04/10/22. Les grèves du rail aux Etats-Unis

En raison des conditions de travail pénibles auxquelles sont soumis les travailleurs des chemins de fer depuis des années, les États-Unis font face à leur première grande grève du rail depuis les années 1990. L’industrie du transport ferroviaire enregistre un taux de syndicalisation supérieur à la moyenne en comparaison avec d’autres parties du secteur privé. Selon un groupe commercial représentant les compagnies de chemin de fer, une grève des chemins de fer pourrait entraîner une perte de production économique de 2 milliards de dollars par jour. Rappelons qu’aux Etats-Unis ce secteur n’a pas été nationalisé

La Maison-Blanche qui espère éviter d’en arriver à contraindre les grévistes à reprendre le travail, a annoncé que les dirigeants de la Fraternité des ingénieurs de locomotives et des agents de train (BLET), de l’Association internationale des travailleurs de la métallurgie, de l’air, du rail et des transports (SMART-TD) et de la Fraternité des aiguilleurs du rail (BRS), entre autres, avaient conclu un accord de principe avec les principales sociétés de transport de marchandises, dont Burlington Northern and Santa Fe Railway (BNSF) ainsi que Union Pacific. L’accord de principe a été conclu dans un contexte de pression considérable exercée par l’administration de Joe Biden.

Les responsables syndicaux ont précisé que le contenu exact de l’accord n’était pas encore définitif et que les travailleurs ne pourraient en voir les détails que d’ici trois ou quatre semaines, après quoi les membres syndiqués devront voter sur la proposition en discussion.

La BNSF a annoncé un bénéfice net de près de 6 milliards de dollars en 2021, soit une hausse de 16 % par rapport à l’année précédente. L’Union Pacific a annoncé un bénéfice net de 6,5 milliards de dollars, également en hausse de 16 % par rapport à 2020. Les CSX Transportation et Norfolk Southern Railway ont également enregistré d’importants bénéfices.

La déréglementation économique des transporteurs ferroviaires de marchandises de classe 1 dans les années 1980 a vu le nombre de transporteurs de marchandises passer de 40 à 7, un nombre qui devrait bientôt tomber à 6. La main-d’œuvre est passée de près de 540 000 personnes en 1980 à quelques 130 000. Le service sur les lignes de chemin de fer du pays, ainsi que les conditions de travail et les salaires, ont diminué alors que Wall Street fait pression sur les grands conglomérats ferroviaires pour obtenir des bénéfices.

Il semble que l’accord proposé ne réponde qu’à très peu des principales revendications des cheminots, notamment le rattrapage d’années de baisse des salaires, la nécessité d’un ajustement en fonction du coût de la vie pour faire face à l’inflation, la fin des politiques onéreuses en matière d’assiduité, la garantie de congés et de jours de maladie, la fin des licenciements massifs qui ont exercé une pression énorme sur les cheminots restants, et la fin de la pratique des équipes composées d’une seule personne.

Le rail transporte environ les deux cinquièmes du fret américain sur longue distance et un tiers des exportations. Il est au cœur d’une chaîne d’approvisionnement mondiale complexe qui comprend des cargos, des trains et des camions. Il était pratiquement certain que la Maison-Blanche de Biden interviendrait pour empêcher une grève nationale des chemins de fer, qui porterait un coup fatal à la chaîne d’approvisionnement vacillante et à l’économie chancelante du pays.

Rappelons que grâce à une série de grèves dans les années 1930, les syndicats ont fait pression sur Franklin Delano Roosevelt pour qu’il adapte au rail la législation du New Deal. Grâce à eux, les travailleurs ont obtenu des week-ends de congés, le droit de s’organiser et de faire grève, la journée de travail de huit heures, des prestations de santé et de retraite, des conditions de travail sûres, des heures supplémentaires et une sécurité sociale.

Dans les années 1930 et 1950, la chasse aux « rouges » visait principalement les syndicalistes et les syndicats radicaux tels que les Industrial Workers of the World (IWW), connus sous le nom de Wobblies, ou encore le Congress of Industrial Organizations (CIO). Dans la croisade contre les « rouges », les syndicats et les dirigeants syndicaux les plus militants, dont certains étaient communistes, ont été traités en parias. Une série de lois anti-syndicales, dont la loi Taft-Hartley de 1947 et les lois sur le droit au travail (qui interdisent les magasins appartenant à des syndicats), ont été instaurées à cette époque.

Lorsque la loi Taft-Hartley a été adoptée, environ un tiers de la main-d’œuvre était syndiquée, avec un maximum à 34,8 % en 1954. Cette loi s’n prend directement aux syndicats. Elle interdit les grèves juridictionnelles, les grèves sauvages, les grèves de solidarité ou politiques, et les boycotts secondaires par lesquels les syndicats font grève contre les employeurs qui continuent à faire affaire avec une entreprise en grève.

Cette même loi interdit également le piquetage secondaire ou common situs, les fermetures d’ateliers et les dons monétaires des syndicats aux campagnes politiques fédérales. Les responsables syndicaux sont contraints par la loi de signer des déclarations sous serment de non-communisme sous peine de perdre leur poste. Les entreprises sont autorisées par la loi à exiger des employés qu’ils assistent à des réunions de propagande antisyndicale. Le gouvernement fédéral est habilité à obtenir des injonctions légales pour briser une grève si un mouvement imminent ou en cours met en péril « la santé ou la sécurité nationale ».

La loi enlève tout pouvoir aux travailleurs. Elle rend légale la suspension des libertés civiles, y compris lorsqu’il s’agit de la liberté d’expression et du droit de réunion. Les tribunaux américains, y compris la Cour suprême, dont les juges sont issus de cabinets d’avocats d’affaires, ont depuis prononcé une série de nouvelles décisions antisyndicales pour maintenir les travailleurs en servitude. Le droit de grève aux États-Unis n’existe que de nom.

Les grèves générales seront déclarées illégales quel que soit le parti au pouvoir à la Maison-Blanche. Ceux qui mènent les grèves seront susceptibles d’être arrêtés, et les entreprises tenteront de remplacer les travailleurs par des briseurs de grève. Le développement récent du transport routier ou aérien n’a pratiquement rien changé à ce rapport de forces.

Source

https://elucid.media/societe/greves-generales-syndicat-travail-salaires-pire-cauchemar-milliardaires-chris-hedges/?mc_ts=crises

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