 50% plus courte) que celle à laquelle on pourrait s’attendre selon les lois de Newton. « Cela explique un mystère connu depuis longtemps. À savoir que les amas d’étoiles dans les galaxies proches semblent disparaître plus vite qu’ils ne le devraient », a déclaré Kroupa.
De nombreuses étoiles et galaxies se déplacent trop vite par rapport à leur masse ; ainsi, dès les années 1930, les scientifiques ont émis l’hypothèse que d’énormes quantités de matière invisible — décrites aujourd’hui comme de la matière noire — pouvaient être à l’origine de ce phénomène. Bien qu’aucune preuve directe n’ait jusqu’à présent permis de confirmer son existence, la matière noire constitue encore aujourd’hui une théorie largement acceptée.
La théorie MOND a été proposée au début des années 1980 comme alternative au concept de matière noire pour expliquer pourquoi les galaxies ne semblent pas obéir aux lois de la physique actuellement admises. Ce phénomène supposerait supposerait une modification de la loi de la gravitation universelle de Newton. A des accélérations (vitesse) extrêmement faibles les effets de la gravité sont plus forts que ne le suggèrent les lois de Newton. Si elle devait se vérifier, cela aurait évidemment des conséquences considérables pour d’autres domaines de la physique . Selon Kroupa, il faudrait complètement « réinventer la cosmologie ». C’est pourquoi davantage de preuves seront nécessaires.
L’hypothèse MOND pour sa part est encore très controversée, mais les auteurs explorent maintenant de nouvelles méthodes mathématiques pour des simulations encore plus précises. Elles pourraient ensuite être appliquées à d’autres observations et peut-être, apporter de nouvelles preuves en faveur de cette théorie alternative.
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Référence
[Submitted on 24 Oct 2022]
Asymmetrical tidal tails of open star clusters: stars crossing their cluster’s prah challenge Newtonian gravitation
Pavel Kroupa, Tereza Jerabkova, Ingo Thies, Jan Pflamm-Altenburg ….
After their birth a significant fraction of all stars pass through the tidal threshold (prah) of their cluster of origin into the classical tidal tails. The asymmetry between the number of stars in the leading and trailing tails tests gravitational theory. All five open clusters with tail data (Hyades, Praesepe, Coma Berenices, COIN-Gaia 13, NGC 752) have visibly more stars within dcl = 50 pc of their centre in their leading than their trailing tail. Using the Jerabkova-compact-convergent-point (CCP) method, the extended tails have been mapped out for four nearby 600-2000 Myr old open clusters to dcl>50 pc. These are on near-circular Galactocentric orbits, a formula for estimating the orbital eccentricity of an open cluster being derived. Applying the Phantom of Ramses code to this problem, in Newtonian gravitation the tails are near-symmetrical. In Milgromian dynamics (MOND) the asymmetry reaches the observed values for 50 < dcl/pc < 200, being maximal near peri-galacticon, and can slightly invert near apo-galacticon, and the Küpper epicyclic overdensities are asymmetrically spaced. Clusters on circular orbits develop orbital eccentricity due to the asymmetrical spill-out, therewith spinning up opposite to their orbital angular momentum. This positive dynamical feedback suggests Milgromian open clusters to demise rapidly as their orbital eccentricity keeps increasing. Future work is necessary to better delineate the tidal tails around open clusters of different ages and to develop a Milgromian direct n-body code.