Comprendre le fonctionnement du cerveau et améliorer nos capacités d’intervention pour remédier à certains de ses dysfonctionnements font partie des défis majeurs relevés par les neurosciences de ces dix dernières années. Mais ce défi n’intéresse pas seulement les sciences médicales.
Elle intéresse aussi les industries militaires, pour qui par exemple un armement de plus en plus utilisé tel que les drones dits intelligents exigera de se passer le plus possible du libre arbitre d’un pilote humain. Un casque reliera directement les aires visuelles du cerveau du pilote avec les organes de pilotage du drone, sans obliger le cerveau à faire appel à ses aires supérieures dite intelligentes pour décider d’ouvrir le feu. Ce casque ne sera dans un premier temps que l’équivalent d’une prothèse externe.
Mais la possibilité de le relier à des implants cérébraux est à l’étude. De tels implants existent déjà au profit de certains paralysés moteurs. Ils peuvent servent à connecter directement le membre artificiel avec le cerveau moteur, en court-circuitant au besoin pour gagner du temps le cerveau décisionnaire.
Le développement d’implants cérébraux permet ainsi d’entrevoir l’avènement d’un couplage hybride entre le cerveau et de vastes réseaux artificiels. L’optimisation de ces technologies autorisera la simulation des neurones artificiels grâce à des circuits neuromorphiques (sur le modèle des réseaux neuronaux) à très basse consommation énergétique, et rendra possible, à terme, l’implantation dans les cerveaux de ces technologies d’hybridation.
Ainsi, née à la fin des années 1990, la technique de dynamic clamp permet de coupler un neurone artificiel à un neurone réel par le biais d’une électrode intracellulaire : l’activité de l’un modifie celle de l’autre de manière bidirectionnelle. A l’avenir, l’avènement d’implants intégrant un grand nombre de microélectrodes extracellulaires – et assurant à chacune une liaison bidirectionnelle stable avec un neurone individuel – devrait permettre la construction de réseaux hybrides à grande échelle, y compris au niveau de vastes régions cérébrales.
Il existe déjà sur ces thèmes des projets internationaux de grande ampleur. Dans une approche principalement encore théorique le projet européen Human Brain Project vise à modéliser de manière réaliste le fonctionnement du cerveau grâce à des réseaux de neurones artificiels (informatiques ou électroniques) Dans une seconde approche, pragmatique, d’autres projets visent à développer des implants cérébraux pour enregistrer et stimuler le plus grand nombre de neurones possibles. C’est le but du projet américain Brain Initiative, ou encore du projet européen Braincom.
D’ici très peu de temps, arrivera donc logiquement le moment où l’on disposera d’une part de vastes réseaux artificiels neuromimétiques, et d’autre part d’interfaces à très haute résolution permettant un couplage bidirectionnel (enregistrement et stimulation) avec des millions de neurones du cerveau. La fusion de ces deux mondes technologiques conduira à l’émergence de vastes réseaux hybrides couplant l’activité du cerveau avec celle de réseaux artificiels, et assurant chacune une liaison bidirectionnelle stable avec un neurone individuel. Ceci devrait permettre la construction de réseaux hybrides à grande échelle, y compris in vivo au niveau de vastes régions cérébrales.
Certes, ce n’est pas encore d’actualité. Mais force est de constater que la route n’est sans doute plus si longue. En effet, des réseaux neuromorphiques sont déjà capables d’apprendre automatiquement à reproduire l’activité d’ensembles de neurones réels enregistrés par un implant cérébral. Cela signifie que l’on dispose déjà de la technologie permettant à plusieurs neurones réels de contrôler des réseaux artificiels complexes. Et inversement, on sait aussi s’appuyer sur des réseaux artificiels pour simuler, de manière plus ou moins précise, des neurones réels.