19/03/2025 Détecton d’un neutrino de très haute énergie


Un neutrino de très haute énergie a été détecté en Méditerranée par le télescope de la collaboration internationale KM3NeT. Cette découverte qui a fait la couverture de Nature (cf lien ci-dessous) marque une avancée significative dans la compréhension des phénomènes énergétiques extrêmes de l’Univers et bouscule les modèles astrophysiques actuels.

Ces travaux sont issus de la collaboration scientifique KM3NeT qui réunit 350 scientifiques issus de 68 laboratoires à travers le monde dont une forte contribution française :

  • Centre de physique des particules de Marseille (Aix-Marseille Université/CNRS),
  • Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (CNRS/Université de Strasbourg),
  • Laboratoire de physique subatomique et des technologies associées (CNRS/IMT Atlantique – Institut Mines-Télécom /Nantes Université),
  • Laboratoire astroparticule et cosmologie (CNRS/Université Paris Cité)
  • Laboratoire univers et particules de Montpellier (CNRS/Université de Montpellier)
  • Laboratoire de physique corpusculaire – Caen (CNRS/ENSICAEN/Université de Caen Normandie)
  • Centre de calcul de l’IN2P3 (CNRS) 

Les neutrinos sont des particules élémentaires qui trouvent leur place à côté des électrons, protons et neutrons formant la matière ordinaire. Ils sont essentiels pour comprendre les comportements réciproques des particules mais ils n’interagissent pratiquement pas avec le reste de la matière. On parle de particules fantômes. Elles nous assaillent et nous traversent de toutes parts sans que nous en ressentions la moindre sensation; en conséquence, ils sont très difficiles à détecter.

Malgré tout, leur connaissance a fortement progressé depuis l’ hypothèse de leur existence par le physicien Wolfgang Pauli .On est en mesure aujourd’hui de précisér leurs attributs. On comprend pourquoi ces particules semblent vivre dans un monde parallèle, Le problème de leur masse a été résolu, leur octroyant un rôle primordial au niveau de l’Univers profond .

Particules pratiquement invisibles, ils permettent de saisir une information venant de phénomènes cachés Ils révèlent les détails des processus intervenant au cœur du Soleil, ils écoutent la combustion à l’intérieur des réacteurs nucléaires.

Malgré tout, leur connaissance a fortement progressé depuis l’hypothèse de leur existence par le physicien Wolfgang Pauli . On mesure aujourd’hui précisément leurs attributs. On comprend pourquoi ces particules semblent vivre dans un monde parallèle. Le problème de leur masse a été résolu, leur octroyant un rôle primordial au niveau de l’Univers global. Mais cela a un prix et la détection de ces particules relève du tour de force.

Jusqu’en 1930, il semblait que les trois objets élémentaires connus à l’époque, proton, neutron et électron, suffisaient pour expliquer tous les formes de la matière puisqu’ils permettaient de construire l’ensemble des éléments naturels, depuis l’hydrogène jusqu’aux atomes lourds.

Mais comme souvent en recherche, une apparente anomalie exigea alors de réviser ce point de vue : de l’énergie semblait disparaître dans les désintégrations de certains éléments naturels qui émettent spontanément un électron. Or l’énergie se conserve toujours. Potentielle ; cinétique ou calorique, l’énergie se transforme sans se perdre.

Pourtant, dans la désintégration appelée « Bêta », l’énergie emportée par l’électron détecté s’avérait variable. Le dilemme dura plusieurs années jusqu’à ce que Wolfgang Pauli, dans une lettre de décembre 1930 restée fameuse, suggérât l’existence d’une nouvelle particule, émise en même temps que l’électron et qui s’échappe sans laisser de trace.

Ce n’était qu’une solution « désespérée » selon son inventeur. Mais l’idée, a priori téméraire, expliquait si bien les résultats expérimentaux qu’elle fut rapidement acceptée. Dès 1933, Enrico Fermi écrivit la théorie sous-jacente ; il développa la phénoménologie d’un nouveau type de force, l’interaction dite faible, longtemps appelée interaction de Fermi. C’est lui qui baptisa l’objet encore hypothétique « neutrino », petit neutre en italien, symbolisé par la lettre grecque nu. Ainsi la force faible prenait toute sa place à côté des forces forte et électromagnétique, sans oublier la gravitation à grande échelle.

Ne subissant que la force faible, le neutrino est une particule très spéciale. Mais cette originalité a un corollaire gênant : elle explique sa faible probabilité d’interaction et donc la difficulté de sa mise en évidence. Heureusement pour les chercheurs, le neutrino n’est pas une particule absolument indétectable, sinon son existence serait demeurée une pure spéculation. Mais subissant la seule interaction faible, cela implique que la très improbable détection doit bénéficier de sources très abondantes ainsi que de détecteurs très massifs.D’où le fait qu’il fallut attendre 1956 pour compter expérimentalement une poignée de neutrinos au voisinage d’un réacteur nucléaire.

La détection des neutrinos pose un problème en conséquence de la rareté des événements engendrés. Heureusement les émetteurs sont en général très généreux. Un réacteur nucléaire EdF produit quelque 1 021 neutrinos chaque seconde ; une supernova en émet 1 058 en une dizaine de secondes, le Soleil déverse chaque seconde 60 milliards de neutrinos sur chaque cm2 de surface de la Terre, et ceci de jour comme de nuit puisque, pendant la nuit, ils nous arrivent par le bas, la Terre entière étant transparente aux neutrinos.

Dans les accélérateurs modernes, une machine fournt des salves de quelque 110 neutrinos traversant un détecteur toutes les quelques secondes. Pourtant, pour en arrêter quelques-uns, les dispositifs doivent être à la fois très élaborés et de grandes dimensions. C’est le cas de SuperKamiokande qui représente l’archétype des détecteurs de neutrinos.

Il s’agit d’un immense réservoir souterrain (pour être à l’abri du rayonnement cosmique) contenant 50 kilotonnes d’eau purifiée, soit sept fois le poids de la Tour Eiffel. De forme cylindrique, il mesure 40 mètres de haut et 40 mètres de diamètre, un immeuble de quinze étages pourrait s’y loger.

Des « yeux » tapissent les parois intérieures du cylindre. Ces yeux sont des capteurs de lumière très sensibles. l’appareillage en compte 11 000. En effet, quand un neutrino interagit dans l’eau de la cuve, les particules chargées laissent une évanescente trace lumineuse de couleur bleutée qu’il s’agit de détecter au plus vite.

Comment des particules si légères et aux interactions si rares peuvent-elles influencer l’évolution de l’Univers ?

La réponse est dans leur nombre. Il existe plusieurs milliards de fois plus de neutrinos que d’électrons ou de protons, à tel point que leur masse totale égale celle de toutes les étoiles emplissant le firmament.

Parmi les nombreux producteurs de neutrinos, Soleil, réacteurs, accélérateurs, atmosphère, l’émetteur le plus puissant est resté le Big Bang. Les neutrinos sont l’un des ingrédients pour comprendre la cohérence existant entre les particules, ils sont donc obligatoires pour suivre les phases successives qui se sont déroulées à la naissance de l’Univers. Sans neutrinos, le Big Bang n’aurait pas pu se produire. On évalue la densité des neutrinos rescapés de l’explosion originelle à 300 dans chaque cm3 de l’espace. Ces neutrinos dits cosmologiques ont la même source que les photons du fond cosmologique qui montent à 400 dans chaque cm3. Or le fond cosmologique est aujourd’hui bien connu.

Ceperndant leur détection est un défi qui le restera pour les physiciens pendant encore des décennies. Leur détection permettrait d’obtenir une image unique du monde à l’âge d’une seconde, alors que le fond de photons ne renseigne que sur un Univers déjà âgé de 370 000 ans, quand photons et matière se sont découplés.

On sait aujourd’hui que les neutrinos ont une masse, et ce résultat clôt une longue interrogation qui a débuté dès l’hypothèse du premier neutrino. Les masses trouvées semblent dérisoires comparées à celles affectant les autres particules de matière. Pourtant, elles suffisent pour arriver au très surprenant résultat que les neutrinos contribuent autant que les dix mille milliards de milliards d’étoiles à l’équilibre de l’Univers entier.

Questions en suspens

* Qu’est devenu l’antimatière ? En effet notre Univers a débuté par une soupe très chaude où matière et antimatière étaient présentes à égalité. Or l’antimatière a complètement disparu, sauf pour les neutrinos et antineutrinos présents à égalité.

* Une autre question se pose sur la nature intime des neutrinos : sont-ils leur propre antiparticule comme suggéré par le modèle inventé par Majorana dès les années 1935 et resté toujours sans solution ? Là aussi des recherches sont en cours.

* Les neutrinos subissent-ils les interactions électromagnétiques ? Bien que sans charge électrique, cela est permis par la théorie.


* Existent-ils d’autres formes de neutrinos ? On sait que les trois types bien étudiés sont au complet, mais on parle de neutrinos stériles qui seraient encore plus évanescents que les neutrinos connus. De tels objets sont proposés par certains théoriciens pour expliquer la masse sombre à l’œuvre dans l’Univers.

* Un autre axe très actif de recherche consiste à développer une nouvelle astronomie en sondant le ciel pour y découvrir des émetteurs neutriniques de très haute énergie. Les premiers signaux venant de sources extragalactiques ont été révélés grâce à un télescope 10 000 fois plus gros que SuperKamiokande construit dans la glace du Pôle Sud, et ce n’est qu’un début.

Il y a encore beaucoup de travail pour les physiciens des neutrinos, ils auront bien des motifs pour se rencontrer à nouveau, sans même aborder le thème de la détection des neutrinos cosmologiques qui reste le Saint Graal des chercheurs. Leur détection révélerait le Big Bang peu après son apparition. Mais il faudra encore attendre bien des réunions biennales avant d’annoncer la moindre hypothèse quant à la résolution de cet emblématique problème.

Merci pour ce qui précède à The Conversation https://theconversation.com/a-la-recherche-des-neutrinos-ces-particules-fantomes-97301

Référence

nature

Article

  • Published: 12 February 2025
Observation of an ultra-high-energy cosmic neutrino with KM3NeT

Nature volume 638, pages 376–382 (2025)

Abstract

The detection of cosmic neutrinos with energies above a teraelectronvolt (TeV) offers a unique exploration into astrophysical phenomena1,2,3. Electrically neutral and interacting only by means of the weak interaction, neutrinos are not deflected by magnetic fields and are rarely absorbed by interstellar matter: their direction indicates that their cosmic origin might be from the farthest reaches of the Universe. High-energy neutrinos can be produced when ultra-relativistic cosmic-ray protons or nuclei interact with other matter or photons, and their observation could be a signature of these processes. Here we report an exceptionally high-energy event observed by KM3NeT, the deep-sea neutrino telescope in the Mediterranean Sea4, which we associate with a cosmic neutrino detection. We detect a muon with an estimated energy of peta electronvolts (PeV). In light of its enormous energy and near-horizontal direction, the muon most probably originated from the interaction of a neutrino of even higher energy in the vicinity of the detector. The cosmic neutrino energy spectrum measured up to now falls steeply with energy. However, the energy of this event is much larger than that of any neutrino detected so far. This suggests that the neutrino may have originated in a different cosmic accelerator than the lower-energy neutrinos, or this may be the first detection of a cosmogenic neutrino, resulting from the interactions of ultra-high-energy cosmic rays with background photons in the Universe.

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