Il ne fait de doute pour personne que si la France renonçait de plus en plus à investir dans le spatial, elle aura très vite perdu l’importance qu’elle avait pu acquérir ces vingt dernières années, avec notamment l’ouverture du centre spatial de Kourou et la mise en service du lanceur Ariane. Elle se remettra dans la situation actuelle de l’Allemagne qui pour le moindre projet doit recourir à l’aide parcimonieuse et sous conditions de l’Agence Spatiale européenne.
Par ailleurs les investissement dans le spatial que fait la France lui ont permis souvent de financer des projets à finalités tant européennes que nationales et tant civiles que militaires. L’importance de la France dans le monde s’en est accrue d’autant.
Les principaux programmes en cours dans le cadre européen ont concerné les évolutions du lanceur européen Ariane 5, la préparation du Centre spatial guyanais à l’arrivée des lanceurs Vega et Soyouz fin 2009, la participation à la Station spatiale internationale (cargo ATV, etc.) et au programme Artemis, les télescopes spatiaux (en 2009, Herschel et Planck), plusieurs satellites d’observation de la Terre et la mise en place du système de navigation Galileo.
Par ailleurs, en l’absence de défense européenne, plusieurs satellites à usage militaire (observation, alerte, télécommunications, etc.) sont développés dans un cadre purement national ou en coopération avec un ou deux autres pays. D’autres programmes sont menés en collaboration notamment avec les États-Unis, l’Inde et la Chine.
Cependant, sur le plan principalement militaire , les satellites français sont menacés. C’est le constat de la Stratégie spatiale de défense publiée en 2019, en réponse à une tentative d’espionnage russe. Pour remédier à cette situation, le programme d’armement Ares, dirigé par la DGA avec l’appui de l’État-major des armées et du Centre national d’études spatiales, a été lancé. https://www.defense.gouv.fr/comment-france-se-prepare-conflit-spatial/ares-dga-prepare-notre-maitrise-lespace
Pensé comme le cœur de notre capacité à maîtriser l’espace, Ares se fonde sur une triple ambition : cataloguer l’ensemble des 50 000 à 60 000 objets spatiaux déployés en permanence, être en mesure d’identifier d’éventuelles actions malveillantes à l’aide de l’intelligence artificielle, être capable de contrer une attaque dans l’espace.
Pour répondre à cette triple ambition, Ares se divise en trois volets. Tout d’abord, la surveillance de l’espace. L’objectif est de disposer d’un catalogue précis des objets spatiaux, français comme étrangers, en agrégeant les observations des capteurs à la fois militaires et civils Aujourd’hui, cette surveillance repose principalement sur les données du radar militaire GRAVES (« GRAVES » : Grand Réseau Adapté à la VEille Spatiale complétées par des services de sociétés du New Space. https://cnes.fr/dossiers/newspace-nouveaux-acteurs-spatial
Le rôle du Cnes est important
Le Cnes prépare les futures capacités spatiales militaires, en lien avec la Direction générale de l’armement. À cette fin, il conduit des travaux de recherche et développement sur des technologies présentant un intérêt pour la défense et il valide certaines d’entre elles au travers de démonstrateurs. Il est aussi impliqué dans la conduite des grands programmes spatiaux militaires où il intervient de différentes manières, de l’apport ponctuel d’expertise à la délégation de maîtrise d’ouvrage.
Tous les satellites militaires en orbite basse sont contrôlés, en lien étroit avec le Commandement de l’espace (CDE), par les équipes du Cnes. Celles-ci téléchargent les plans de mission, maintiennent les satellites à poste, réalisent le cas échéant des manœuvres anticollisions et corrigent les dérives des capteurs.
Comme les armées ont désormais pour mission de défendre les intérêts de la France dans l’espace, y compris de manière active, le Cnes apporte son soutien à leur prise de compétence opérationnelle. Il forme ainsi des opérateurs du Commandement de l’Espace, qui sont désormais intégrés à sess équipes. Et dès 2025, le CDE disposera sur le site du Cnes, à Toulouse, de son propre centre d’opérations spatiales. Les missions opérationnelles de routine qu’effectue le Cnes basculeront alors vers les armées
Les Opérations Spatiales Militaires (OSM)
Elles regroupent l’ensemble des activités réalisées par le ministère des armées ou à son profit dans, depuis et vers l’espace pour garantir la disponibilité, le suivi, la sûreté et la sécurité des capacités et services spatiaux nationaux ou d’intérêt national et conserver ainsi une liberté d’appréciation, d’accès et d’action dans ce milieu.
Elles consistent à opérer des capacités spatiales fournissant des services en appui des autorités gouvernementales et des opérations militaires, concourant ainsi à l’efficacité de la manœuvre. Elles contribuent à la sécurité du territoire national, à la robustesse de l’ économie et à la protection des populations. Elles recouvrent aussi les actions menées dans l’espace pour protéger les moyens et décourager toute agression.
Les OSM se déclinent et s’organisent autour de quatre fonctions.
-L’appui spatial aux opérations.
Cette fonction se caractérise par la mise en œuvre et l’exploitation des charges utiles embarquées sur des plateformes spatiales au profit de la décision politique ou des opérations. Communiquer, voir, entendre, cibler, renseigner, naviguer, frapper un objectif : les militaires déployés à travers le monde emploient l’espace pour conduire leurs missions sur terre, en mer ou dans les airs. L’espace est en appui de toutes les opérations militaires depuis le niveau stratégique jusqu’au niveau tactique en fournissant de l’aide à la décision par l’imagerie ou le renseignement d’origine électromagnétique, des communications sécurisées haut débit et des services de navigation et de positionnement précis et sécurisés. Dans tous les systèmes de combat en développement, les plateformes seront connectées entre elles et l’espace y jouera un rôle essentiel.
-La connaissance de la situation spatiale
La protection des satellites et la défense des intérêts spatiaux nationaux demande un préalable fondamental : une connaissance de la situation spatiale permettant d’anticiper. Il s’agit de la SDA (Space Domain Awareness), devenue primordiale pour l’exploitation commerciale du milieu spatial, la prévention des risques de collision dans l’espace, la coordination avec les autres acteurs de l’espace et la conduite des opérations militaires. Elle repose sur un mélange de capacités patrimoniales et de services fournis par des opérateurs de confiance.
-L’action dans l’espace
Cette fonction comprend l’ensemble des mesures passives et actives ayant pour but de conserver, en toutes circonstances, la liberté d’accès et d’évolution dans l’espace et à décourager et mettre en échec les adversaires qui agiraient en dessous du seuil de conflictualité. Cette action repose aujourd’hui sur la prévention, grâce à une approche globale (diplomatique, juridique, économique…) ainsi que sur la résilience de tous les moyens spatiaux. Elle reposera à l’avenir sur des capacités de défense active des moyens français et européens, y compris de légitime défense, dans le respect du droit international et d’un usage pacifique de l’espace.
-Préparation de la Loi de programmation militaire (LPM).
Celle-ci doit permettre de doter les armées des premières capacités de conduite d’actions dans l’espace. L’objectif du Commandement de l’Espace (CDE) est ainsi de préparer l’arrivée en 2025 du premier démonstrateur d’action dans l’espace baptisé YODA (Yeux en Orbite pour un Démonstrateur Agile). Ce démonstrateur est destiné à expérimenter sa capacité à mener des opérations de proximité en orbite géostationnaire. Il préfigurera une première capacité opérationnelle et sera source d’enseignement majeur pour une pleine capacité à l’horizon 2030.
Le futur système de maîtrise du milieu spatial
Comprendre, surveiller, contrôler, décider et agir, sont des prérequis indispensables pour la maitrise du milieu spatial, ce qui impose de disposer d’un système de commandement et de contrôle des opérations.
Le Centre de Commandement et de Conduite des Opérations Spatiales (C4OS – Command, Control, Communication and Computing) sera au cœur de la capacité spatiale militaire future. Il permettra d’anticiper les modes opératoires adverses, en prenant en compte les spécificités et les dynamiques particulières du milieu spatial et le nombre croissant d’objets en orbite. L’enjeu sera d’être capable de recueillir des masses considérables de données hétérogènes, de les stocker, les traiter, les fusionner, rejouer des situations et simuler des scénarios pour apporter des informations utiles et des réponses adaptées. La stratégie de développement de ce système, pour lequel l’intelligence artificielle (IA) jouera un rôle essentiel, est définie en lien avec la Direction Générale de l’Armement (DGA) afin de disposer en 2025 d’un outil intégrateur de données d’origines diverses et de caractéristiques différentes.
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Note
Voir un astronaute français poser un pied sur la Lune d’ici à 2030 : un espoir qui pourrait bien se concrétiser. Entretien avec Jean Blouvac, responsable programme Exploration et vol habité du CNES.
Pourquoi un tel regain d’intérêt pour la Lune ?
Effectivement, l’exploration spatiale est en ébullition, avec de multiples missions indiennes, chinoises, américaines ou encore japonaises, émiraties, coréennes à destination de la Lune.
À environ 380 000 kilomètres de la Terre, la Lune est une étape intermédiaire entre l’orbite basse de la station spatiale, à 400 kilomètres, et le grand saut vers Mars, à plus de 225 millions de kilomètres en moyenne.
L’intérêt pour la Lune, outre une meilleure connaissance scientifique de notre satellite, c’est aussi d’en faire une base d’essais au service de l’exploration spatiale, pour tester par exemple nos capacités à séjourner loin de la Terre et accroitre notre autonomie, ou pour comprendre comment utiliser certaines ressources pour lancer des expéditions plus lointaines. Européens, Chinois, Américains, ont de tels projets de bases lunaires.
Comment la France y contribue-t-elle ?
Nous avons une grande tradition de coopération spatiale. La France inscrit en premier lieu son action par l’Agence spatiale européenne (ESA), mais aussi par des coopérations bilatérales, notamment avec la NASA avec laquelle nous entretenons une relation privilégiée.
Le Centre national d’études spatailes (CNES) et l’Institut de physique du globe vont ainsi envoyer un sismomètre, appareil permettant de détecter les mouvements du sol, sur la face cachée de la Lune en 2025/2026 avec le programme CLPS (Commercial Lunar Payload Services) de la NASA.
Une autre coopération du CNES concerne par exemple la réalisation d’un instrument de mesure du radon [le radon est un gaz radioactif naturel, présent partout dans les sols] par l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP) de Toulouse pour l’atterrisseur de la mission chinoise Chang’e6 qui se posera sur la Lune en mai 2024.
Au niveau européen, nous sommes associés à la réalisation des modules de service du vaisseau Orion transportant les équipages des missions Artemis (de la NASA), qui iront en orbite autour de la Lune fin 2024, puis aluniront en 2025, si le programme ne prend pas de retard.
Nous contribuons également à la réalisation de deux des modules du « Gateway », la station spatiale lunaire, plus précisément le module pressurisé destiné à l’habitation par les astronautes et le module logistique et télécommunications.
Qui seront les astronautes envoyés sur la Lune ?
L’équipage de la mission Artemis 2 qui orbitera autour de la Lune est connu. Il comprend, aux cotés des astronautes américains, un astronaute canadien. L’équipage d’Artemis 3 n’est pas encore fixé, mais parmi les quatre astronautes,les deux qui poseront le pied sur le sol lunaire seront aussi américains dont une femme.
Ce qui est certain, c’est qu’il y aura au moins trois astronautes européens dans le futur « Gateway » dont la construction commencera en 2025. Ils seront recrutés parmi les astronautes européens qui ont déjà volé dans la station spatiale internationale, comme Thomas Pesquet, ou qui s’apprêtent à le faire, comme Sophie Adenot.
Il n’est pas interdit d’imaginer un Français ou une Française sur la Lune d’ici 2030.
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