29/04/2022 Le fascisme en Ukraine
Nous reprenons ici les principaux arguments d’un long article de Liberation News, journal du Parti pour le Socialisme et la Libération (Etats-Unis) daté du 30 mars 2022. Auteur Gabriel Rockhill publié le 30 mars 2022
https://www.liberationnews.org/nazis-in-ukraine-seeing-through-the-fog-of-the-information-war/
Traduction : Gérard Jeannesson-
————————————————————–Nier l’existence du fascisme et l’activité de groupes nazis en Ukraine sert à vendre plus facilement au public une thèse simpliste : Poutine serait le nouvel Hitler ; il s’attaquerait sans vergogne au gouvernement ukrainien épris de liberté, et aux populations innocentes qui le soutiennent. Présenter les choses de cette façon aide à canaliser l’opinion pour obtenir un soutien inconditionnel au gouvernement de Volodomyr Zelensky, à l’Otan et aux puissances impérialistes de l’Occident. De cette façon, le déclenchement d’une guerre « humanitaire » devient acceptable pour le public quand bien même il s’agirait, en réalité, d’une agression armée brutale de l’Otan contre la Russie, une intervention susceptible de déclencher la troisième guerre mondiale.
Chacun comprendra que, dans un tel contexte, la présentation de toute analyse un tant soit peu élaborée de l’histoire et des manifestations du nazisme dans cette partie du monde, prenant en compte les réalités concrètes de l’Ukraine d’aujourd’hui, vaudra à leurs auteurs d’être aussitôt traités de poutinistes, et à leurs explications d’être rejetées puisque non conformes à la version du pouvoir en place.
Mais, si l’on s’attelle sérieusement à l’analyse des situations complexes du terrain, on est amené à constater qu’il y a une longue histoire d’ancrage et de développement du fascisme en Ukraine, dérive que les Etats-Unis ont facilitée et entretenue de diverses façons. Cela ne veut pas dire que le fascisme domine dans tout le pays, ni même dans chacun des secteurs où il sévit et se développe (l’armée et les forces para-militaires, le parlement, la société au sens large, etc…). Cela ne veut pas dire non plus que l’on s’interdise de contester l’invasion de l’Ukraine par les forces armées de la Russie, ni qu’on soit obligé de croire et de souscrire à l’objectif de « dénazifier l’Ukraine » mis en avant par Moscou. On peut très bien comprendre et reconnaître que le fascisme est véritablement présent en Ukraine et néanmoins dénoncer la décision de Poutine de déployer les troupes russes dans le pays.
Petit rappel historique
Pour bien comprendre le conflit en cours, il est important de se rappeler que Russes et Ukrainiens ont entretenu autrefois des rapports plutôt bons, du temps où la Russie et l’Ukraine appartenaient toutes deux au groupe des quinze républiques de l’URSS. L’un des principes constitutifs de l’URSS était le libre choix des différentes républiques d’appartenir ou pas à l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. La situation a changé brutalement en 1941 quand les nazis ont envahi l’URSS et se sont emparés d’une grande partie du territoire de l’Ukraine.
Selon Jean-Paul Himka, le quart des victimes de l’holocauste résidaient en Ukraine, et les nationalistes ukrainiens d’extrême droite furent étroitement associés aux atrocités commises par les nazis. L’Organisation des Nationalistes Ukrainiens (l’OUN) et la force armée qui l’appuyait (l’UPA : l’armée des Insurgés ukrainiens) participèrent directement aux actes des génocidaires : « Au cours de l’été 1941, les milices de l’OUN ont été des agents essentiels des violences perpétrées à l’encontre des populations juives ; L’OUN aidait au recrutement des membres des services de police qui fournissaient aux unités mobiles allemandes chargées d’éliminer les Juifs les tueurs dont elles avaient besoin.
En 1943, des milliers de ces policiers ont choisi de quitter les rangs de la police allemande pour rejoindre les insurgés de l’OUN inféodée à l’extrême droite nationaliste ukrainienne. Cette année-là, l’UPA a tué tous les Juifs qui avaient survécu aux campagnes d’élimination les plus importantes de 1942. » Selon Ian Sayer et Douglas Botting, « la part prise par l’OUN à l’extermination des Juifs et autres [indésirables] a été très importante. C’étaient eux qui exécutaient le sale boulot des forces opérationnelles des pelotons d’extermination ( comme la mise à mort des enfants…) , ce qu’elles ont continué à faire après la guerre sous la houlette des Etats-Unis. ».
Il est en effet avéré que, durant la période de l’après-guerre, le gouvernement américain USA a recruté discrètement un nombre considérable de collaborateurs nazis pour étoffer les rangs du réseau anticommuniste international, truffé d’éléments fascistes, qu’il s’appliquait à déployer à travers le monde. L’auteur bien connu John Loftus estime qu’en 1952, on avait déjà fait venir aux Etats-Unis des centaines, voire des milliers de collaborateurs nazis recrutés en Biélorussie, en Ukraine, dans les Etats-Baltes, et dans les Balkans.
La cellule de contre-espionnage CORE pilotait de son côté l’opération « Anyface »(monsieur tout le monde…), assurant la protection du chef de l’OUN, l’organisation fasciste des nationalistes ukrainiens. Il s’agissait surtout d’empêcher la justice des Soviets de s’emparer de Stepan Bandera dont la collaboration avec les nazis était connue de tous, et d’empêcher les juges de l’entendre et de lui faire rendre des comptes. Rappelons que Stepan Andriïovytch Bandera, né le 1ᵉʳ janvier 1909 dans la province de Kalouch dans l’Est de l’Empire austro-hongrois et mort assassiné le 15 octobre 1959 à Munich, était un homme politique et idéologue nationaliste ukrainien.
Mykola Lebed est le Nazi ukrainien de plus haut rang qui ait foulé le sol des Etats-Unis . Il était le chef des Services de la Sécurité Nationale du pays aux ordres de Bandera. Frank Wisner, le chef des opérations secrètes de la CIA, a reconnu qu’en 1951, pas moins de vingt quatre autres membres des Services de Sécurité de l’OUN ou de Bandera se trouvaient aux Etats-Unis, certains ayant conservé leurs fonctions, d’autres pas.
Les services de renseignements de Washington ont collaboré étroitement avec diverses organisations du même type, regroupant d’anciens collaborateurs nazis, pour mener en URSS des campagnes visant à répandre la terreur, et pour y organiser des assassinats. En 1951, selon Wisner, « plus de 35 000 agents de la police secrète russe (le MVD et le MKGB) avaient déjà été tués par l’OUN et sa branche armée depuis la fin de la deuxième guerre mondiale ».
Comme en atteste l’opération Gladio, l’Otan était totalement engagée dans la guerre contre le communisme. Sous l’égide de la CIA et du MI6 (Services Secrets britanniques), l’Otan assura le recrutement et l’entraînement d’une véritable armée secrète, la plupart des recrues étant des nazis ou des fascistes notoires. Selon la Commission d’Enquête mise en place par le Sénat italien pour enquêter sur le réseau Gladio, « il apparaît que des éléments de la CIA ont entrepris, dans la seconde moitié des années soixante, une opération de grande envergure, ne reculant devant rien pour contrer la propagation et le développement de la gauche contestataire socialo-communiste à l’échelle de tout le continent européen ». Des assassinats ciblés et l’organisation d’attaques terroristes faisaient partie des moyens employés. Ces crimes étaient imputés aux communistes afin de terrifier les populations, de leur faire accepter les raids qui étaient organisés contre les communistes, et de les amener à soutenir des gouvernements d’extrême-droite.
Le mandat exercé par le général américain Lemnitzer (https://fr.wikipedia.org/wiki/Lyman_Lemnitzer )à la tête du Comité Militaire de l’Otan a chevauché celui d’Adolf Heusinger (https://fr.wikipedia.org/wiki/Adolf_Heusinger) l’un des nombreux dirigeants officiels de haut rang des groupes fascistes et nazis intégrés dans l’armée et les Services de Renseignement américains. Heusinger a exercé les fonctions de Président du Comité Militaire de l’Otan de 1961 à 1964. Avant cela, il s’était vu confier par Hitler le poste de Chef d’Etat-Major Général des armées nazies. L’Otan ne s’est donc pas contentée de recruter des nazis pour faire le travail des armées secrètes mises sur pied pour conduire les campagnes de terreur et de haine contre les communistes. Certaines de ces recrues ont été intégrées directement aux postes de commandement les plus élevés de l’Otan, ce qui ne laissait planer aucune ambiguïté sur l’orientation politique de cette organisation.
Le coup d’état du Maidan
Tout au long des années qui ont suivi, les Etats-Unis ont poursuivi leur étroite collaboration avec les fascistes ukrainiens pour parachever les campagnes de déstabilisation déclenchées contre l’URSS. Selon Michael Douglas Smith, spécialiste du renseignement et ancien membre de la CIA, cette dernière (la CIA) n’a pas cessé de travailler au développement et au renforcement de groupes fascistes en Ukraine au cours des soixante-dix dernières années.
L’exécution du coup d’état du Maidan de 2014, entamée fin 2013, s’est appuyée sur les brigades de choc de l’extrême droite, tels les groupes fascistes du Secteur Droit et les ultra-nationalistes du parti Svoboda https://fr.wikipedia.org/wiki/Svoboda_(parti_ukrainien). Ces groupes ont activement contribué à la chute du gouvernement de Victor Yanoukovitch https://fr.wikipedia.org/wiki/Viktor_Ianoukovytch, l’ensemble de l’opération ayant été ouvertement soutenue par les puissances impérialistes de l’Occident (les Etats-Unis et l’Europe). Trois des membres du parti Svoboda ont été d’emblée installés au gouvernement mis en place aussitôt après le coup d’état, tandis que la Présidence du Parlement était confiée pour cinq ans à Andrei Paruby, le co-fondateur du Secteur Droit. Svoboda a bien essayé d’adoucir ses traits d’organisation nazie. C’est néanmoins resté un parti foncièrement anti-communiste et ultra-nationaliste d’extrême droite, chantant les louanges du collaborateur nazi Stepan Bandera, le leader politique et théoricien de la branche militante de l’OUN fasciste (l’organisation des nationalistes ukrainiens).
C’est le groupe d’extrême droite Patriotes d’Ukraine , fondé en 2005, et l’Assemblée Sociale Nationale, fondée en 2008, un autre groupe d’extrême droite basé à Kiev, proche de Svoboda, qui ont créé ensemble le Bataillon Azov en 2014. L’ASN était connue pour ses actions agressives menées à l’encontre des minorités. Le bataillon Azov, le Secteur Droit et les autres milices fascistes ont joué un rôle très important, à bien des égards, dans la consolidation du nouveau gouvernement issu du coup d’état, ne répugnant pas à organiser des violences urbaines contre la Gauche et à organiser des campagnes d’intimidation contre les politiciens pas suffisamment coopérants avec le nouveau pouvoir.
Ces groupes ont également à leur actif la mise sur pied de camps d’endoctrinement pour les enfants les plus jeunes comme pour les plus grands, des pressions exercées sur le gouvernement pour l’obliger à modifier les programmes scolaires, pour interdire l’usage de la langue russe, pour ré-écrire l’histoire officielle du pays. Ce climat de violences urbaines et d’intimidations a culminé le 2 mai 2014 avec ce que certains ont appelé « la pire atrocité commise par les nazis depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale », quand (au moins) quarante deux manifestants de gauche de la ville d’Odessa ont péri carbonisés dans l’incendie allumé dans le bâtiment des Syndicats où ils s’étaient réfugiés pour échapper à leurs poursuivants.
C’est la perpétration de cette opération de changement de régime qui a conduit au déclenchement d’une guerre civile dans le Donbass, dans la partie orientale de l’Ukraine. Quand les séparatistes pro-russes de cette région se sont opposés au gouvernement fasciste de Kiev et se sont proclamés indépendants, le nouveau pouvoir fantoche s’est révélé incapables de l’empêcher. Alors, on a lancé le bataillon Azov et ses milices fascistes contre les séparatistes du Donbass. Ces hostilités ont conduitquatorze mille personnes à la mort, avant que Poutine ne reconnaisse l’indépendance des deux républiques du Donbass et ne déclenche l’invasion de l’Ukraine par les Forces Armées Russes en février 2022 pour protéger ces populations.
Durant toute cette période (de 2014 à 2022), le bataillon Azov a bénéficié du soutien d’Arsen Avakov, https://fr.wikipedia.org/wiki/Arsen_Avakov, le Ministre de l’Intérieur du gouvernement de Kiev, mais aussi des armes et de l’entraînement militaire des Etats-Unis. Les résultats obtenus par le bataillon Azov, dans sa confrontation avec les indépendantistes pro-russes, lui ont valu d’être pleinement intégré dans la Garde Nationale de l’Ukraine en 2014, le plaçant ainsi au rang de corps constitutif de l’état.
Cinq anciens responsables du renseignement et de la sécurité nationale ont révélé qu’en 2015, « un programme d’entraînement secret fonctionnait aux Etats-Unis pour assurer la formation d’agents des forces d’élite ukrainiennes pour l’organisation d’opérations spéciales, et pour la formation d’agents d’autres branches des services de renseignement ». La même année, le congrès américain a validé une loi budgétaire « assignant des centaines de millions de dollars au soutien économique et militaire de l’Ukraine, cette loi budgétaire ayant fait l’objet d’un aménagement spécial pour autoriser l’affectation de ces fonds à la milice nazi du bataillon Azov opérant en Ukraine ».
On observera, puisque se pose la question de savoir si le bataillon Azov et les autres milices nationalistes d’extrême droite étaient nazifiés ou pas, que la Chambre des Représentants des Etats-Unis a reconnu en 2015 qu’ Azov « est une organisation néo-nazie ». Bien que le bataillon Azov ait quelquefois nié qu’il adhérait pleinement à l’idéologie nazie, « il y a une débauche de swastikas et d’ autres insignes nazis tant sur les corps que sur les uniformes des membres de cette troupe ». Leurs uniformes arborent l’emblème de la rune du loup (WolfsAngel) qui ressemble à une swastika sur fond jaune. En 2015, le porte-parole du régiment Azov, Andrei Diachenko, affirmait que « dix à vingt pour cent des membres du groupe étaient nazis ». Il semble qu’il ait fait cette déclaration pour dissiper les craintes d’une nazification endémique de son organisation. Quoi qu’il en soit, même si on se réfère aux faibles pourcentages admis, il en découle nécessairement que tous les autres membres du bataillon étaient des collaborateurs des Nazis.
Qu’Azov et les bataillons similaires souscrivent ou pas à 100 % à l’idéologie nazie, il est essentiel de bien comprendre que leur orientation fondamentale est clairement fasciste : Ils reçoivent des subsides des éléments réactionnaires de la classe capitaliste pour financer des milices recourant à la violence, organisées en marge de l’état, quelquefois pleinement intégrées dans l’appareil d’état, qui sont foncièrement ultra-nationalistes, racistes, pro-capitalistes et anti-communistes.
Andrei Biletski https://en.wikipedia.org/wiki/Andriy_Biletsky est bien placé pour comprendre l’idéologie qui les anime puisqu’il a lui-même assumé la direction du groupe des Patriotes Ukrainiens et de la SNA, et qu’il a également commandé le bataillon Azov avant de siéger au Parlement Ukrainien de 2014 à 2019. A l’occasion d’une interview, il s’est expliqué en ces termes : « La mission historique de notre nation, à ce moment critique de notre histoire, est de conduire l’ultime grande croisade, celle de toutes les races blanches du monde, qui décidera de leur survie. Une croisade engagée contre les sous-hommes des races inférieures regroupées derrière les Sémites » . (terminologie conforme à l’idéologie nazie).
L’ancrage du fascisme dans l’Ukraine d’aujourd’hui
Le fascisme est installé dans la classe capitaliste qui régente le pays ; il s’est fixé sur des groupes para-militaires ; il s’est incrusté dans l’armée ukrainienne, au parlement, et dans divers secteurs de la société. Mais, lui reconnaître un rôle dominant dans chacune de ces sphères serait surévaluer son implantation et son influence. A l’oppoqé, on ferait pareillement erreur en ne prenant pas garde à la réalité de son implantation, à l’influence qu’il est capable d’exercer, aux soutiens qu’il trouve auprès du gouvernement de Zelenski et auprès des forces impérialistes à l’extérieur du pays.
A l’occasion du scrutin de 2019 prévu pour renouveler les élus du Parlement (la Rada), Svoboda s’est allié à d’autres organisations d’extrême droite, se fondant avec elles dans un même parti. Rassemblaient ainsi leurs forces le Secteur Droit, le Corps National, l’Initiative Gouvernementale de Dimitri Yarosh (DIYA) et le parti Svoboda n’ont obtenu que 2,15 % des suffrages, score inférieur aux 5 % nécessaires pour enlever au moins un siège. A l’occasion de ce même scrutin, Volodymir Zelensky, le chef du parti Serviteur du Peuple, défendait une plateforme anti-corruption. Les grands médias le présentaient comme un centriste. Son groupe obtint 124 des 225 sièges affectés au niveau national et 130 élus sur 225 au niveau des circonscriptions. (il fallait 226 élus au moins pour obtenir la majorité des 450 sièges à pourvoir).
Le parti de Zelenski a emprunté son nom à une série télévisée appréciée par les Ukrainiens en désamour de l’élite oligarchique du pays, alors que le pouvoir mis en place après la révolution de 2014 s’avérait incapable d’assainir la situation du pays. Dans ce feuilleton télévisé, le comédien professionnel Zelenski n’endossait nul autre rôle que celui du Président de l’Ukraine ! Son ascension extraordinaire à la présidence, a eu beaucoup à voir avec la notoriété que lui conférait son statut d‘acteur talentueux, Il a, par ailleurs, bénéficié d’appuis financiers privés importants, tout particulièrement de l’oligarque milliardaire Kolomoysky, https://fr.wikipedia.org/wiki/Ihor_Kolomo%C3%AFsky, son pourvoyeur de fonds le plus important.
Kolomoïsky est l’un des actionnaires du groupe médiatique 1+1 dont la chaîne diffusait le feuilleton télévisé « Serviteur du Peuple », une série qui semble, a posteriori, n’avoir été qu’une campagne de propagande de longue haleine pour Zelenski. . C’est également le groupe de presse qu’il contrôle qui a pris en charge la sécurité de l’acteur et toute la logistique des déplacements liés à sa campagne politique, dont quatorze trajets allers et retours effectués jusqu’à Genève et Tel Aviv, le point d’ancrage principal de Zelenski.
Le dévoilement des opérations financières secrètes que les « Pandora papers » https://fr.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers ont étalées en pleine lumière a permis de mettre en évidence la toile d’araignée des intérêts croisés, des placements offshore et des arrangements financiers qui lient Zelenski et Kolomoïsky.
Kolomoïsky est aussi l’un des soutiens financiers les plus importants des milices d’extrême droite qui sévissent dans la partie orientale de l’Ukraine. Les bataillons Azov et Aïdar, deux des bénéficiaires de ces libéralités, ont été accusés de nombreux crimes de guerre dans le Donbass au long des huit dernières années.
Kolomoïsky financerait également « les bataillons de volontaires Donbass, Dnepr 1 , Dnepr 2 ». Quand il a été nommé, en mars 2014, Gouverneur de sa région de résidence à Dnipropetrovsk, il a fortement contribué à l’écrasement des forces séparatistes du secteur en déboursant plus de dix millions de dollars pour mettre sur pied le bataillon Dnipro ( autre appellation du Dnepr).
On estimait, en 2015, qu’il y avait une trentaine de milices nationalistes qui combattaient les séparatistes dans l’est de l’Ukraine. Avec le soutien financier d’oligarques comme Kolomoïsky et Serhiy Taruta, (le milliardaire gouverneur de la région de Donetsk, financeur du bataillon Azov), elles constituent une force para-militaire opérationnelle qui appuie au besoin les soldats de l’armée ukrainienne. La Russie a émis un mandat d’arrêt contre Kolomoïsky en 2015 pour »organisation de l’assassinat de populations civiles » vu le soutien financier qu’il apporte aux militants de ces groupes criminels.
L’acteur « présidentialisé » par l’oligarque milliardaire Kolomoïsky s’est bien gardé de réprimer si peu que ce soit les milices de l’extrême droite nationaliste qui font étalage de leur idéologie fasciste et de leurs emblèmes nazis. Zelenski ne les a pas seulement laissé se livrer à leurs turpitudes en toute impunité, il a établi des lien étroits entre son administration et des fascistes ouvertement déclarés. L’un d’entre eux, Dimitri Yarosh, l’un des anciens dirigeants du Secteur Droit et fidèle partisan du collaborateur nazi Bandera, a déclaré en novembre 2021 qu’il avait été nommé conseiller du Commandant en Chef des Forces Armées de l’Ukraine.
Peu de temps après, Zelenski a décoré le commandant du Secteur Droit, Dmytro kotsyubaylo, du titre de Héro de l’Ukraine. Le premier mars de cette année, il a nommé au poste d’administrateur régional d’Odessa un ancien commandant du bataillon Aïdar : Maksym Marchenko, un individu accusé d’ avoir perpétré des crimes de guerre au Donbass. Il y en a tant qu’on ne compte plus les liens que le gouvernement Ukrainien et l’armée nationale de l’Ukraine ont tissés avec les milices fascistes de l’extrême droite nationaliste.
Appliquées comme elles l’ont été à renforcer les pouvoirs et les leviers des groupes fascistes, les autorités ukrainiennes l’ont été tout autant pour retirer aux partis communistes leur droit de participer aux élections de 2015 et pour édicter des lois nouvelles de « décommunisation » : Ces lois interdisent l’exhibition de symboles soviétiques et abrogent le statut spécial du 9 mai, date à laquelle était célébrée chaque année la victoire remportée par l’Union Soviétique contre l’Allemagne nazie lors de la seconde guerre mondiale. Les nouvelles lois édictées vont faire disparaître du paysage toutes les références à « la Grande Guerre Patriotique », comme l’appelaient les soviétiques, pour les remplacer par des termes moins évocateurs et plus anodins : « la deuxième guerre mondiale ».
Sera de même désormais interdit le déploiement du drapeau de la victoire soviétique. Des milliers de rues, de jardins publics, et même des villes doivent changer de nom. Des dizaines de milliers de rues ont déjà été rebaptisées. Près de mille localités, (Villes et villages) ont été traitées de la même façon. Ce projet culturel anti-communiste de grande ampleur, extrêmement coûteux, a conduit parallèlement à l’enlèvement de plus de deux mille statues et monuments. Les nombreuses protestations se sont révélées impuissantes à empêcher cela et le gouvernement a refusé de révoquer ces nouvelles dispositions règlementaires.
On remarquera aussi les actes symboliques importants mis en scène à la gloire des militants de l’extrême droite nationaliste et des collaborateurs nazis, signaux qui sont autant d’encouragements au développement et à la propagation des idées et des préceptes du fascisme dans certaines couches de la société ukrainienne. Zelensky en a donné un exemple édifiant lorsqu’il a déclaré, le 18 avril 2019, dans une interview accordée à RBC-Ukraine : « Certains sont incontestablement des héros. Stepan Bandera est considéré comme un héro par une partie des Ukrainiens. C’est normal. Il fait partie de ceux qui ont défendu la liberté de l’Ukraine. ». Zelenski a également défendu publiquement le footballeur Roman Zolzulya, supporter déclaré du Bataillon Azov, lorsque sont apparues des photos qui le montraient en compagnie du collaborateur nazi Stepan Bandera, ce qui lui valut d’être accusé d’être un nazi, lui aussi.
Pour Zelenski, le footballeur Roman Zolzulya est « un vrai patriote ». Son ancien Premier Ministre, Oleksiy Honcharuk, y est allé de ses encouragements, lui aussi, n’hésitant pas à honorer de sa présence un concert néo-nazi organisé par le groupe fasciste C14, allant même jusqu’à monter sur scène à leurs côtés.
On ne sera donc pas surpris de découvrir que l’Ukraine est le seul pays qui se soit joint aux Etats-Unis et au Canada, pour voter contre la résolution présentée au vote des délégués de l’Assemblée Générale des Nations Unies appelant à « lutter contre la glorification du nazisme et du néo-nazisme et de toutes autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie ainsi que l’intolérance qui y est associée ». (note: Tous les pays de l’UE se sont abstenus). De nombreux médias ont participé à la diffusion de la propagande nazie qui imprègne l’ensemble de la société ukrainienne. En 2014, un journaliste de Hromadske TV a appelé ouvertement au génocide dans le Donbass, déclarant notamment : » Il y a une certaine partie de la population qui doit être exterminée ».
Le 13 mars de cette année (2022) le présentateur TV ukrainien Fahruddin Sharafmal a lancé un appel enflammé au génocide et à l’assassinat des enfants russes pendant l’une des émissions matinales de la chaîne 24. Campé devant la caméra, avec en arrière plan la photographie du nazi notoire Adolf Eichman, il a déclaré ceci :« Je prends la liberté de citer Eichman qui expliquait que, pour détruire une nation, il faut d’abord détruire les enfants. Il faut procéder ainsi parce que, si vous tuez les parents, les enfants grandiront avec l’idée de les venger . Si vous tuez les enfants, ils ne grandiront pas et cette nation sera anéantie. » Et il a poursuivi ainsi : »Si j’ai l’occasion d éliminer des Russes, je le ferai sans la moindre hésitation. Vous dites que je suis un Nazi. J’adhère entièrement à la doctrine défendue par Adolf Eichman, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour m’assurer que vous et vos enfants, vous ne puissiez plus vivre sur cette terre. Vous devez comprendre que l’objectif n’est pas la paix mais la victoire du peuple ukrainien. Nous avons besoin de cette victoire. Et si nous devons vous massacrer, vous et toutes vos familles, jusqu’au dernier, je serai le premier à m’y employer. »
La chaîne 24 appartient au conglomérat médiatique TRK Lux media. Elle est contrôlée par la richissime femme d’affaires Kateryna Kit-Sadova et son mari Andriy Sadovyi, l’actuel maire de Lvov et ancien chef du Parti de L’Autonomie.
Dernièrement, Zelenski a pris prétexte de l’invasion russe pour interdire onze partis politiques, y compris le parti d’opposition le plus important (« la plateforme d’opposition-Pour la vie », détentrice de quarante trois des sièges du parlement ), et pour mettre les dirigeants du parti communiste en état d’arrestation.
Dans la même foulée, prétendant ainsi combattre « les campagnes de désinformation » de la Russie, il a pris le contrôle de l’information, en regroupant toutes les chaînes de la télévision nationale autour d’une « plateforme de communication stratégique unique centralisant la diffusion des informations «
De son côté, le Ministère des Affaires Etrangères de l’Ukraine est désormais connecté directement à un réseau international d’entreprises de relations publiques, pour mener au mieux la guerre de la communication, en conservant le contrôle de la diffusion des infos dont la circulation est permise. Selon l’un des hauts responsables de l’Otan, » ceux-là sont vraiment des as de la communication stratégique (stratcom), de l’utilisation des médias, des opérations d’influence, (info-ops : collectes d’infos et diffusion de propagande ) et des opérations de soutien à l’info militaire (psy-ops / guerre psychologique) ».
L’expérience professionnelle acquise par Zelenski, du temps où il était acteur, lui aura sûrement été d’un grand secours pour la mise en place et la conduite de toutes ces opérations de propagande. Finalement, il veut présenter son gouvernement comme celui d’un pays de la liberté et de la démocratie, autrement dit, un petit sosie des puissances impérialistes sur lesquelles il est aligné, alors même qu’il soutient ouvertement des milices fascistes, qu’il reçoit des subsides des gros bonnets capitalistes réactionnaires également financeurs des bataillons nazis, qu’il glorifie les collaborateurs nazis et les figures de l’extrême droite nationaliste, qu’il encourage la propagation du fascisme, qu’il interdit les partis politiques, qu’il exerce un contrôle étroit sur les contenus et la diffusion de l’information.
L’ampleur internationale de la menace fasciste
L’Ukraine apparaît sans doute à bien des ressortissants des Etats-Unis comme un territoire lointain sans lien apparent avec la politique conduite aux Etats-Unis, un monde dont ils ne se préoccupent guère. Pourtant, c’est bel et bien un important foyer du développement global de la mouvance fasciste. Selon Aljazeera, « les soutiens internationaux du Bataillon Azov sont nombreux, et l’Ukraine est devenu l’un des nouveaux foyers du développement de l’extrême droite dans le reste du monde. Il est prouvé que des hommes provenant de trois continents différents ont été accueillis dans les centres d’entraînement du Bataillon Azov pour s’approprier son idéologie et acquérir une expérience combattante. »
Dans un rapport d’enquête publié au début de l’année 2021, l’hebdomadaire Time inférait des observations recueillies qu’Azov est « beaucoup plus qu’une milice. Ce groupe dispose de son propre parti politique. Il contrôle deux sociétés d’édition. Il organise des camps d’été pour les enfants. Il a sous ses ordres une milice citoyenne , connue comme la [Milice Nationale], qui patrouille les rues des villes ukrainiennes aux côtés de la police officielle de l’état. […] Sa branche militaire dispose de deux bases d’entraînement et d’un arsenal important qui va des drones aux pièces d’artillerie, en passant par les véhicules blindés. »
Récapitulant tout ça pour répondre aux reporters de la revue, la responsable du groupe Azov pour les contacts internationaux, Olena Semenyaka, celle ci s’était exprimée en ces termes : : « On peut dire que c’est un mini-état à l’intérieur de l’état . » Dans l’article de Time du 7 janvier 2021 évoqué plus haut, Ali Soufan (ancien agent du FBI qui connaît bien Azov) estimait que « plus de 17 000 combattants étrangers, originaires de 50 pays différents, avaient séjourné en Ukraine au cours des six dernières années. »
En 2019 des membres du Congrès américain ont adressé une lettre au Département d‘Etat, lettre dans laquelle ils dénonçaient « le lien patent qui existe entre les actes terroristes commis aux Etats-Unis et le Bataillon Azov ». En 2018, dans un affidavit du FBI (déclaration sous serment), il est stipulé que « le groupe Azov « aurait participé à l’entraînement et à la radicalisation des organisations suprémacistes blanches basées aux Etats-Unis ». Cela concernait notamment le RAM, (Rise Above Movement, l’un des partis suprémacistes blancs, dont plusieurs membres avaient été inculpés pour des « attaques violentes et des agressions sur des contre-manifestants » lors de rassemblements organisés en divers endroits des Etats-Unis , incluant celui qui avait été convoqué à Charlottesville les 11 et 12 août 2017 par le groupe Unir la Droite (3 morts, 35 blessés, 18 arrestations et 2 procès).
Le fascisme et le nazisme marquent incontestablement de leur empreinte la société ukrainienne. Cela a été amplement documenté. S’il est important d’en prendre la juste mesure pour se forger une compréhension nuancée du conflit en cours entre la Russie et l’Ukraine, cela n’implique pas qu’il faille pour autant soutenir l’intervention militaire décidée par Poutine, qui a de terribles conséquences pour un grand nombre de travailleurs et de gens innocents.
Finalement, il ne faudrait pas perdre de vue que l’Administration Biden, qui s’est fait élire en se présentant comme un rempart contre l’enracinement et l’expansion du fascisme aux Etats-Unis , s’applique, en réalité, à poursuivre la politique américaine de soutien à l’un des principaux foyers de propagation du fascisme dans le monde. Cela démontre clairement que la bataille contre le fascisme ne doit en aucun cas se limiter au cadre national. Elle doit s’inscrire dans un cadre international et aller de pair avec un engagement résolu et inébranlable dans la bataille anti-impérialiste.
Source : https://www.liberationnews.org/nazis-in-ukraine-seeing-through-the-fog-of-the-information-war/
article de Gabriel Rockhill publié le 30 mars 2022 par Liberation News, journal du Parti pour le Socialisme et la Libération : PSL (Etats-Unis)