Depuis des millions d’années, les grands herbivores façonnent nos paysages. Ils favorisent la biodiversité et maintiennent des processus écologiques vitaux. Est-ce à dire qu’ils ne risquent rien aujourd’hui dans le contexte de crise de la biodiversité qui affecte la Terre.
La réponse à cette question est éminemment importante. Car perdre les grands herbivores reviendrait à perdre des « ingénieurs écosystémiques » essentiels. Ce serait dramatique. Depuis des millions d’années, les grands herbivores façonnent nos paysages. Ils favorisent la biodiversité et maintiennent des processus écologiques vitaux. Est-ce à dire qu’ils ne risquent rien aujourd’hui dans le contexte de crise de la biodiversité qui affecte la Terre.
C’est pourquoi les chercheurs se sont mobilisés pour analyser les fossiles de plus de 3 000 grands herbivores sur 60 millions d’années. Dans la revue Nature, ils rapportent comment à deux reprises sur cette période, « la pression environnementale a été si forte que l’ensemble du système a subi une réorganisation mondiale ».
La première fois, c’était il y a environ 21 millions d’années, lorsque le mouvement des plaques tectoniques a formé un pont entre l’Afrique et d’Eurasie. Les éléphants qui avaient vu le jour en Afrique se sont aventurés sur les terres d’Asie. Des cerfs, des rhinocéros et d’autres grands herbivores ont investi de nouveaux territoires. Le tout en modifiant l’équilibre écologique établi, plus précisément en démultipliant la variété des rôles écologiques.
Puis, il y a quelque 10 millions d’années, le climat de la Terre s’est refroidi. Il s’est aussi asséché. Beaucoup d’herbivores forestiers ont alors disparu. Çeci a été le début d’un long déclin de la variété de leurs rôles écologiques.
Mais sur les 4,5 derniers millions d’années, les chercheurs assurent que la structure écologique globale des communautés de grands herbivores est restée étonnamment stable. À l’image d’une équipe de foot qui peut continuer à gagner même après avoir changé un, deux, trois, quatre ou même cinq de ses onze joueurs. Toutefois, quelque chose a fondamentalement changé récemment – à l’échelle de l’histoire de la vie sur Terre. Une nouvelle variable est apparue dans l’équation : l’humanité. Et avec elle, la destruction des habitats, le réchauffement climatique et la surexploitation.
« Nos résultats montrent que les écosystèmes ont une capacité d’adaptation exceptionnelle. Mais le rythme du changement est bien plus rapide cette fois-ci. Il y a une limite. Si nous continuons à perdre des espèces et des rôles écologiques, nous pourrions bientôt atteindre un troisième point de basculement mondial », assure Juan L. Cantalapiedra, chercheur au Musée national des sciences naturelles d’Espagne et auteur principal de l’étude, dans un communiqué de l’université de Göteborg.
Référence
- Published: 05 June 2025
Two major ecological shifts shaped 60 million years of ungulate faunal evolution
- Fernando Blanco, others
- Nature Communications volume 16, Article number: 4648 (2025)
Abstract
The fossil record provides direct evidence for the behavior of biological systems over millions of years, offering a vital source for studying how ecosystems evolved and responded to major environmental changes. Using network analysis on a dataset of over 3000 fossil species spanning the past 60 Myr, we find that ungulate continental assemblages exhibit prolonged ecological stability interrupted by irreversible reorganizations associated with abiotic events. During the early Cenozoic, continental assemblages are dominated by mid-sized browsers with low-crowned teeth, which show increasing functional diversity. Around 21 Ma, the formation of a land bridge between Eurasia and Africa triggers the first major global transition towards a new functional system featuring a prevalence of large browsers with mid- to high-crowned molars. Functional diversity continues to increase, peaking around 10 Ma. Shortly after, aridification and the spread of C4-dominated vegetation lead to a second tipping point towards a fauna characterized by grazers and browsers with high and low crowned teeth. A global decline in ungulate functional diversity begins 10 Ma ago and accelerates around 2.5 Ma, yet the functional structure of these faunas remains stable in the latest Cenozoic. Large mammal evolutionary history reflects two key transitions, aligning with major tectonic and climatic events.
