17/02/23 Un peu de lumière dans l’obscurité des relations entre les trous noirs et l’énergie noire

On peut prendre la mesure de cette lumière en méditant les déclarations récentes de deux astrophysiciens britanniques. Il y a tout d’abord celles de Chris Pearson, du STFC RAL Space, centre britannique de documentation scientifique rattaché au Science and Technology Facilities Council (STFC). RAL Space y est l’espace dédié à la recherche et à l’innovation.

Pour Chris Pearson : « Si la théorie tient, la chose va révolutionner l’ensemble de la cosmologie, car nous avons enfin une solution relative à l’origine de l’énergie noire qui laisse perplexe cosmologistes et physiciens théoriciens depuis plus de 20 ans. » 

Vient ensuite Dave Clements, de l’ Imperial College London : « C’est un résultat vraiment surprenant. Nous avons commencé par étudier la croissance des trous noirs au fil du temps et nous avons peut-être trouvé la réponse à l’un des plus gros problèmes de la cosmologie. » soit l’apparente accélération de l’expansion de l’Univers.

Rappelons que c’est le prix Nobel James Peebles qui a compris à la fin du XXe siècle que le cosmos observable devait probablement être décrit par un modèle relativiste doté d’une constante cosmologique accélérant l’expansion de l’Univers. En effet, les mesures de l’âge des plus vieilles étoiles n’étaient pas compatibles avec leur âge estimé à partir de la mesure de la vitesse de l’expansion de l’espace dans le modèle cosmologique issu de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Ajouter une constante cosmologique, comme l’avait fait une première fois Einstein en 1917, permettait de vieillir un peu l’Univers observable et de réconcilier son âge avec celui de ces vieilles étoiles.

De fait, en 1998 et 1999, deux groupes d’astronomes – menés indépendamment par Saul Perlmutter et Adam Riess – allaient montrer que tout se passait comme si la constante cosmologique d’Einstein était présente et accélérait l’Univers alors que l’on pensait que ce dernier décélérait constamment depuis la fin du Big Bang, comme un caillou lancé à la verticale dans le champ de gravitation de la Terre.

Ces deux hommes recevront le prix Nobel de physique en 2011 pour leur découverte de l’expansion accélérée. Il se trouve aussi que la constante d’Einstein peut s’interpréter comme étant due à la pression d’une densité d’énergie exotique inconnue, une énergie dite noire pour cette raison, dont la masse dans un volume de plusieurs centaines de millions d’années-lumière de rayon dépasse largement la masse globale estimée des galaxies et de la matière noire, dans le cadre de ce qui constitue maintenant le modèle cosmologique standard.

Mais si cette énergie noire existait, ce qui resterait à démontrer car l’accélération de l’expansion est peut-être causée par un autre phénomène, on ne sait toujours pas quelle serait sa nature exacte ni si elle devrait conduire le cosmos observable à être en expansion pour l’éternité (Notons que cette expansion pourrait changer de nature dans le futur et de répulsive devenir attractive, ralentissant puis inversant l’expansion jusqu’à produire un Big Crash éventuellement suivi d’un nouveau Big Bang).

Il est donc très intéressant de prendre connaissance des thèses identiques avancées dans deux articles publiés dans The Astrophysical Journal et The Astrophysical Journal Letters par une équipe de 17 chercheurs de neuf pays, dirigée par l’université d’Hawaï et comprenant des physiciens du STFC RAL Space et de l’Imperial College London.

Non seulement les trous noirs verraient leur masse augmenter sans absorber de matière du fait de l’expansion du cosmos observable, mais la théorie impliquant ce phénomène impliquerait aussi que les trous noirs influenceraient cette expansion au point de rendre compte complètement de l’existence et de la valeur de l’énergie dite noire dont la densité constituerait environ 70 % de la masse de l’univers évoqué précédemment.

Concrètement, les chercheurs s’étaient engagés  dans un programme permettant d’étudier sur une période de 9 milliards d’années de l’histoire du cosmos observable l’évolution des trous noirs supermassifs contenant d’un million à plusieurs milliards de masses solaires et que l’on trouve au cœur des grandes galaxies spirales, comme la Voie lactée, ou dans les grandes galaxies elliptiques comme M87.

Les galavies elliptiques sont pauvres en gaz et en poussière de sorte qu’elles ne forment quasiment plus d’étoiles. Elles peuvent croître en entrant en collision puis en fusionnant, mais ce phénomène est plutôt rare, comme s’est réalisée la croissance de ces galaxies, les premiers milliards d’années de l’Univers, en accrétant du gaz provenant de filaments froids.

Or, les études actuelles semblent bel et bien montrer qu’au cours des précédents milliards d’années jusqu’à aujourd’hui les trous noirs supermassifs des galaxies elliptiques continuent à croître alors qu’ils ne peuvent presque pas trouver de matière à absorber/ Il en résulte que ces galaxies sont de 7 à 20 fois plus grandes qu’il y a 9 milliards d’années, dans des proportions qui ne semblent pas compatibles avec l’accrétion de matière effective ou la fusion entre trous noirs supermassifs pendant cette période.

À strictement parler, le phénomène n’est pas encore établi au-delà de toute contestation, mais il pourrait le devenir dans les années à venir. Ce qui est intéressant, c’est que le taux de croissance des trous noirs supermassifs semble suivre une loi de puissance à partir de l’expansion de l’Univers observable.

Un problème de raccordement de l’espace-temps local des trous noirs à l’espace-temps global cosmologique

Il se trouve que ce phénomène était plus ou moins considéré depuis des années en se basant sur de nouvelles analyses de ce qu’il faut entendre par la conservation de l’énergie et de la quantité de mouvement dans un univers décrit par la relativité générale et surtout les énigmes rencontrées lorsque l’on essaie de décrire un trou noir de Kerr en rotation dont l’espace-temps est raccordé localement à un modèle cosmologique global.

Rappelons que la solution de Kerr, qui décrit nécessairement tous les trous noirs en rotation, dispose d’une géométrie qui tend vers un espace plat à distance infinie. Il y a potentiellement un conflit si le trou noir se trouve dans un modèle cosmologique qui n’est pas plat globalement mais peut consister, par exemple, une sphère de très grande taille.

On s’est posé aussi la question de savoir comment l’expansion de l’espace affectait la taille des orbites des planètes du Système solaire. Bref, il y a toute une série de questions et de calculs en relativité générale qui pointent vers la nécessité d’une analyse fine, voire d’une modification des lois de la gravitation d’Einstein, quand on admet que ut considérer des trous noirs et une énergie du vide pouvant exister dans des modèles cosmologiques et y compris dans les trous noirs.

Cela conduit notamment à une théorie dans laquelle les trous noirs, supermassifs ou non, croissent naturellement en masse dans un univers en expansion et ou inversement, ils influent sur cette expansion en retour comme s’ils constituaient l’énergie noire.

Remarquablement, selon les publications des chercheurs, il est possible de rendre compte d’une assez bonne façon de la valeur de l’énergie noire actuelle comme si elle était causée par les trous noirs et en particulier les trous noirs stellaires venant de l’effondrement gravitationnel des étoiles massives. En conséquence, la singularité de l’espace-temps prédite au cœur des trous noirs par le prix Nobel Roger Penrose serait éliminée, car les conditions d’application de son théorème auraient disparu.

Référence
Observational Evidence for Cosmological Coupling of Black Holes and its Implications for an Astrophysical Source of Dark Energy

Published 2023 February 15 • © 2023. The Author(s)…. Published by the American Astronomical Society.
The Astrophysical Journal LettersVolume 944Number 2

Abstract

Observations have found black holes spanning 10 orders of magnitude in mass across most of cosmic history. The Kerr black hole solution is, however, provisional as its behavior at infinity is incompatible with an expanding universe. Black hole models with realistic behavior at infinity predict that the gravitating mass of a black hole can increase with the expansion of the universe independently of accretion or mergers, in a manner that depends on the black hole’s interior solution. We test this prediction by considering the growth of supermassive black holes in elliptical galaxies over 0 < z ≲ 2.5. We find evidence for cosmologically coupled mass growth among these black holes, with zero cosmological coupling excluded at 99.98% confidence. The redshift dependence of the mass growth implies that, at z ≲ 7, black holes contribute an effectively constant cosmological energy density to Friedmann’s equations. The continuity equation then requires that black holes contribute cosmologically as vacuum energy. We further show that black hole production from the cosmic star formation history gives the value of ΩΛ measured by Planck while being consistent with constraints from massive compact halo objects. We thus propose that stellar remnant black holes are the astrophysical origin of dark energy, explaining the onset of accelerating expansion at z ∼ 0.7.

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