23/05/2024 Des particules peuvent-elles se déplacer plus vite que la lumière?

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Dans un étrange phénomène de la mécanique quantique appelé « effet tunnel », les particules semblent capables de voyager plus vite que la lumière — ce qui est en contradiction avec la théorie de la relativité d’Einstein. Cependant, des chercheurs suggèrent dans une nouvelle étude que les mesures précédentes montrant ce phénomène sont inexactes et qu’au contraire, il n’existe pas d’énergie supraluminique ni de « tunnellisation instantanée

L’effet tunnel quantique est un phénomène au cours duquel une particule peut traverser une barrière énergétique qu’elle ne peut normalement franchir, selon les lois de la physique classique. Cette dernière est notamment régie par des lois strictes.

En revanche, la mécanique quantique n’est pas aussi limitée. Même si son énergie est inférieure au minimum requis pour franchir une barrière, une particule peut la traverser, comme si elle glissait à travers un tunnel, d’où l’appellation « effet tunnel ». Décrit pour la première fois en 1928, cet effet explique de nombreux phénomènes auparavant mystérieux, tels que la désintégration radioactive, ainsi que la manière dont les noyaux d’hydrogène du Soleil sont capables de surmonter leur répulsion mutuelle et de fusionner pour produire de l’énergie.

Cependant, la vitesse à laquelle les particules traversent les tunnels quantiques fait l’objet de débats. Des chercheurs ont suggéré que pour les particules quantiques, les barrières semblent agir comme des raccourcis. Lorsque les particules y « creusent » des tunnels, leurs déplacements prendraient moins de temps que si les barrières avaient été absentes, ce qui semble contradictoire.

De plus, l’épaisseur des barrières ne semble nullement augmenter le temps nécessaire aux particules pour les traverser. En d’autres termes, les particules se « tunnellisent » plus rapidement que la lumière parcourant la même distance dans un espace vide. Or, la relativité d’Einstein interdit tout déplacement plus rapide que la lumière. Cela a ainsi conduit à la remise en question de certains des aspects fondamentaux de la physique, y compris le définition même du temps.

D’un autre côté, des chercheurs de l’Université technique de Darmstadt ( Allemagne) suggèrent que le temps de tunnellisation quantique n’a peut-être pas été correctement mesuré dans les précédentes expériences. Dans le cadre de leur nouvelle étude, récemment publiée dans la revue Science Advances, ils proposent un nouveau protocole de mesure qui est, selon eux, plus adapté à la nature du tunneling. Nous en publions ci-dessous in fine les références et l’abstract.

Les précédentes mesures du temps de tunneling se basaient généralement sur la dualité onde-corpuscule, un phénomène selon lequel les particules peuvent se comporter à la fois comme des ondes et des particules. L’effet tunnel mettrait notamment en évidence la nature ondulatoire des particules, lorsqu’elles se déplacent vers une barrière telle une vague d’eau en étant progressivement transformées en paquet d’ondes

Si le paquet d’ondes entre en contact avec une barrière énergétique, une partie est réfléchie tandis que l’autre la traverse. La hauteur de l’onde (ou de la vague) indique la probabilité que la particule se matérialise à un endroit précis de la barrière après sa tunnellisation. Afin de localiser le point de matérialisation de la particule, les chercheurs se sont basés sur la hauteur la plus élevée atteinte par le paquet d’ondes.

Cependant, « la particule ne suit pas un chemin au sens classique du terme », explique dans un communiqué le coauteur de la nouvelle étude, Enno Giese, de l’Université technique de Darmstadt. De ce fait, « il est impossible de dire exactement où se trouve la particule à un moment donné. Il est donc difficile de se prononcer sur le temps nécessaire pour se rendre d’un point A à un point B ».

Une approche basée sur le modèle temporel d’Einstein

Le nouveau protocole de Giese et son collègue vise à surmonter cet obstacle en se basant sur le modèle temporel d’Einstein, selon lequel le temps se définit tout simplement comme celui mesuré par une horloge. Dans cette vision, ils suggèrent d’utiliser la particule qui se tunnellise comme une horloge, tandis qu’une autre, qui ne se tunnellise pas, sert de référence. En comparant les deux horloges, il serait possible de déterminer à quelle vitesse le temps s’écoule lors de la tunnellisation.

La réalisation de cette approche s’appuie également en partie sur la nature ondulatoire des particules. Leurs oscillations en tant qu’ondes seraient notamment comparables à celle caractérisant une horloge. Les niveaux d’énergie des atomes (utilisés comme horloges) oscilleraient selon certaines fréquences. Ainsi, en les exposant à un faisceau laser, ces niveaux oscilleraient de manière synchronisée, induisant ainsi un fonctionnement de type horloge atomique.

Toutefois, l’effet tunnel perturbe légèrement cette synchronisation, qui peut être ajustée par le biais d’une seconde impulsion laser faisant interférer les deux ondes internes de l’atome. La détection de cette interférence permet ensuite d’obtenir une mesure précise du temps écoulé pendant la tunnellisation.

La réalisation d’une telle expérience se heurte à des défis majeurs. En effet, le décalage de temps à mesurer serait de l’ordre de 10-26 seconde, ce qui est extrêmement bref, même en considérant les techniques de mesure actuelles. Afin de surmonter ces défis, les experts proposent d’utiliser des nuages d’atomes comme horloges plutôt que des atomes individuels. Il serait également possible d’amplifier l’effet de décalage horaire en augmentant manuellement la fréquence des horloges, facilitant ainsi les mesures.

Référence

  • A unified theory of tunneling times promoted by Ramsey clocks

PATRIK SCHACH HTTPS://ORCID.ORG/0000-0002-6672-9692 AND ENNO GIESE HTTPS://ORCID.ORG/0000-0002-1126-6352

SCIENCE ADVANCES
19 Apr 2024
Vol 10, Issue 16

DOI: 10.1126/sciadv.adl6078

Abstract

What time does a clock tell after quantum tunneling? Predictions and indirect measurements range from superluminal or instantaneous tunneling to finite durations, depending on the specific experiment and the precise definition of the elapsed time. Proposals and implementations use the atomic motion to define this delay, although the inherent quantum nature of atoms implies a delocalization and is in sharp contrast to classical trajectories. Here, we rely on an operational approach: We prepare atoms in a coherent superposition of internal states and study the time read-off via a Ramsey sequence after the tunneling process without the notion of classical trajectories or velocities. Our operational framework (i) unifies definitions of tunneling delay within one approach, (ii) connects the time to a frequency standard given by a conventional atomic clock that can be boosted by differential light shifts, and (iii) highlights that there exists no superluminal or instantaneous tunneling.

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