07/05/2024. Les lumières de l’Europe s’éteignent

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source https://ripostelaique.com/les-lumieres-de-leurope-seteignent.html

L’Europe est aujourd’hui profondément affaiblie et cette situation trouve ses prémices dans les années 1980, et malheureusement, s’est considérablement aggravée dans les cinq dernières années.

Commençons par l’économie. Pour ce qui concerne l’agriculture, la révolte des paysans parle d’elle-même. Les hommes des villes affament les hommes des champs qui pourtant les nourrissent. Dans l’industrie, un événement absolument symbolique vient de survenir dans l’indifférence des médias : la dernière aciérie de Grande-Bretagne va fermer. Oui, la dernière aciérie de cette Angleterre où est née la Révolution industrielle grâce à l’extraction simultanée du charbon et du fer, ce qui a permis le développement de la société industrielle moderne et contemporaine, du chemin de fer au gratte-ciel, de la voiture automobile à la centrale nucléaire. L’acier qui permettrait au passage de fabriquer des obus d’artillerie, mais là, je m’égare.

Alors pourquoi cette dernière aciérie va-t-elle fermer ? Parce que les nouveaux coûts de l’énergie en Europe ne permettent plus de rentabilité. En Allemagne, les groupes industriels déménagent vers l’Amérique. BASF s’en va. Les ménages paient plus cher le gaz, les pétroliers américains se gavent de profits quand ils livrent du gaz, et s’ils n’en livrent pas, on en achète en sous-main aux Russes, au double du prix d’avant, et les Verts allemands sont contents.

Et tout cela parce que des élites dirigeantes ont pris ou avalisé des mauvaises décisions politiques, économiques, géostratégiques, pour des raisons de politique politicienne locale à court terme, ou par idéologie, ou par complaisance vis-à-vis de leurs mentors. De Madame Thatcher pour les mines à Madame Merkel pour le nucléaire et à Monsieur Macron pour les sanctions illusoires et contre-productives.

La défense, pilier de la souveraineté, n’en parlons pas. Même en créant de la dette à une vitesse vertigineuse, on ne peut pas simultanément entretenir les moyens de la puissance militaire, loger les migrants et investir dans l’impasse de la transition écologique. Donc les arsenaux sont vides, et faute d’argent, l’Allemagne renonce à ses projets de rééquipement militaire, car elle, qu’on disait si prospère, en est maintenant à cent milliards près.

Dans le domaine de l’éducation et de la culture, on commente une fois par an les résultats du classement Pisa, et le lendemain, on passe à autre chose, de toute façon, les champions ne sont plus en Europe, il ne s’agit plus aujourd’hui de correction de la langue, mais de sa simple compréhension la plus basique. Le niveau mathématique est en chute, les sciences exactes sont délaissées, ce qui induit une baisse du niveau de la recherche fondamentale et appliquée.
Les finances publiques sont exsangues, avec des niveaux de dette jamais atteints en temps de paix.

Réjouissons-nous ! Il nous restait le rayonnement de l’Europe. Rayonnement culturel, rayonnement technique et scientifique, autorité morale. Pour nous Français, le château de Versailles, la fusée Ariane et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme réunis dans un triptyque magique. Un château de Versailles qu’on ferme régulièrement à cause des menaces d’hallucinés armés de couteaux de cuisine. La fusée Ariane qui perd des parts de marché malgré ses qualités indéniables. Et la moraline politique de la philosophie des Lumières, dont plus personne ne veut dans le monde, car les Lumières sont éteintes. Les Lumières sont éteintes, c’est le sous-titre d’un ouvrage récent de Michel Maffesoli, et comme dans ses œuvres précédentes, Maffesoli y pointe la fin d’un cycle historique. Le problème n’est plus de discuter si les Lumières sont fondées ou non en raison.

Le fait majeur et qui échappe à toute discussion, c’est que le monde extérieur ne veut pas de nos Lumières. Ni de ses avatars successifs, individualisme, nihilisme, wokisme, mondialisme, LGBTisme. Il n’en veut pas. Et maintenant, il ose le dire, et c’est ça qui est nouveau.

Il faut sans doute nuancer un jugement aussi sévère. Plus profondément, est-ce que c’est l’Europe qui s’affaiblit, ou est-ce que c’est l’Occident dont l’Europe n’est plus aujourd’hui qu’un appendice passif ? Et je pense que oui, c’est l’Occident plus que l’Europe qui est en cause. La notion d’Occident a une longue histoire, plus de mille ans. Mais l’Occident contemporain s’est cristallisé en 1956, lors de la guerre de Suez où les Etats-Unis ont mis fin aux dernières aspirations de la France et de la Grande-Bretagne à une autonomie stratégique, politique et militaire.

Le centre de gravité se trouve aujourd’hui dans les puissances anglo-saxonnes. Le rattachement à l’Occident d’une dimension indo-pacifique avec la Corée du Sud, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, tout cela a fait de l’Europe une zone périphérique, secondaire, corvéable par le suzerain. On peut même la sacrifier aux intérêts de l’Empire.

Les néo-conservateurs qui dirigent les Etats-Unis ont deux buts de guerre simultanés, en Ukraine.
1 – Le démantèlement de la Russie pour exploiter ses richesses, pour l’instant, ça ne marche pas.
2 – L’affaiblissement durable de l’économie européenne qui est un concurrent gênant, et pour l’instant, ça marche.

Aujourd’hui, et le sabotage de Nord Stream le montre, l’Occident est un adversaire de l’Europe. Je n’aurais pas dit ça il y a trente ans, mais le monde change. En réalité, le monde a déjà changé.

Les BRICS, qui ne sont plus cinq mais dix, dépassent largement le G7 en population et en production de richesses en parité de pouvoir d’achat.
Nous sommes déclassés et le monde extérieur à l’Occident veut maintenant qu’on lui fiche la paix, et que nous nous occupions de nos affaires plutôt que des leurs. Qu’est-ce qu’il y a de commun aux revendications du monde contemporain tel qu’il a commencé à se former au tournant du XXIe siècle ? Qu’y a-t-il de commun à la junte nigérienne, au président du Kenya, au Premier ministre de l’Inde et à Vladimir Poutine ? Ils nous disent tous : « Fichez-nous la paix, et occupez-vous de vos oignons ». La junte nigérienne dit au président Macron : « Au lieu de nous donner des leçons de gouvernance, occupez-vous de vos pauvres et de vos populations mécontentes qui manifestent ».

Le Kenya dit à l’Amérique : « Arrêtez de vouloir nous imposer votre code civil avec vos normes sociétales et sexuelles délirantes, contraires à nos traditions africaines. Arrêtez de vouloir nous imposer vos règles commerciales. Arrêtez de nous menacer de sanctions. Arrêtez de nous imposer le dollar pour nos échanges ». Le Kenya ne veut pas du mariage gay, mais il veut acheter son gaz à qui lui plaît, c’est-à-dire au Qatar et le payer en schillings kenyans et pas en dollars.. Est-ce qu’on peut, M. Biden ou M. Obama, oui ou non, est-ce qu’on peut vivre comme on l’entend, quand on est kenyan ou qatari ?

Du côté de l’Inde, le Premier ministre Modi dit aux Anglo-Saxons : « Nous renonçons au privilège de la langue anglaise pour tout ce qui concerne désormais nos affaires administratives, commerciales et judiciaires internes. Nous préférons utiliser nos propres langues ». Et puis l’Inde va changer de nom, l’Inde s’appellera dorénavant Bharat, parce que Inde est un nom qui nous a été donné par l’étranger et que Bharat était déjà notre nom dans les grandes épopées indo-européennes du Rig-Véda du ? (je n’ai pas compris).

Dans la révolte de ce qu’on appelle aujourd’hui le Sud global, il y a souvent une dimension identitaire et culturelle qui bien entendu échappe à nos élites mondialistes. Et le président Poutine dit la même chose à Biden : « Occupez-vous de vos frontières passoires au lieu des nôtres. Occupez-vous des cartels de la drogue qui empoisonnent votre jeunesse. Occupez-vous de vos millions de pauvres et de sans abri, de la criminalité, de vos 35 000 milliards de dollars de dette publique. Votre modèle de société, de gouvernance et de commerce est-il donc si efficace, si attractif, qu’il vous faille entretenir plus de 600 bases militaires hors des Etats-Unis, simplement pour maintenir le système. Du haut de mes mille ans d’histoire, moi Poutine, je contemple les prémices de votre deuxième guerre civile ».

C’est un diagnostic sévère que le monde porte sur l’Occident, mais il est partagé par des forces croissantes en nombre au sein même de l’Occident Nord-américain et européen. Occupez-vous de nos oignons, c’est ce que les agriculteurs français, allemands, néerlandais, polonais, espagnols, disent aux dirigeants nationaux et bruxellois.

C’est le sens de la révolte de l’Etat du Texas contre le gouvernement fédéral américain. Pour des raisons idéologiques, le gouvernement Biden laisse grandes ouvertes les frontières, il s’oppose même à ce que le Texas ait sa frontière lui-même, essaie par lui-même d’endiguer la marée humaine avec ses propres moyens. Alors, le gouverneur du Texas, Gregory Abbott, dit à Biden : « Cessez de dilapider par milliards les dollars du contribuable américain pour financer à l’infini vos guerres impérialistes. Arrêtez la corruption délirante des pouvoir exécutif et législatif à Washington. Occupez-vous de nos oignons ».

Est-ce là un cri du cœur isolé de la part du gouverneur Abbott ? Aucunement, puisque Abbott a le soutien actif de vingt-cinq autres gouverneurs d’Etat sur cinquante.

Donald Trump ne tient pas d’autre discours. LCI ou BFMTV ne cessent de le dénigrer pour ses cheveux orange, ses outrances oratoires, et sa prétendue misogynie. Mais ils se gardent bien d’insister sur le fait que, parmi les priorités de Trump, s’il est réélu, il y aura une réduction importante des budgets de l’OTAN, dont les menées bellicistes et coûteuses ont dénaturé l’objectif initial de l’alliance, l’OTAN, et ruiné les finances publiques américaines. Et dans l’attente de l’élection de Novembre, les élites occidentales sont en panique totale.

Alors, face à tout ça, on se rappelle, au moins pour les plus anciens, on se rappelle le slogan de Raymond Cartier, le grand reporter de Paris Match dans les années 50 et 60 : « La Corrèze avant le Zambèze ! La Corrèze avant le Zambèze ! Il paraît que ce bon mot est apocryphe, mais il n’en demeure pas moins pertinent et d’une brûlante actualité.

L’Occident en tant qu’Occident donneur de leçons, fait l’objet au moins d’une déchéance, au plus d’une détestation mondiale. Et nous autres Européens de l’Ouest en tant que nous sommes à la remorque de cet Occident, nous sommes assimilés à lui et nous pâtissons de son image. Quelles sont les racines du mal ? Certaines sont bien connues, d’autres ont été, je pense, sous-estimées.

La chute de l’URSS et le revirement de la politique économique de la Chine, il y a trente ans, ont fonctionné comme un amplificateur de l’arrogance de l’Occident. L’Occident, se croyant libéré à tout jamais de tout rival possible, l’Occident a cru pouvoir proclamer la fin de l’histoire à son profit. Le modèle parfait, ultime, définitif, de société, de gouvernement, d’économie que nous incarnions, allait tout naturellement s’imposer comme une vérité qui se révélerait aux yeux de l’humanité, laquelle adopterait un modèle unique et universel.

Et l’arrogance des dirigeants occidentaux est sans limite. Les peuples réticents au modèle sont réputés des arriérés. Le dirigeant occidental est un prétendu pédagogue, mais méprisant, insultant, les exemples en sont légion. Il y en a deux qui m’amusent particulièrement, c’est le président Macron donnant des leçons de bonne gouvernance politique et économique aux Libanais, faut quand même le faire. Et le président Sarkozy invitant les Africains à enfin entrer dans l’histoire. Celle-là est quand même un peu forte de la part d’un dirigeant dont l’acte politique majeur a été la ratification contre l’avis de son peuple d’un traité européen qui consiste justement à vouloir faire sortir la France de l’histoire.

Quand malgré toutes ces leçons, les peuples et les dirigeants répugnent à abandonner leurs spécificités et leur autonomie de décision, les Occidentaux psychiatrisent les déviants, tout comme l’URSS psychiatrisait les opposants au régime. Tous des fous, partisans des forces du mal, qu’il faut exclure de la communauté internationale. D’où l’obsession des Occidentaux pour les sanctions et pour les changements de régime qui supposent l’organisation de coups d’Etat à répétition ou le lancement de nouvelles aventures militaires. Et c’est comme ça depuis trente ans.

L’une des manifestations les plus emblématiques à la fois de l’arrogance de l’Occident et de son déclin, c’est la disparition de la diplomatie. La diplomatie, c’est un truc qui a été inventé en même temps que les premiers Etats, il y a quatre mille ans. La diplomatie suppose deux principes.

Premier principe. Il faut accepter de parler avec des gens avec lesquels on a des conflits ou des rivalités d’intérêts.

Deuxième principe. Il faut se renseigner sur l’autre, comprendre quelle vision, lui, peut avoir de ses intérêts propres, sans quoi on ne peut pas négocier.

Or, le maître mot de la politique occidentale aujourd’hui, c’est qu’il y a des gens à qui on ne parle pas et qu’on n’essaie même pas de connaître. Tout l’Occident a été contaminé par l’exceptionnalisme américain. Cette notion fondamentale d’exceptionnalisme signifie que le gouvernement américain a cette capacité, ce droit unique, exorbitant, à définir ce qui est bon pour les autres pays, pour les autres sociétés, pour les autres peuples. C’est un héritage politique, mystique et messianique de l’idée de peuple élu qui sous-tend toute l’histoire des Etats-Unis.

Et l’effondrement du niveau diplomatique de l’Occident est une manifestation directe, tout à la fois de son arrogance exceptionnaliste et de sa profonde médiocrité. En cinquante ans, entre l’époque de Kissinger, un géant, et celle de Blinken, un nain, l’Occident a perdu quarante points de quotient intellectuel.
Et pour ce qui concerne la diplomatie française, elle n’existe plus. Et je considère que la suppression du corps diplomatique de carrière par le président Macron est une des rares décisions cohérentes qu’il ait prises à ce jour, même si elle est perverse.

Médiocrité partout. Médiocrité en tous domaines. Et médiocre l’idée de mener une guerre industrielle contre des concurrents largement supérieurs en capacités de production. On voit le résultat en Ukraine et on le verra demain encore davantage si l’Occident attaque la Chine, ce qu’à Dieu ne plaise.
C’est médiocre d’investir des dizaines de milliards dans des filières technologiques sans avenir, ou de tout miser sur des technologies qui nous mettent dans des situations de dépendance insolubles. Par exemple, le choix de batterie pour les véhicules électriques, qui suppose le recours à des minéraux dont la Chine représente 75 % des capacités d’extraction et 98 % des capacités de raffinage. Car la Chine a dix ans d’avance dans ce domaine et ne veut bien entendu pas partager ses savoir-faire.

Et c’est médiocre encore d’ignorer les lois élémentaires de l’économie. Monsieur Le Maire, vous méprisez le petit peuple. Mais un petit boulanger, lui, il sait qu’il ne peut pas se fâcher avec le fournisseur de farine qui lui fait les meilleurs prix du marché.

Avec vos 115 % de dette publique sur le PIB et une économie de services, pensiez-vous vraiment donner des leçons de bonne gestion à un pays qui a seulement 15 % de dette publique et dont le secteur industriel pèse 30 % du PIB ? Ce n’est pas la Covid, ce n’est pas la guerre en Ukraine qui nous affaiblissent durablement, c’est le traitement politique médiocre de ces événements.
Médiocrité culturelle, ignorance crasse de l’histoire et de la géographie, sans lesquelles il n’y a pas de politique. On peut comme George W Bush devenir président des Etats-Unis et dire :
« Nous avons un problème, la frontière entre l’Irak et l’Afghanistan est trop poreuse, en ignorant par le fait qu’il n’y a pas un kilomètre de frontière entre l’Irak et l’Afghanistan, et qu’ils sont séparés depuis seulement 2500 ans par l’une des plus grandes civilisations de l’histoire, la Perse, aujourd’hui l’Iran, avec des capacités scientifiques majeures, notamment son école mathématique.
On peut, comme monsieur Macron, être candidat à la présidence de la République française et dire que la Guyane est une île.

Et médiocre aussi le fait de s’auto-intoxiquer de sa propre propagande. Un journaliste, un Autrichien, je crois, disait déjà dans les années 30 : « Les guerres commencent quand les politiques mentent aux journalistes, et quand le lendemain, ils croient ce qu’il y a d’écrit dans les journaux ». Ce n’est pas idiot.

La société occidentale est une société du mensonge et nos dirigeants finissent par fonder leurs décisions sur leurs propres mensonges. Et quand on sait que la société du mensonge mène inévitablement à une société de la censure, on ne peut s’étonner de la dérive totalitaire des sociétés occidentales.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire à cette tribune, à propos des grandes catastrophes industrielles de notre histoire récente comme Alcatel, j’avais dit : nous avons de grandes écoles, mais nous avons de faibles élites. Il faudra un jour approfondir la notion d’ignorant diplômé et essayer de comprendre les mécanismes qui sélectionnent en Occident depuis trente ans cette population d’ignorants-diplômés pour exercer le pouvoir. Je pense que ce serait un bon sujet de colloque pour l’Iliade, car ce n’est pas une voie de nature que d’être dirigé par des médiocres en Europe.

La ressource existe dans tous les domaines, politique, économique, technique et scientifique, et l’on voit, tant en Europe qu’aux Etats-Unis, que de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les manifestations et les causes du mal qui ronge l’Occident et qui fait se dresser le reste du monde contre lui.
Pour cela, il faut avoir un objectif et une stratégie. L’objectif pour l’Europe ou pour certains pays européens, c’est de retrouver une indépendance au milieu de ce naufrage qu’est aujourd’hui l’Occident. Pour cela, il faut retrouver les voies de la différenciation et de la diplomatie.

Nous ne sommes pas supérieurs, nous sommes différents, et comme on l’a vu, le début du déclin de l’Occident contemporain, dans les années 90, ça a coïncidé avec le fantasme d’une homogénéisation du monde, autour de concept politiques et économiques prétendument universels et sur la base d’une prétendue supériorité intellectuelle, managériale, technico-scientifique, que les faits démentent aujourd’hui.

En faisant le constat lucide de nos forces et de nos faiblesses, qu’elles soient structurelles comme conjoncturelles, nous devons tendre à un nouveau modèle, il nous faut devenir un Empire du Milieu. Oui, comme la Chine, un Empire de notre Milieu.

La Chine aussi avait fait des erreurs. Après un siècle de déclassement, la Chine de Mao Tsé Toung s’était égarée elle-aussi sur la voie de l’arrogance et vers la diffusion mondiale d’une idéologie et d’un modèle social prétendument universels, le maoïsme. Mais Deng Xiaoping et Xi Jinping ont rendu la Chine à sa Tradition, car la Chine, on l’oublie trop souvent, la Chine a été la principale puissance démographique et économique du monde pendant presque 4000 ans d’affilée, jusque vers 1800, sans avoir pour autant prétendu siniser le monde, comme nous, nous avons eu le fantasme de l’occidentaliser. La Tradition chinoise de l’Empire consiste à gérer politiquement ses marchés. Viktor Orban ne dit pas autre chose ces jours-ci, ses zones tampons. Et pour le reste, sa Tradition consiste à maîtriser à l’intérieur la paix civile, la production, la satisfaction des besoins de la population, et à l’extérieur, le commerce.

L’avenir le plus raisonnable pour l’Europe, c’est de redevenir un pôle d’équilibre, un pôle raisonnable, après tant d’années d’hubris et de déraison. Alors oui, j’accepte, et même je revendique l’accusation qui nous est faite en permanence par les mondialistes, tant de Davos que de Bruxelles, oui il nous faut pratiquer un salutaire repli sur soi, car il est temps que quelqu’un s’occupe de nos oignons, et que la Corrèze passe avant le Zambèze.

Mais à l’inverse de ce dont nous accusent les mondialistes, cela ne signifie aucunement se fermer au monde extérieur, tout au contraire. Tout au contraire, aujourd’hui, c’est la médiocrité culturelle et l’idéologie de nos élites qui fait que nous ne nous ouvrons pas vraiment au monde, à sa richesse, à sa diversité, à ses potentiels de partenariat, car l’universalisme est réducteur, il réduit à l’un. Notre différentialisme est une ouverture au monde et à la diversité du monde. Et voilà un des moyens qui nous permettront de réaliser cet objectif d’indépendance au milieu de ce naufrage.

La stratégie de restauration de notre souveraineté et de notre liberté passe par une remise en cause fondamentale du système. Je partage en tous points les analyses de Donald Trump et de Robert Kennedy junior, les candidats à la prochaine élection aux Etats-Unis, car ces deux candidats divergent sur certains points programmatiques, mais ils posent un constat identique qui est le nôtre. L’urgence, c’est d’assécher le marigot de la capitale fédérale. L’urgence, c’est de mettre un terme à la tyrannie des dirigeants des partis de gouvernement, c’est-à-dire de l’uni parti, parti unique de facto, à la tyrannie des médias, et à la tyrannie de la haute administration publique incompétente et veule qu’on appelle aux Etats-Unis le deep state, l’Etat profond.

Il est évident que pour ce qui concerne l’Europe, un tel constat, une telle ambition excluent tout espoir de recours à l’Union européenne telle qu’elle est. Albert Einstein disait fort justement que la folie, ça consiste à répéter la même expérience en espérant à chaque fois obtenir un résultat différent.

Alors, regardons froidement le résultat de quinze ans de traité de Lisbonne, le traitement désastreux de l’épidémie de Covid, les ravages causés en Europe par des sanctions économiques contreproductives, notre détresse énergétique et financière, la montée de la censure, en attendant l’interdiction toujours possible de partis politiques entiers parce que déviants. Car je rappelle que la force principale à la manœuvre en Allemagne pour l’interdiction de l’AFD, ce sont les services secrets du pays, exactement comme aux Etats-Unis, la CIA et le FBI ont été mobilisés pour empêcher Donald Trump de gouverner et d’appliquer son programme.

Alors non, on ne va pas s’acharner à refaire encore une fois la même expérience, parce que ce serait de la folie. Ne nous faites pas le coup du si ça ne va pas, c’est parce qu’il n’y a pas assez d’Europe. Fini. Terminé.

Donc le seul débat qui reste avant de voter d’ici quelques semaines est de choisir pour quelle stratégie européenne on opte. Frexit, la sortie pure et simple du système, peut-être. Borexit la mise au pas de la Commission par les Etats membres, l’expulsion de Bruxelles hors des circuits de décision, c’est la stratégie d’Orban qui attend le soutien d’autres dirigeants.

J’imagine que notre audience aujourd’hui ici est partagée, et je ne vais approfondir ce débat entre Frexit, sortie, et Borexit, éjection de Bruxelles. Ce qui importe, c’est que nous manifestions massivement, chacun selon son option, notre rejet de l’impasse bruxelloise.

Quel que soit le résultat, l’Europe de l’union européenne restera divisée, et certains pays refuseront de s’émanciper. Ce n’est pas grave. Trois ou quatre nations suffiraient à lancer le mouvement.

Et pour revenir un instant, une dernière fois aux Etats-Unis, il est évident que la victoire là-bas d’un anti-globaliste provoquerait ici une clarification salutaire des positions nationales.

En tout cas, il est important de se mobiliser. Le temps presse, car le déclassement de l’Europe est en cours. Et je vous rappelle le mot du général Mac Arthur. Mac Arthur disait :
« Quand on analyse les raisons d’une défaite, quelle qu’elle soit, on en arrive toujours à la même cause, TROP TARD. On a agi TROP TARD ».
Alors, gardons-nous d’agir trop tard, car il est aujourd’hui grand temps. Merci.

Jean Saunier

Rétrospective intégrale d’une vidéo de Lionel Rondouin, pour l’Institut Iliade.
Lionel Rondouin, formateur de l’Institut Iliade, diplômé de l’Ecole Normale Supérieure, a fait carrière au sein des parachutistes des troupes marines.

Note du comité de rédaction de Europe solidaire

L’affaiblissement de l’Europe a pris naissance des la Première guerre mondiale avec l’apparition du fascisme italien, suivi du nazisme allemand. L’Italie et l’Allemagne ont combattu les démocraties politiques (France, Grande Bretagne) jusqu’à épuisement démographique et économique réciproque. L’Allemagne en est sortie affaiblie et désarmée. Elle le reste encore aujourd’hui L’empire britannique, sur lequel le soleil était réputé comme ne se couchant pas, a été disloqué au profit de ses ex-colonies d’outre-mer. La Bourse de Londres qui régentait le monde, a vu l’essentiel de ses moyens émigrer à New-York.

Dans le même temps, les Etats-Unis, protégés de la guerre par la largeur de l’Atlantique, et enrichis par la mise au point et la vente de matériels et technologies militaire avancées, ont pu dès l’entre-deux guerres et surtout dès l’après guerre inonder l’Europe de produits finis et des pratiques économiques et sociales associées ne laissant à celui-ci qu’une marge infime de créativité et d’autonomie commerciale. Encore aujourd’hui, par exemple, le cinéma d’Hollywood fait plus parler de lui que tous ses homologues européens.

Pendant ce temps, l’URSS qui avait failli disparaître pendant la seconde guerre mondiale mais qui s’en était sortie sous la dictature stalinienne en imposant des millions de morts à ses citoyens, s’était transformée en régime autoritaire capable d’exploiter les considérables réserves de matières premières et de céréales dont elle disposait, au contraire de l’Europe. Confrontée à la concurrence des pays capitalistes, concurrence économique puis rapidement politique et militaire, la Russie sous les présidences de Nikita Khrouchtchev puis de Vladimir Poutine s’était transformée en véritable puissance mondiale, concurrente de l’Europe dans tous les domaines.

Peu après la Chine, échappant à la domination européenne, avait suivi le même chemin. Autant dire que l’Europe avait perdu tous les atouts dont elle disposait précédemment pour jouer un rôle mondial significatif.

Employer le terme d’Occident pour désigner les adversaires actuels de la Russie et de la Chine, c’est-à-dire les Etats-Unis et l’Europe, est profondément trompeur. Il laisse penser que l’Europe est restera une alliée des Etats-Unis dans leur lutte contre le reste du monde.

Si nous voulons utiliser le terme d’Occident, il faudra le réserver aux seuls Etats-Unis. L’Europe doit rester l’Europe, c’est-à-dire une puissance intermédiaire qui se bat pour survivre. Mais cela ne voudra pas dire que l’Europe doive renoncer à être intelligente, notamment et en premier lieu, si elle le peut, dans les sciences et le spatial.

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