17/02/2025 L’altermagnétisme

Les conclusions d’une étude conduite par des chercheurs de l’ETH Zurich, publiée à l’automne dernier dans Nature, nous informent de l’existence d’un nouveau type de magnétisme.

Il existe un point commun entre chacun des aimants avec lesquels nous avons interagi au cours de notre vie. Ce point commun, c’est qu’ils sont magnétiques pour la même raison. Ce que l’on ignore parfois, c’est qu’il existe une autre façon de rendre un matériau magnétique.

Au milieu des années 1960, un physicien japonais du nom de Yosuke Nagaoka a imaginé un type de magnétisme d’un nouveau genre. Il faisait interagir des électrons dans un matériau expérimental. Celui-ci était obtenu en superposant des couches atomiquement minces de deux matériaux semi-conducteurs différents : le diséléniure de molybdène et le disulfure de tungstène.Afin d’en étudier les propriétés magnétiques, les scientifiques l’ont éclairé au moyen d’une lumière laser et ont mesuré la force avec laquelle la lumière était réfléchie. Puis, ils ont rempli le matériau d’électrons et ont mesuré la magnétisation correspondante.

Ils ont constaté que, jusqu’à un remplissage d’un électron par site du réseau moiré (aussi connu sous le nom d’isolant de Mott), le matériau restait paramagnétique, c’est-à-dire doté d’une faible aptitude à s’aimanter. Alors qu’ils continuaient d’intégrer des électrons au réseau, le matériau s’est brusquement comporté comme ferromagnétique (un matériau est ferromagnétique si tous ses moments magnétiques contribuent positivement à son aimantation.

Dans un matériau ferromagnétique, tous les spins peuvent être alignés par l’application d’un champ magnétique et le rester après sa suppression, créant ainsi une aimantation rémanente. Cette aimantation peut être inversée par l’application d’un autre champ magnétique, ce qui permet d’utiliser ces matériaux comme mémoires informatiques. Cette technique a donné naissance à la spintronique, dans laquelle les informations sont codées via le spin des électrons plutôt que par la charge.

Dans les années 1930, il était apparu qu’il était beaucoup plus courant que les spins d’atomes voisins s’orientent dans des directions opposées, de sorte que leur aimantation nette s’annule (antiferromagnétisme). Parce que cette disposition décalée des spins est beaucoup plus stable que la disposition uniforme, les matériaux antiferromagnétiques sont presque impossibles à aimanter.

récemment, des dispositifs spintroniques ont été constitués à partir d’antiferromagnétiques : bien que plus difficiles à manipuler, leurs spins peuvent basculer jusqu’à 1 000 fois plus rapidement que ceux des ferromagnétiques, ce qui permet un stockage et un traitement des informations plus performants et plus économes en énergie1.

Récemment, en 2018, à la recherche d’un matériau qui serait à la fois spintronique et antiferromagnétique, le physicien Libor Šmejkal a étudié à l’université Johannes-Gutenberg de Mayence les propriétés du dioxyde de ruthénium RuO2. Ses calculs suggèrent qu’il ne devrait pas avoir d’aimantation permanente de ce matériau, comme un matériau antiferromagnétique normal. Par contre, soumis à un courant électrique il devrait se comporter comme un matériau ferromagnétique : les forces magnétiques dans le matériau dévieraient les électrons du courant, conduisant à une forte tension dans la direction perpendiculaire.

En 2020, une équipe chinoise a confirmé expérimentalement ces propriétés paradoxales du dioxyde de ruthéniuum. En 2021, Šmejkal  a créé le terme d’altermagnétisme et proposé une explication : dans ces matériaux, un atome sur deux est tourné de 90° et son spin de 180°

Selon les prévisions théoriques, plus de 200 composés chimiques devraient être altermagnétiques. Les preuves expérimentales ont été recherchées activement, dans l’espoir de développer de nouveaux dispositifs électroniques.

En 2023, le comportement altermagnétique a été est confirmé pour 14 matériaux (les mieux étudiés étant le dioxyde de ruthénium RuO2 et le tellurure de manganèse MnTe5)

Référence

Nature February 2024

New type of magnetism splits from convention

https://www.nature.com/articles/d41586-024-00190-w

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