Entre 2 millions d’années et l’apparition d’ Homo sapiens, les premiers humains dits Homo erectus à descendre des arbres et se tenir debout ont fait preuve d’une grande mobilité et d’une capacité d’invention qui ne se rencontre chez aucune autre espèce. La première sortie d’Afrique, la chasse, la maîtrise du feu… autant d’innovations souvent attribuées Homo erectus. Mais qui sont-ils ? Constituent-ils un groupe homogène ? Et surtout, qui sont leurs successeurs ?
De 781 000 à 126 000 ans avant le présent, les Homo erctusdsont apparaissent en Afrique et en Eurasie. L’évolution humaine à cette période est encore mal comprise car les fossiles sont à la fois très rares et très différents entre eux. Mais elle est aussi au centre de l’attention car elle voit l’émergence des mystérieux Dénisoviens, de Néandertal et d’Homo sapiens.
C’est Homo erectus qui, le premier, franchit le pas. On retrouve des fossiles humains apparentés à ce genre et datés d’environ 2 millions d’années, en Géorgie, puis des spécimens un peu plus récents, autour de 1,8 million d’années, en Indonésie. Depuis le sud de l’Afrique jusqu’au fin fond de l’Asie, Homo erectus se disperse partout où il le peut. Comme Homo sapiens le fera plus tard, vers 150 000 ans.
Leur extension hors d’Afrique s’apparente plutôt à une expansion démographique progressive. Ainsi, plutôt que de parler de vagues migratoires dûment motivées, les paléoanthropologues évoquent une progression qui n’est pas décidée volontairement
Les Homo erectus ne savent pas qu’ils sortent d’Afrique — un concept qui leur est évidemment étranger. Leurs déplacements s’effectuent sur quelques dizaines de kilomètres de distance à la fois, au fil de centaines de millénaires, et il est probable qu’ils ressemblent plus à des successions d’allers-retours plutôt qu’à un mouvement général et continu à sens unique.
Mais qu’est-ce qui pousse les humains à changer d’horizon ? Parmi les hypothèses, les scientifiques évoquent des variations climatiques qui perturberaient leur environnement. Mais, contrairement à notre époque où les dérèglements connaissent une forte accélération, ils ont lieu sur un très long terme et rien ne prouve que nos ancêtres s’en soient rendus e. Peut-être étaient-ils motivés par des besoins alimentaires due à une augmentation de leur population ? Mais peut-etre aussi par l’envie d’explorer, l »envie de passer la ligne d’horzoni pour aller voir plus loin ?
Les scientifiques s’entendent sur une chose : Homo erectus est le premier doté de capacités qui facilitent son expansion géographique. Grandes jambes, petits bras, cet Homo nouveau genre possède un corps plus adapté à la marche. Son comportement et un outillage plus diversifié représentent également des avantages sur les humains qui le précèdaient.
Alors que ceux-ci sont cantonnés à des écosystèmes bien déterminés — des zones un peu forestières, ni trop humides ni trop sèches —, Homo erectus, lui, fait preuve d’une faculté d’adaptation à des milieux extrêmement variés. Forêt tropicale, forêt européenne, zone ouverte, zone fermée, climat chaud ou plus froid… il peut habiter toutes les niches écologiques qu’il rencontre.
L’origine africaine des humains et leur première sortie de ce continent, il y a 2 millions d’années, fait consensus parmi les paléoanthropologues. Mais, comme toujours en science et encore plus en préhistoire, ces connaissances ne sont pas figées.
Restes humains, outils de pierre qui témoignent d’activités diverses… les experts s’appuient sur les données les plus solides pour établir leurs hypothèses. Mais, loin d’être des certitudes, celles-ci peuvent être remises en question par la découverte suivante.
Homo sapiens, espèce de l’Homme moderne, est apparu en Afrique[ et y aurait vécu depuis environ 300 000 ans, avant de quitter l’Afrique il y a entre 60 000 et 50 000 ans, se répandant sur les autres continents, ce que confirment les études génétiques. Ce faisant il a supplantant les espèces humaines antérieures, comme l’Homme de Néandertal en Europe et l’Homme de Denisova en Asie, avec des épisodes d’hybridation limitée entre espèces.
Le débat sur l’oOrigine de l’homme moderne
Avec l’essor de l’anthropologie au début du XIXe siècle, un débat virulent opposa les tenants du monogénisme comme Johann Friedrich Blumenbach et James Cowles Pritchard, pour qui les différentes races humaines sont des variétés partageant une ascendance commune, et ceux du polygénisme tels que Louis Agassiz et Josiah C. Nott, qui soutenaient que les races humaines sont des espèces distinctes ou se sont développées comme espèces distinctes par transmutation à partir de singes, sans avoir d’ancêtres communs.
Vers le milieu du XXe siècle, de nombreux anthropologues s’étaient ralliés à la théorie du monogénisme, mais les partisans du polygénisme, comme Carleton Coon, demeuraient influents. Ce dernier émit en 1962 l’hypothèse d’une évolution indépendante et séparée d’Homo erectus vers Homo sapiens sur chacun des cinq continents
Le polygénisme a ensuite cédé la place dans les années 1980 à la théorie de l’origine multirégionale de l’homme moderne, une version intermédiaire dans laquelle les cinq branches d’Homo erectus échangent des gènes tout au long de leur évolution avant de parvenir au stade final Homo sapiens.
Le développement de la génétique des populations dans les années 1980 et 1990 a permis de montrer l’origine commune et récente de toute l’humanité actuelle, avec un enracinement sur le continent africain, refaisant du monogénisme l’hypothèse e centrale et quasi-consensuelle de l’origine de l’Homme moderne.
Premiers Homo sapiens
Homo sapiens est apparu en Afrique il y a au moins 300 000 ans, d’après les fossiles les plus anciens connus à ce jour, trouvés à Djebel Irhoud, au Maroc, et publiés en 2017 par Jean-Jacques Hublin Homo sapiens aurait colonisé tout le continent avant de migrer hors d’Afrique.
Dans sa publication de 2017, Jean-Jacques Hublin défend l’idée d’une émergence d’Homo sapiens à l’échelle de l’ensemble du continent africain, selon une sorte de modèle multirégional limité à l’Afrique. Selon lui, l’arbre phylogénétique de l’humanité est un « arbre dont il manque de nombreuses branches » et la surreprésentation de certaines régions et périodes serait due avant tout à l’abondance de fossiles trouvés en Afrique orientale, région dont les conditions ont été propices à la conservation des ossements.
Le passage de l’industrie lithique acheuléenne aux industries dites de mode 3, qui s’est produit en Afrique à partir d’environ 400 000 ans BP, témoignerait peut-être de la transition entre des formes humaines archaïques et les premiers sapiens]
En 2019, une étude des paléoanthropologues français Aurélien Mounier (CNRS-MNHN) et argentine Marta Mirazón Larh (université de Cambridge), publiée dans la revue Nature, montre, parmi les plus anciens fossiles africains connus attribués à l’espèce Homo sapiens, des formes qui préfiguraient le mieux la morphologie finalement acquise par l’Homme moderne.
L’analyse de nombreux crânes d’hommes modernes, issus des différentes populations de la planète, propose une morphologie virtuelle du dernier ancêtre commun de l’humanité actuelle, et la compare, en morphométrie 3D, aux 5 crânes africains les plus complets datés d’au moins 200 000 ans : Irhoud 1 (Maroc), Florisbad (Afrique du Sud), Eliye Springs (Kenya), Omo Kibish 2 (Éthiopie), et LH 18 (Tanzanie). Le crâne de Florisbad est jugé le plus proche de notre ancêtre virtuel, devant celui d’Eliye Springs. Les trois autres crânes fossiles représenteraient des stades plus archaïques de l’espèce Homo sapiens.
Dans une synthèse publiée en 2016, le paléoanthropologue anglais Christopher Brian Stringer, du Musée d’histoire naturelle de Londres, rappelle l’existence, dans plusieurs régions d’Afrique, de fossiles humains récents qui ne sont peut-être pas attribuables à l’espèce Homo sapiens. Les fossiles d’Iwo Eleru (14 ka, Nigeria), de Lukenya Hill (22 ka, Kenya), et du lac Eyasi (7 fragments de crâne, environ 110 ka, Tanzanie), pourraient témoigner de l’existence de populations reliques en Afrique, tout comme l’Homme de Kabwe (environ 250 ka, Zambie), un peu plus ancien, holotype de l’espèce Homo rhodesiensis..
Ces deux études soulignent la grande diversité des morphologies relevées sur les différents fossiles africains datés sur une période allant du Pléistocène moyen tardif jusqu’au Pléistocène supérieur, ce qui pourrait refléter la coexistence de populations ou d’espèces morphologiquement distinctes en Afrique tout au long de cette période. Le modèle d’évolution applicable au Paléolithique moyen africain resterait alors un buissonnement évolutif, ce qui contredirait la théorie de l’origine multirégionale de l’homme moderne à l’échelle du continent, telle que proposée par Jean-Jacques Hublin,
Il est aussi possible d’envisager cette hypothèse comme une version intermédiaire, consistant à imaginer un chemin évolutif se déroulant successivement dans plusieurs régions d’Afrique, avec de possibles apports génétiques de populations plus archaïques le long de ces migrations. Dans cette vision, l’Homme moderne n’émergerait pas d’un foyer régional unique, mais par accrétion successive de caractères acquis à différents moments et dans différentes régions du continent. Ce chemin évolutif laisserait derrière lui différentes populations ou espèces humaines archaïques ayant coexisté un certain temps avec la lignée pionnière, avant de finalement s’éteindre peu avant ou durant le Pléistocène supérieur.
Premières arrivées en Europe
Un fragment de calotte crânienne fossile, noté Apidima 1, fut découvert en 1978 dans la Grotte d’Apidima, située dans le sud du Péloponnèse, en Grèce. Grâce à l’imagerie virtuelle par tomodensitométrie, l’analyse du fossile en morphométrie 3D, soulignant notamment la rondeur de l’os occipital et l’absence de fosse sus-iniaque, a permis en 2019 de l’attribuer à Homo sapiens, avec une datation de 210 000 ans (datation par l’uranium-thorium). Cette datation reculerait de quelque 160 000 ans l’âge de l’arrivée des premiers Homo sapiens en Europe[14],[15].
Homo sapiens n’a pas pu à l’époque se maintenir en Europe où il a probablement été supplanté par l’Homme de Néandertal, mieux adapté au froid des cycles glaciaires successifs, avant que l’Homme de Cro-Magnon réussisse bien plus tard son implantation, à partir de 48 000 ans aBP.
Le second plus ancien fossile d’Homo sapiens trouvé hors d’Afrique, un demi-maxillaire avec ses huit dents, a été découvert en 2002 dans la grotte de Misliya, en Israël. Il a été daté en 2018 d’environ 185 000 ans. Des fossiles d’Homo sapiens avaient été mis au jour en Israël dès les années 1930, dans la grotte d’Es Skhul, datés d’environ 118 000 ans, et dans la grotte de Qafzeh, datés d’environ 92 000 ans. Sur les deux sites, les individus exhumés ont bénéficié de sépultures
Ces premiers Homo sapiens trouvés hors d’Afrique n’auraient pas contribué au patrimoine génétique de l’humanité actuelle. Ils auraient profité d’une période interglaciaire pour s’étendre en dehors de l’Afrique, avant que le retour ultérieur d’une phase glaciaire conduise peut-être à leur retrait d’Eurasie, au profit de Néandertaliens venus du Nord. .
Certains chercheurs pensent que seuls quelques individus ont quitté l’Afrique dans le cadre d’une unique migration et qu’elles ont peuplé le reste du monde. Seul un petit groupe de près de 150 personnes aurait franchi la mer Rouge. C’est pourquoi, de tous les lignages présents en Afrique, seules les filles d’un seul lignage, L3, sont présentes hors d’Afrique. S’il y avait eu plusieurs migrations, on trouverait plus d’un lignage africain hors d’Afrique. Les filles du L3, les lignages M et N, sont peu fréquentes en Afrique subsaharienne (l’haplogroupe M1 est très ancien et diversifié en Afrique du Nord et en Afrique du Nord-Est) et semblent y être arrivées récemment. Une explication possible est que ces mutations se sont produites en Afrique de l’Est peu avant l’exode et, par effet fondateur, sont devenues les haplogroupes dominants après la sortie d’Afrique. Les mutations ont aussi pu se produire peu après la sortie d’Afrique.
D’autres chercheurs ont proposé un modèle de dispersion double selon lequel il y aurait eu deux sorties d’Afrique, dont l’une par la mer Rouge, qui se serait dirigée vers l’Inde en traversant les régions côtières (la route de la Côte), et qui serait représentée par l’Haplogroupe M. La seconde impliquerait un autre groupe, porteur de l’haplogroupe N, qui aurait suivi le Nil à partir de l’Afrique de l’Est, se dirigeant vers le nord et gagnant le Levant à travers le Sinaï. Puis, ce groupe se serait séparé dans plusieurs directions, certains allant en Europe et d’autres se dirigeant vers l’est, en Asie. Cette hypothèse tente d’expliquer pourquoi l’haplogroupe N est prédominant en Europe et pourquoi l’haplogroupe M y est absent.
Les preuves d’une migration vers l’est par la côte d’Arabie ont pu être en partie détruites par la montée du niveau de la mer pendant l’Holocène.
Une calotte crânienne fossile d’Homo sapiens, notée Manot 1, découverte en 2008 dans la grotte de Manot, en Galilée occidentale (Israël), publiée en 2015 avec une datation de 54 700 ans +/- 5 500 ans avant le présent, est le plus ancien fossile de morphologie moderne trouvé à ce jour au Levant. Sa datation semble indiquer un probable contact des hommes modernes avec les populations néandertaliennes contemporaines du Levant, représentées par les fossiles néandertaliens de la grotte de Kébara, datés d’environ 60 000 ans, et de la grotte d’Amud, datés d’environ 55 000 ans. Selon les études génétiques, cette période correspond à l’époque estimée de l’hybridation des Néandertaliens avec les hommes modernes, juste après leur sortie d’Afrique. Cette découverte tend à appuyer la théorie d’une dernière sortie d’Afrique par le Levant plutôt que par la mer Rouge.
L’hypothèse d’une sortie d’Afrique il y a 60 000 ans serait corroborée par l’analyse du crâne d’Hofmeyr appartenant à un Homo sapiens d’Afrique du Sud, daté de 36 000 ans, et étonnamment semblable aux crânes d’Européens du Paléolithique supérieur. Cette similitude suggère en effet que la population d’Afrique sub-saharienne dont l’Homme d’Hofmeyr était issu et les Européens du Paléolithique descendaient d’un ancêtre commun.
Une étude de 2021 estime qu’à partir de la sortie d’Afrique il y a entre 63 000 à 90 000 ans, le peuplement de l’Eurasie aurait duré entre 12 000 à 15 000 ans par des voies intérieures.
références
voit l’émergence des mystérieux Dénisoviens, de Néandertal et d’Homo sapiens.
C’est Homo erectus qui, le premier, franchit le pas. On retrouve des fossiles humains apparentés à ce genre et datés d’environ 2 millions d’années, en Géorgie, puis des spécimens un peu plus récents, autour de 1,8 million d’années, en Indonésie. Depuis le sud de l’Afrique jusqu’au fin fond de l’Asie, Homo erectus se disperse partout où il le peut. Comme Homo sapiens le fera plus tard, vers 150 000 ans.
Leur extension hors d’Afrique s’apparente plutôt à une expansion démographique progressive. Ainsi, plutôt que de parler de vagues migratoires dûment motivées, les paléoanthropologues évoquent une progression qui n’est pas décidée volontairementaaaaaairemennnttitrconscientisée. Les Homo erectus ne savent pas qu’ils sortent d’Afrique — un concept qui leur est par ailleurs étranger. Leurs déplacements s’effectuent sur quelques dizaines de kilomètres de distance à la fois, au fil de centaines de millénaires, et il est probable qu’ils ressemblent plus à des successions d’allers-retours plutôt qu’à un mouvement général et continu à sens unique.
Mais qu’est-ce qui pousse les humains à changer d’horizon ? Parmi les hypothèses, les scientifiques évoquent des variations climatiques qui perturberaient leur environnement. Mais, contrairement à notre époque où les dérèglements connaissent une forte accélération, ils ont lieu sur un très long terme et rien ne prouve que nos ancêtres s’en soient rendus e. Peut-être étaient-ils motivés par des besoins alimentaires due àune augmentation de leur population ? Mais peut-etre aussi par l’envie d’explorer, l »envie de passer la ligne d’hori pour aller voir plus loin ?
Les scientifiques s’entendent sur une chose : Homo erectus est le premier doté de capacités qui facilitent son expansion géographique. Grandes jambes, petits bras, cet Homo nouveau genre possède un corps plus adapté à la marche. Son comportement et un outillage plus diversifié représentent également des avantages sur les humains qui le précèdaient.
Alors que ceux-ci sont cantonnés à des écosystèmes bien déterminés — des zones un peu forestières, ni trop humides ni trop sèches —, Homo erectus, lui, fait preuve d’une faculté d’adaptation à des milieux extrêmement variés. Forêt tropicale, forêt européenne, zone ouverte, zone fermée, climat chaud ou plus froid… il peut habiter toutes les niches écologiques qu’il rencontre.
L’origine africaine des humains et leur première sortie de ce continent, il y a 2 millions d’années, fait consensus parmi les paléoanthropologues. Mais, comme toujours en science et encore plus en préhistoire, ces connaissances ne sont pas figées.
Restes humains, outils de pierre qui témoignent d’activités diverses… les experts s’appuient sur les données les plus solides pour établir leurs hypothèses. Mais, loin d’être des certitudes, celles-ci peuvent être remises en question par la découverte suivante.
Depuis quand l’humain peuple-t-il l’Amérique ?
En paléoanthropologie, l’origine africaine de l’Homme moderne est la théorie la plus communément admise pour décrire l’origine des populations humaines actuelles. Cette théorie porte aussi l’appellation anglaise Out of Africa II (deuxième sortie d’Afrique), pour la différencier de Out of Africa I, expression qui renvoie aux migrations d’espèces antérieures du genre Homo hors d’Afrique au cours du Paléolithique inférieur et au début du Paléolithique moyen. Dans les milieux scientifiques elle porte aussi les noms d’« hypothèse d’une origine unique récente » (OUR), « hypothèse du remplacement » (HR), et modèle de l’« origine africaine récente » (OAR).
Homo sapiens, espèce de l’Homme moderne, est apparu en Afrique[ et y aurait vécu depuis environ 300 000 ans, avant de quitter l’Afrique il y a entre 60 000 et 50 000 ans, se répandant sur les autres continents, ce que confirment les études génétiques. Ce faisant il a supplantant les espèces humaines antérieures, comme l’Homme de Néandertal en Europe et l’Homme de Denisova en Asie, avec des épisodes d’hybridation limitée entre espèces.
Origine de l’homme moderne : monogénisme cont
Avec l’essor de l’anthropologie au début du XIXe siècle, un débat virulent opposa les tenants du monogénisme comme Johann Friedrich Blumenbach et James Cowles Pritchard, pour qui les différentes races humaines sont des variétés partageant une ascendance commune, et ceux du polygénisme tels que Louis Agassiz et Josiah C. Nott, qui soutenaient que les races humaines sont des espèces distinctes ou se sont développées comme espèces distinctes par transmutation à partir de singes, sans avoir d’ancêtres communs.
Vers le milieu du XXe siècle, de nombreux anthropologues s’étaient ralliés à la théorie du monogénisme, mais les partisans du polygénisme, comme Carleton Coon, demeuraient influents. Ce dernier émit en 1962 l’hypothèse d’une évolution indépendante et séparée d’Homo erectus vers Homo sapiens sur chacun des cinq continents
Le polygénisme a ensuite cédé la place dans les années 1980 à la théorie de l’origine multirégionale de l’homme moderne, une version intermédiaire dans laquelle les cinq branches d’Homo erectus échangent des gènes tout au long de leur évolution avant de parvenir au stade final Homo sapiens.
Le développement de la génétique des populations dans les années 1980 et 1990 a permis de montrer l’origine commune et récente de toute l’humanité actuelle, avec un enracinement sur le continent africain, refaisant du monogénisme l’hypothèse e centrale et quasi-consensuelle de l’origine de l’Homme moderne.
Premiers Homo sapiens
Homo sapiens est apparu en Afrique il y a au moins 300 000 ans, d’après les fossiles les plus anciens connus à ce jour, trouvés à Djebel Irhoud, au Maroc, et publiés en 2017 par Jean-Jacques Hublin Homo sapiens aurait colonisé tout le continent avant de migrer hors d’Afrique.
Dans sa publication de 2017, Jean-Jacques Hublin défend l’idée d’une émergence d’Homo sapiens à l’échelle de l’ensemble du continent africain, selon une sorte de modèle multirégional limité à l’Afrique. Selon lui, l’arbre phylogénétique de l’humanité est un « arbre dont il manque de nombreuses branches » et la surreprésentation de certaines régions et périodes serait due avant tout à l’abondance de fossiles trouvés en Afrique orientale, région dont les conditions ont été propices à la conservation des ossements.
Le passage de l’industrie lithique acheuléenne aux industries dites de mode 3, qui s’est produit en Afrique à partir d’environ 400 000 ans BP, témoignerait peut-être de la transition entre des formes humaines archaïques et les premiers sapiens]
En 2019, une étude des paléoanthropologues français Aurélien Mounier (CNRS-MNHN) et argentine Marta Mirazón Larh (université de Cambridge), publiée dans la revue Nature, montre, parmi les plus anciens fossiles africains connus attribués à l’espèce Homo sapiens, des formes qui préfiguraient le mieux la morphologie finalement acquise par l’Homme moderne.
L’analyse de nombreux crânes d’hommes modernes, issus des différentes populations de la planète, propose une morphologie virtuelle du dernier ancêtre commun de l’humanité actuelle, et la compare, en morphométrie 3D, aux 5 crânes africains les plus complets datés d’au moins 200 000 ans : Irhoud 1 (Maroc), Florisbad (Afrique du Sud), Eliye Springs (Kenya), Omo Kibish 2 (Éthiopie), et LH 18 (Tanzanie). Le crâne de Florisbad est jugé le plus proche de notre ancêtre virtuel, devant celui d’Eliye Springs. Les trois autres crânes fossiles représenteraient des stades plus archaïques de l’espèce Homo sapiens.
Dans une synthèse publiée en 2016, le paléoanthropologue anglais Christopher Brian Stringer, du Musée d’histoire naturelle de Londres, rappelle l’existence, dans plusieurs régions d’Afrique, de fossiles humains récents qui ne sont peut-être pas attribuables à l’espèce Homo sapiens. Les fossiles d’Iwo Eleru (14 ka, Nigeria), de Lukenya Hill (22 ka, Kenya), et du lac Eyasi (7 fragments de crâne, environ 110 ka, Tanzanie), pourraient témoigner de l’existence de populations reliques en Afrique, tout comme l’Homme de Kabwe (environ 250 ka, Zambie), un peu plus ancien, holotype de l’espèce Homo rhodesiensis..
Ces deux études soulignent la grande diversité des morphologies relevées sur les différents fossiles africains datés sur une période allant du Pléistocène moyen tardif jusqu’au Pléistocène supérieur, ce qui pourrait refléter la coexistence de populations ou d’espèces morphologiquement distinctes en Afrique tout au long de cette période. Le modèle d’évolution applicable au Paléolithique moyen africain resterait alors un buissonnement évolutif, ce qui contredirait la théorie de l’origine multirégionale de l’homme moderne à l’échelle du continent, telle que proposée par Jean-Jacques Hublin,
Il est aussi possible d’envisager cette hypothèse comme une version intermédiaire, consistant à imaginer un chemin évolutif se déroulant successivement dans plusieurs régions d’Afrique, avec de possibles apports génétiques de populations plus archaïques le long de ces migrations. Dans cette vision, l’Homme moderne n’émergerait pas d’un foyer régional unique, mais par accrétion successive de caractères acquis à différents moments et dans différentes régions du continent. Ce chemin évolutif laisserait derrière lui différentes populations ou espèces humaines archaïques ayant coexisté un certain temps avec la lignée pionnière, avant de finalement s’éteindre peu avant ou durant le Pléistocène supérieur.
Premières arrivées en Europe
Un fragment de calotte crânienne fossile, noté Apidima 1, fut découvert en 1978 dans la Grotte d’Apidima, située dans le sud du Péloponnèse, en Grèce. Grâce à l’imagerie virtuelle par tomodensitométrie, l’analyse du fossile en morphométrie 3D, soulignant notamment la rondeur de l’os occipital et l’absence de fosse sus-iniaque, a permis en 2019 de l’attribuer à Homo sapiens, avec une datation de 210 000 ans (datation par l’uranium-thorium). Cette datation reculerait de quelque 160 000 ans l’âge de l’arrivée des premiers Homo sapiens en Europe[14],[15].
Homo sapiens n’a pas pu à l’époque se maintenir en Europe où il a probablement été supplanté par l’Homme de Néandertal, mieux adapté au froid des cycles glaciaires successifs, avant que l’Homme de Cro-Magnon réussisse bien plus tard son implantation, à partir de 48 000 ans aBP.
Le second plus ancien fossile d’Homo sapiens trouvé hors d’Afrique, un demi-maxillaire avec ses huit dents, a été découvert en 2002 dans la grotte de Misliya, en Israël. Il a été daté en 2018 d’environ 185 000 ans. Des fossiles d’Homo sapiens avaient été mis au jour en Israël dès les années 1930, dans la grotte d’Es Skhul, datés d’environ 118 000 ans, et dans la grotte de Qafzeh, datés d’environ 92 000 ans. Sur les deux sites, les individus exhumés ont bénéficié de sépultures[17].
Ces premiers Homo sapiens trouvés hors d’Afrique n’auraient pas contribué au patrimoine génétique de l’humanité actuelle[18]. Ils auraient profité d’une période interglaciaire pour s’étendre en dehors de l’Afrique, avant que le retour ultérieur d’une phase glaciaire conduise peut-être à leur retrait d’Eurasie, au profit de Néandertaliens venus du Nord. .
Certains chercheurs pensent que seules quelques individs ont quitté l’Afrique dans le cadre d’une unique migration et qu’elles ont peuplé le reste du monde. Seul un petit groupe de près de 150 personnes aurait franchi la mer Rouge. C’est pourquoi, de tous les lignages présents en Afrique, seules les filles d’un seul lignage, L3, sont présentes hors d’Afrique. S’il y avait eu plusieurs migrations, on trouverait plus d’un lignage africain hors d’Afrique. Les filles du L3, les lignages M et N, sont peu fréquentes en Afrique subsaharienne (l’haplogroupe M1 est très ancien et diversifié en Afrique du Nord et en Afrique du Nord-Est) et semblent y être arrivées récemment. Une explication possible est que ces mutations se sont produites en Afrique de l’Est peu avant l’exode et, par effet fondateur, sont devenues les haplogroupes dominants après la sortie d’Afrique. Les mutations ont aussi pu se produire peu après la sortie d’Afrique.
D’autres chercheurs ont proposé un modèle de dispersion double selon lequel il y aurait eu deux sorties d’Afrique, dont l’une par la mer Rouge, qui se serait dirigée vers l’Inde en traversant les régions côtières (la route de la Côte), et qui serait représentée par l’Haplogroupe M. La seconde impliquerait un autre groupe, porteur de l’haplogroupe N, qui aurait suivi le Nil à partir de l’Afrique de l’Est, se dirigeant vers le nord et gagnant le Levant à travers le Sinaï. Puis, ce groupe se serait séparé dans plusieurs directions, certains allant en Europe et d’autres se dirigeant vers l’est, en Asie. Cette hypothèse tente d’expliquer pourquoi l’haplogroupe N est prédominant en Europe et pourquoi l’haplogroupe M y est absent.
Les preuves d’une migration vers l’est par la côte d’Arabie ont pu être en partie détruites par la montée du niveau de la mer pendant l’Holocène.
Une calotte crânienne fossile d’Homo sapiens, notée Manot 1, découverte en 2008 dans la grotte de Manot, en Galilée occidentale (Israël), publiée en 2015 avec une datation de 54 700 ans +/- 5 500 ans avant le présent, est le plus ancien fossile de morphologie moderne trouvé à ce jour au Levant. Sa datation semble indiquer un probable contact des hommes modernes avec les populations néandertaliennes contemporaines du Levant, représentées par les fossiles néandertaliens de la grotte de Kébara, datés d’environ 60 000 ans, et de la grotte d’Amud, datés d’environ 55 000 ans. Selon les études génétiques, cette période correspond à l’époque estimée de l’hybridation des Néandertaliens avec les hommes modernes, juste après leur sortie d’Afrique. Cette découverte tend à appuyer la théorie d’une dernière sortie d’Afrique par le Levant plutôt que par la mer Rouge.
L’hypothèse d’une sortie d’Afrique il y a 60 000 ans serait corroborée par l’analyse du crâne d’Hofmeyr appartenant à un Homo sapiens d’Afrique du Sud, daté de 36 000 ans, et étonnamment semblable aux crânes d’Européens du Paléolithique supérieur. Cette similitude suggère en effet que la population d’Afrique sub-saharienne dont l’Homme d’Hofmeyr était issu et les Européens du Paléolithique descendaient d’un ancêtre commun.
Une étude de 2021 estime, qu’à partir de la sortie d’Afrique il y a entre 63 000 à 90 000 ans, le peuplement de l’Eurasie aurait duré entre 12 000 à 15 000 ans par des voies intérieures.
références
- Joël Ignasse, « L’Homme moderne a bien une origine Africaine unique [archive] »
, 16 août 2007 (consulté le 16 aout 2022) - (en) Jérôme Goudet, François Balloux, Lori J Lawson Handley et Andrea Manica, « Going the distance: human population genetics in a clinal world. », revue scientifique, 2007, p. 1 (lire en ligne [archive]
) - Jackson Jr., John P. (2001). « InWays Unacademical »: The Reception of Carleton S. Coon’s The Origin of Races [archive]
- (en) Jean-Jacques Hublin, Abdelouahed Ben-Ncer et al., « New fossils from Jebel Irhoud, Morocco and the pan-African origin of Homo sapiens », Nature, vol. 546, juin 2017, p. 289-292 (DOI 10.1038/nature22336)
- (en) Daniel Richter et al., « The age of the hominin fossils from Jebel Irhoud, Morocco, and the origins of the Middle Stone Age », Nature, vol. 546, juin 2017, p. 293-296 (DOI 10.1038/nature22335)
- Jean Jacques Hublin et Nicolas Martin, « Faut-il réécrire les débuts de l’histoire de l’Homme ? », France Culture, 21 juin 2017 (lire en ligne [archive], consulté le 5 janvier 2018)
- (en) Rainer Grün, James S. Brink et al., « Direct dating of Florisbad hominid », Nature, vol. 382, no 6591, 8 aout 1996, p. 500–501 (DOI 10.1038/382500a0, lire en ligne [archive])
- (en) Aurélien Mounier et Marta Mirazón Lahr, « Deciphering African late middle Pleistocene hominin diversity and the origin of our species », Nature, 10 septembre 2019 (lire en ligne [archive])
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