Dans un entretien au « Monde », la procureure de la République de Paris dresse un état des lieux de la lutte contre le crime organisé et alerte sur l’urgence d’intensifier les efforts.
La juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco) a pour mission, depuis bientôt trois ans, de s’attaquer aux groupes criminels actifs sur le territoire français, notamment liés au narcotrafic. Cette juridiction spécialisée, placée sous l’égide du parquet de Paris, s’occupe des dossiers les plus complexes, où s’entremêlent aussi bien les affaires de corruption, de blanchiment que de règlements de comptes.
Laure Beccuau, procureure de Paris, détaille pour Le Monde les enjeux actuels de la lutte contre le crime organisé, dont les groupes les plus actifs, souligne-t-elle, sont aujourd’hui « sans limites » en termes de financements, de projection géographique et de recours à la violence.
La lutte contre la haute criminalité organisée est un défi actuel, un défi majeur. Aujourd’hui, le niveau de la menace est tel que l’on détecte des risques de déstabilisation de notre Etat de droit, de notre modèle économique, mais également de nos entreprises, à un niveau stratégique majeur. Au regard des quatre-vingt-six dossiers de la Junalco, on s’aperçoit qu’on est face à des réseaux tentaculaires.
Il suffit de regarder ce qui se passe en Belgique et aux Pays-Bas pour démontrer que les organisations que l’on affronte n’ont aucune limite dans leurs moyens financiers, aucune limite dans leurs frontières ni dans leurs champs d’action (trafics de drogue, d’êtres humains, réseaux de prostitution…) pour peu que les profits se chiffrent en millions d’euros. Ces organisations ne connaissent pas de limite non plus dans leurs propres règles : pour s’imposer, elles ne s’interdisent plus rien. On le constate avec l’émergence de dossiers de règlements de comptes, d’enlèvements, de menaces, où le degré de violence est extrême.
Nous nous bornerons à deux observations
– Le problème n’est pas nouveau. Le crime organisé (les gangs) a toujours bénéficié de l’indulgence, voire de l’appui des classes dirigeantes, quel que soit le type d’organisation politique des sociétés dans lequel il travaille. C’est en priorité au service des classes politiques dominantes qu’il fournit des drogues, de luxueux immeuble et autres résidences secondaires dans des zones naturelles rigoureusement protégées, des prostituées hors de prix .. Tous les policiers et beaucoup de magistrats le savent. Ils se gardent bien d’intervenir sérieusement car effectivement les « réseaux tentaculaires » que l’on retrouve dans les dossiers de la Junalco sont largement aux commandes de l’Etat.
– Ceci dit, il suffirait de regarder comment ces questions se règlent aujourd’hui en Russie pour ne pas trop s’inquiéter en France