Le site Médiapart vient de publier un article au titre quelque peu énigmatique, intitulé «L’ Impasse des nationalisations. Le retour des communs ».
En résumant beaucoup, nous dirons que les auteurs de l’article défendent l’idée que dans toutes les sociétés existent des biens et valeurs qui ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation, qu’elle soit privée ou collective. Ainsi (l’exemple est de nous), l’accès de tous à un langage symbolique commun constitue une valeur sans laquelle l’idée même de vie sociale perdrait tout sens car une telle vie repose sur les échanges langagiers entre les individus. Le langage est donc un bien commun que nuls, individus ou groupes sociaux ne doivent pouvoir s’approprier afin d’en faire l’objet d’un profit non partagé. Le libre accès à l’air et à l’eau sont aussi dans ce cas.
Les sociétés primitives, autant que l’on sache, avaient défini un bien plus grand nombre de biens communs non susceptibles d’appropriations spéculatives que les sociétés modernes. Avec le triomphe du capitalisme libéral à partir du 18 siècle en Europe, le nombre des biens communs a considérablement diminué. Tout a paru pouvoir donner lieu à appropriation et à commerce.
Cependant, le socialisme européen avait proposé un retour en arrière . A nouveau il avait paru nécessaire de combattre l’appropriation privé de certains biens et services, autrement dit nécessaire de « nationaliser », selon l’expression commune, les plus importants d’entre eux. Ceci se fit en France après la seconde guerre mondiale.
Ces nationalisations sont vite apparues comme des impasses, selon l’expression de l’article, en ce sens que dès les origines, ce furent des classes dirigeantes peu différentes de celles pratiquant la propriété des biens de production qui prirent le contrôle des nouveaux outils.
Aujourd’hui, l’on peut faire la même constatation en ce qui concerne les sociétés informatisées. Ce seront toujours semble-il les entreprises dominantes dites des big Five ou big Seven qui contrôleront l’informatisation des sociétés occidentales. Il en sera de même en Russie ou en Chine.
Ajoutons qu’avec la militarisation croissante des sociétés modernes, de plus en plus d’éléments encore considérés aujourd’hui comme des communs redeviendront des secrets militaires.
Références
Au-delà de la propriété , Pierre Dardot (La Découverte, 2018),
Benjamin Coriat, dans un ouvrage collectif sur Le Retour des communs (Les liens qui libèrent, 2015)