Si l’on en croit la presse occidentale, le président russe Vladimir Poutine menace le monde d’une famine générale. Ainsi en Ukraine, les Russes retiendraient volontairement près de 20 millions de tonnes de céréales – dont la plus grande partie se trouve dans la ville portuaire d’Odessa. Cette stratégie est condamnée à l’international.
Ainsi le 18 mai, lors d’un déplacement à New York, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a notamment affirmé: «En bloquant les ports ukrainiens, en détruisant les silos, les routes et les chemins de fer et surtout les champs des agriculteurs, la Russie a lancé une guerre du blé qui entraînera une crise alimentaire mondiale.» voir https://www.auswaertiges-amt.de/en/newsroom/news/baerbock-new-york/2531718
Ce sont surtout les classes les plus pauvres qui sont touchées par ce blocus. «Des pays comme l’Égypte, le Kenya, le Soudan du Sud, le Liban, entre autres, étaient jusqu’à présent fortement dépendants, directement ou indirectement, des exportations russes et ukrainiennes, a rappelé Mathias Mogge, secrétaire général de l’ONG Welthungerhilfe. Ces pays ne reçoivent désormais plus les quantités commandées ou doivent payer beaucoup plus cher.»
La Somalie, qui connaît une sécheresse exceptionnelle, est particulièrement touchée. Le Premier ministre somalien, Mohamed Hussein Roble, a récemment déclaré: «Le monde nous a oubliés. Nous nous attendons à une famine.»
Or, si famine il devait y avoir, l’ « opération militaire spéciale » russe en serait-elle responsable ? Même si l’Ukraine ne pouvait exporter les 11 millions de tonnes de blé bloqués par la guerre, comme elle l’avait prévu, cela ne provoquerait pas de famine. Cette quantité ne représenterait que 4% de la demande mondiale. Il en va de même pour le maïs : la demande mondiale est de 200 millions de tonnes alors que les exportations ukrainiennes se situent généralement autour de 30-35 millions de tonnes.
Pour les experts de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en février 2022, avant le début de l’opération russe en Ukraine orientale, les prix des produits agricoles avaient atteint un nouveau sommet, 2,2% de plus que le sommet de février 2011 et 21% de plus qu’en 2021. Cela ne s’est pas produit à cause de la Russie, mais à cause de l’inflation liée à la pandémie et les prix élevés de l’énergie, des engrais et d’autres ressources agricoles. En outre, depuis le début de l’action militaire en Ukraine, 23 pays ont imposé des limites strictes aux exportations agricoles. Le plus important d’entre eux est l’Inde, qui a interdit les exportations de céréales en raison d’une sécheresse exceptionelles.
La seule chose dont on peut dire que la Russie soit responsable est d’avoir restreint ses exportations de certains engrais, ce qu’elle a fait pour protéger l’approvisionnement de ses agriculteurs. En 2020, la Russie était le premier exportateur d’engrais azotés, le deuxième de potassium et le troisième de phosphore. Le marché mondial manque aujourd’hui d’environ un quart de ses besoins en engrais, et si ce problème n’est pas réglé, la famine est en effet inévitable pour de nombreux pays.
Mais même dans ce cas, la Russie n’en serait que partiellement responsable. Ce sont les sanctions antirusses qui ont provoqué des prix très élevés pour le gaz naturel, la principale matière première dans la production d’engrais azotés.