Découverte au Gabon des premiers protistes ayant existé sur la Terre

Avant-propos de Europe solidaire

L’article qui suit est repris de Claude Fontaine https://www.scopus.com/authid/detail.uri?authorId=15769180300

Rappelons que les bactéries mesurent entre 0,5 et 10-15 μm. Ce sont des organismes procaryotes qui ne possèdent pas de noyau, mais un ADN chromosomique circulaire situé dans le cytoplasme. De nombreuses bactéries contiennent une autre structure d’ADN extra-chromosomique, appelée plasmide. Procaryote se dit d’un organisme dont le noyau cellulaire est mêlé au cytoplasme (le terme s’oppose à eucaryote).

Les archées sont des micro-organismes unicellulaires procaryotes (il n’y a pas de noyau dans la cellule). Leur taille varie entre 0,1 et 15 microns et elles vivent dans à peu près tous les milieux. On trouve des archées dans des milieux extrêmes (anaérobies, à forte salinité, très chauds ou à grande profondeur).

Les virus enfin, que l’on a longtemps hésité à classer parmi les organismes vivants sont un agent infectieux nécessitant un hôte, souvent une cellule, dont les constituants et le métabolisme déclenchent la réplication.

Ces cellules, comme celles qui composent notre corps, se caractérisent par la présence d’un noyau et d’organites délimités par des membranes cellulaires.
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Claude Fontaine

Notre équipe internationale, en collaboration avec le Gabon, a mis en évidence les plus vieux fossiles de protistes eucaryotes, qui vivaient dans l’eau de mer (plancton) il y a 2,1 milliards d’années. Un protiste est un organisme unicellulaire composé d’une cellule de type eucaryote.

Cette découverte fait reculer le curseur de l’émergence des organismes eucaryotes de plus de 300 millions d’années. Ces résultats sont publiés dans le numéro d’avril 2023 de la revue Earth Planetary Sciences Letter.

Un recul extraordinaire de l’apparition d’une vie pluricellualire

Il y a quelques années, mon équipe a découvert au Gabon les plus vieux fossiles d’organismes pluricellulaires nommés « Gabonionta ». Grâce à ce gisement situé dans le bassin de Franceville, la date d’apparition d’une vie pluricellulaire sur Terre avait alors été reculée d’environ 1,5 milliard d’années, passant de -600 millions à -2,1 milliards d’années.

Notre équipe avait également montré que cette formidable biodiversité, concomitante d’un pic de concentration en dioxygène dans l’atmosphère, s’était développée dans un milieu marin calme et peu profond. Cette biodiversité est représentée par l’abondance de macro-fossiles en excellent état de préservation et par la diversité de tailles et de formes.

C’est au sein de la même formation géologique que l’équipe internationale que je coordonne a découvert l’existence de fossiles de protistes macroscopiques dont la taille peut atteindre 4,5 centimètres. Leur milieu de vie semble avoir été dans l’eau et non sur le fond marin. Ceci est illustré grâce à leur présence dans différents contextes sédimentaires. En plus on constate qu’ils ont agrégé des fines particules argileuses très fines modifiant ainsi leur densité et entraînant leur chute sur le fond océanique.

L’apparition du plancton

Dans cet écosystème marin primitif, certains organismes eucaryotes étaient donc déjà biologiquement suffisamment sophistiqués pour pouvoir vivre de façon planctonique.

Ce résultat a été obtenu grâce à l’usage du zinc, considéré comme un élément indispensable pour le métabolisme biologique. Les données ont révélé que ces fossiles contiennent environ deux fois plus de zinc que le sédiment qui les contient.

De plus, en collaboration avec L’École Normale Supérieur de Lyon, les universités de Lille et Rennes et le Synchrotron SOLEIL, les données montrent qu’à l’intérieur de ces fossiles, les isotopes du zinc présentent un enrichissement en isotope léger par rapport à ce même sédiment. Le comportement du zinc est d’un grand intérêt, car il s’agit d’un micronutriment bio-essentiel, composant de plusieurs métalloenzymes qui remplissent des fonctions biologiques clés dans les cellules eucaryotes, dont la composition de certaines protéines indispensables pour le métabolisme du vivant.

Ainsi, la demande cellulaire en zinc dépend fortement de la taille de la cellule, de l’organisation, la complexité, la fonctionnalité et le métabolisme. À cet égard, l’augmentation de la taille de ces organismes a pu être corrélée à l’augmentation de la disponibilité du zinc.

Ces données ont permis de mettre en lumière le rôle fondamental du zinc comme marqueur biogéochimique de la biogénicité.

Parallèlement, un couplage de plusieurs techniques de pointe nous a permis à la fois de doser la concentration en zinc et d’identifier ces isotopes. Nous avons également cartographié le zinc grâce à des méthodes d’analyses réalisées au synchrotron Soleil à Paris. L’imagerie 3D a été réalisée par microtomographie aux rayons X, technique d’imagerie non destructive. Les résultats ont montré qu’il s’agit bien de structures ayant une compartimentalisation interne. Ces données d’imagerie apportent une confirmation supplémentaire de l’origine biologique de ces fossiles.

À quoi ressemblaient concrètement ces êtres vivants ? Ils étaient peut-être similaires aux protistes de grande taille capables de flotter dans la colonne d’eau. Quand ces organismes agrègent des fines particules argileuses, ils chutent sous l’effet de leur densité d’une manière aléatoire sur les sédiments formant le fond marin. Jusqu’à présent, les plus anciens protistes eucaryotes planctoniques reconnus étaient datés de 570 millions d’années. Cette nouvelle découverte met en évidence une innovation biologique qui soulève de nouvelles questions sur l’histoire de l’évolution à savoir : des formes de vie planctonique perfectionnées existaient-elles déjà il y a 2,1 milliards d’années ?

Référence

Earth and Planetary Science Letters

Volume 612, 15 June 2023, 118169

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0012821X23001826?via%3Dihub

A search for life in Palaeoproterozoic marine sediments using Zn isotopes and geochemistryHighlights

  • 1.9 Gyr-old shales from Gabon contain lenticular forms (LF) with sizes up to 4 cm.• The LF possess high Zn and light isotope enrichments relative to the matrix.
  • •The LF are interpreted as the oldest examples of agglutinated protists.•A 10-fold increase in LF size up strata may be related to increasing Zn content.
  • The biogenicity criteria identified here can be used for planetary missions.

Abstract

Sediments from the 2.1- to 1.9-billion-year-old Francevillian Group in southeastern Gabon include centimeter-sized pyritized structures suggestive of colonial organisms (El Albani et al., 2010), some of which may have been motile (El Albani et al., 2019). However, these interpretations were largely based on morphological and geochemical characteristics that lack metabolic clues and/or can be explained by abiotic processes. To move this work forward, we describe other centimeter-sized specimens, loosely referred to as lenticular forms (LF), from the same area and apply a more holistic approach including morphology, mineralogy, and geochemistry. The objects are 0.2–4 cm in diameter, and most of them are endowed with a regular brim that scales proportionally to external diameter reminiscent of biological order, hence rendering the LF putative biogenic traces. The LF are perfectly delineated in every direction and deflect the sedimentary layers on which they rest. X-ray microtomography further demonstrates that the LF are syn-depositional features and not concretions, while lead isotope systematics indicate that the geochemical imprint of diagenesis is inconsequential. Low sulfur content is largely concentrated in the organic matrix, and scarcity of pyrite and its persistence as micron-sized crystals show that the role of sulfate reduction is minor. Most interestingly, the fillings of the LF cavities show large and correlated excesses of organic carbon and zinc, with the latter being distinctly enriched in its light isotopes. The geochemical anomalies of the fillings relative to the host rock, notably those associated with Zn, clearly were buried with the LF, and further imply biogenicity. In this regard, a ten-fold increase in LF size towards the top of the black shale series hosting the LF might be related to increasing Zn (nutrient) availability. Although we cannot conclude with any certainty what these remnant organisms were, their features all taken together are evocative of very large agglutinate protists that grazed on bacterial biomass either in the water column or as benthic mats.

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