Source Julien Bergou
Rémi Cadene est ambitieux. Très ambitieux. Et il veut aller vite. Très vite. Après trois années chez Tesla, où il a travaillé d’abord sur le système de conduite Autopilot, puis sur le robot Optimus, et un passage chez Hugging Face (où il a fondé l’équipe LeRobot), il a annoncé la semaine dernière Uma, une start-up de robotique basée à Paris. Le nom est l’acronyme de Universal Mechanical Assistant (assistant mécanique universel).
Il en est le CEO, épaulé par trois autres cofondateurs de renom : Pierre Sermanet (Chief Scientist), membre fondateur de l’équipe robotique de Google Brain, qui revient en France pour l’occasion, Simon Alibert (CTO), cofondateur de l’équipe LeRobot chez Hugging Face, et Rob Knight (Chief Robot Officer), un spécialiste britannique de la robotique, et notamment de la dextérité, depuis plus de 25 ans.
Ensemble, ils veulent créer des robots légers, polyvalents, pouvant être produits à grande échelle pour un coût raisonnable, et capables de côtoyer des humains en toute sécurité (“safe by design”). Et ils travaillent non seulement sur le “cerveau” du robot côté logiciel, mais veulent aussi développer leur propre hardware, et comptent même à terme le produire en Europe. La commercialisation de leur premier robot est prévue dès l’année prochaine.
600 m2 de locaux à Paris, 15 employés
Si Uma a été annoncée discrètement le 1er décembre, le projet était mûri depuis plusieurs années. “On prépare ça depuis très longtemps, cela fait 3 ans que j’y réfléchis, mais j’attendais le bon moment,” confie Rémi Cadene. La start-up dispose déjà d’un espace de 600 m2 à Paris, juste à côté de Bpifrance, plus 600 m2 partagés avec ZML, une autre start-up d’IA. Cet espace commun (baptisé “néon noir”) servira à organiser des “hardware meetups” pour créer des liens avec l’écosystème.
Uma compte une quinzaine de collaborateurs à date, avec d’autres recrutements à venir. “Nous sommes pragmatiques, nous allons croître progressivement afin de conserver une culture la plus efficace et sympathique possible, qui correspond à nos valeurs humanistes, d’où le nom Uma d’ailleurs.” Il veut une équipe multidisciplinaire, internationale et diverse (et avant tout talentueuse, bien entendu). Pressé par L’Usine Digitale sur la taille qu’il souhaite atteindre, Rémi Cadene répond “qu’on peut à terme imaginer 200 personnes.”
Des fonds déjà levés
Uma ne manque pas d’argent non plus. Elle a déjà réalisé une levée de fonds qui semble significative, bien qu’elle n’en communique pas le montant. “Nous limitons les gens qui rentrent au capital car nous souhaitons avoir une diversité d’acteurs, confie même Rémi Cadene. Les fonds de capital-risque ont été triés sur le volet après des mois de discussion.”
On y trouve notamment l’américain Greycroft, l’indien Unity Growth, les européens Commit (Red River West) et Drysdale, le sud-coréen Millennium New Horizons, ou encore Relentless, Factorial, Kima Ventures et ALM Ventures. Rémi Cadene cite aussi comme investisseurs individuels Xavier Niel (Iliad), Olivier Pomel (Datadog), Guillaume Lample (Mistral AI), Ioannis Martinos (Signal Group), Clément Delangue et Thomas Wolf (Hugging Face), ou Yann LeCun parmi de nombreux autres. “Nous avons été très bons sur cette levée et nous ne voulons pas montrer toutes nos cartes,” admet Rémi Cadene.
Un robot logistique commercialisé dès 2026
Le premier robot d’Uma, prévu pour 2026 donc, s’adressera au marché de la logistique. “C’est le domaine d’application prioritaire aujourd’hui,” opine Rémi Cadene. Il s’agira d’un robot mobile (sur roues) doté de deux bras et de mains capables de saisir des objets avec précision. Second marché visé : l’industrie manufacturière. La start-up a déjà des prototypes fonctionnels en interne et des clients intéressés, mais n’est pas tout à fait prête pour les présenter au public. “Nous ferons des annonces dans quelques semaines,” glisse le dirigeant.
La dextérité du robot, proche de la main humaine, sera déterminante pour assurer son succès. “C’est la compétence première, de pouvoir manipuler correctement n’importe quel type d’objet avec la même flexibilité que la main humaine. Les autres robots butent sur les 20% de cas les plus difficiles, mais nous sommes aussi bon et aussi rapide qu’un être humain,” avance Rémi Cadene. Uma utilise un modèle d’IA conçu en interne, qui peut tourner si nécessaire en embarqué, sur “un module Nvidia Jetson récent”. Mais il imagine déjà des flottes de robots connectés entre eux et pilotés par le cloud, mentionnant au passage être en contact avec Eviden et Sesterce.
Ces deux marchés conséquents lui fourniront “une diversité de tâches qui nous permettra de devenir encore plus général et d’automatiser des tâches encore plus complexes,” souligne Rémi Cadene. Il est essentiel pour lui d’être rapidement sur le terrain, pour se confronter à la réalité et faire évoluer le produit dans le bon sens. Mais son intérêt pour l’industrie tient aussi au fait qu’il veut maîtriser sa chaîne d’approvisionnement. Ainsi, si la start-up travaille avec “des partenaires asiatiques” pour la fabrication de ses robots, elle ambitionne à terme de les produire directement en Europe. “Nous devons contrôler notre supply chain pour servir au mieux notre propre marché.” A ce titre, Uma est en discussions notamment avec l’allemand Schaeffler et le suisse Maxon.
La robotique, pilier du renouveau industriel européen ?
Mais Rémi Cadene voit plus loin : il veut intégrer verticalement toute la chaîne d’approvisionnement, pièce par pièce. Autrement dit, répliquer la méthode Tesla. Et il compte sur ses propres robots pour le faire. “Aujourd’hui le meilleur rapport qualité/prix pour les moteurs [de robots] c’est en Chine, notamment car il faut assembler les bobines à la main, et cela demande une main d’oeuvre à la fois qualifiée et peu coûteuse. Mais avec notre technologie cela pourrait être automatisé.” Cette automatisation de tâches complexes requérant une grande finesse d’exécution est la clé de voute de la stratégie d’Uma.
Rémi Cadene y voit un vecteur de réindustrialisation et, in fine, de souveraineté pour l’Europe. “Nous sommes convaincus que l’Europe est le meilleur marché pour cette technologie, car nous avons un savoir-faire historique qui n’est pas encore perdu, même si la délocalisation a fait beaucoup de mal au tissu industriel. On peut le redynamiser pour retrouver une industrie beaucoup plus locale et maîtrisée. Il y a aussi la question du vieillissement de la population, qui crée un besoin réel et urgent pour plus d’automatisation. Et enfin, il y a beaucoup de talents en Europe, ce qui facilite le recrutement, même si nous comptons embaucher des gens du monde entier, y compris de la Silicon Valley.”
Il cherche aussi à tirer parti des synergies entre secteurs industriels, un autre enseignement de Tesla. “En Europe nous avons plein de constructeurs automobiles qui passent à l’électrique et qui cherchent des débouchés annexes pour ces technologies car l’électrique dans l’auto atteint des paliers.” Qu’il s’agisse des moteurs, batteries ou autres, il considère que de nombreux fournisseurs européens pourront être mobilisés (et bénéficieront donc de ce marché).
Un robot humanoïde développé en parallèle
Rémi Cadene n’est pas inquiet des progrès des américains ou des chinois, qui enchaînent les démonstrations et se concentrent sur des robots complètement humanoïdes (et donc bipèdes). “On n’est pas sur du software et donc sur un marché ‘winner takes all’ où un ChatGPT peut conquérir le monde en un mois. Il y a de la place pour de nombreux acteurs. Et puis c’est un marché qui pèsera 250 milliards de dollars d’ici 2035 et 5000 milliards d’ici 2050 d’après les analystes, donc il est tellement vaste qu’il prendra du temps à se développer.”
Il tempère également leur avance : “Unitree produit déjà en masse mais c’est surtout pour de l’entertainment ou de la recherche, même chose pour d’autres acteurs chinois comme Ubitech. L’iPhone a mis 12 ans à atteindre une masse suffisamment importante, et il en ira de même pour cette technologie.”
A noter qu’Uma s’intéresse aussi à la robotique humanoïde et développe quelque chose en parallèle de son robot sur roues, mais ne le considère pas comme une priorité. “Nous avons une équipe de spécialistes de la marche, dont une personne qui a travaillé chez Tesla sur Optimus, mais pour nous cela reste de la recherche, il y a encore beaucoup de choses à faire. L’intérêt est réel, mais il est à plus long terme, tandis que notre robot sur roues pourra répondre dans les prochains mois aux besoins concrets et pressants des logisticiens et industriels.”
démonstrations et se concentrent sur des robots complètement humanoïdes (et donc bipèdes). “On n’est pas sur du software et donc sur un marché ‘winner takes all’ où un ChatGPT peut conquérir le monde en un mois. Il y a de la place pour de nombreux acteurs. Et puis c’est un marché qui pèsera 250 milliards de dollars d’ici 2035 et 5000 milliards d’ici 2050 d’après les analystes, donc il est tellement vaste qu’il prendra du temps à se développer.”
Il tempère également leur avance : “Unitree produit déjà en masse mais c’est surtout pour de l’entertainment ou de la recherche, même chose pour d’autres acteurs chinois comme Ubitech. L’iPhone a mis 12 ans à atteindre une masse suffisamment importante, et il en ira de même pour cette technologie.”
A noter qu’Uma s’intéresse aussi à la robotique humanoïde et développe quelque chose en parallèle de son robot sur roues, mais ne le considère pas comme une priorité. “Nous avons une équipe de spécialistes de la marche, dont une personne qui a travaillé chez Tesla sur Optimus, mais pour nous cela reste de la recherche, il y a encore beaucoup de choses à faire. L’intérêt est réel, mais il est à plus long terme, tandis que notre robot sur roues pourra répondre dans les prochains mois aux besoins concrets et pressants des logisticiens et industriels.”
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Julien Bergou