Découverts par T. O. Diener en 1971 et quasiment ignorés à l’époque, les viroïdes sont des molécules d ‘ARN (acide ribonucléaire) non codantes et infectieuses capables de se multiplier et de se propager dans un organisme .
Composés exclusivement d’un ARN circulaire de 246 à 401 nucléotides, les viroïdes sont environ vingt fois plus petits que le génome du virus de la mosaïque du tabac (tobacco mosaic virus, TMV) et six fois plus petits que le génome du virus de l’hépatite delta (hepatitis delta virus, HDV) humaine décrits comme étant les plus petits agents infectieux connus à ce jour. (
Contrairement aux virus, les viroïdes ne codent pour aucune protéine et, par conséquent, ne sont pas encapsidés. La capside est l’enveloppe protéinique d’un virus enfermant son matériel génétique. Ils ont donc la capacité de s’accumuler in vivo sous forme d’acides nucléiques circulaires « nus ».
En raison de la forte auto-complémentarité de leur séquence nucléotidique, leur ARN génomique se replie dans une conformation compacte et fortement structurée. Malgré leur petite taille et leur simplicité, les viroïdes peuvent infecter un large éventail d’espèces végétales et induire des pathologies souvent à terme mortelles chez plusieurs hôtes. Leurs effets peuvent varier d’asymptomatique à létal, en fonction des hôtes et des viroïdes.
Depuis plusieurs décennies, les biologistes tentent de comprendre comment de tels ARN circulaires peuvent affecter le fonctionnement cellulaire et induire une pathologie . En effet, la modification d’un seul nucléotide du viroïde du tubercule en fuseau de la pomme de terre (potato spindle tuber viroid, PSTVd) peut entraîner une augmentation de sa pathogénicité passant d’un état non infectieux à létal.
Cette découverte fondamentale a permis d’identifier plusieurs motifs structuraux impliqués dans l’induction de la maladie, notamment les structures en épingle à cheveux (incluant des boucles au sein de l’ARN). Leur importance a été confirmée lorsque les chercheurs ont découvert que des plants de tomates transgéniques exprimant une construction en épingle à cheveux du PSTVd (se composant de répétitions inversées) présentaient des symptômes similaires aux viroïdes.
L’étude de la pathogénicité des viroïdes a alors pris un tournant en évaluant le rôle de l’interférence par l’ARN (iARN) dans la pathogénicité des viroïdes. Entre-temps, d’autres études sur les interactions viroïde-hôte ont révélé différentes facettes de la pathogénicité des viroïdes, telles que l’expression différentielle de certains gènes de l’hôte induite par l’infection d’un viroïde ou encore l’interaction directe d’un viroïde avec des protéines de l’hôte.
Des pertes considérables
Les viroïdes sont à l’origine de pertes considérables à l’échelle mondiale chez les espèces végétales monocotylédones et dicotylédones comme chez les plantes herbacées et ligneuses. Des études menées sur le terrain et en serre ont démontré que les viroïdes se transmettent par différentes voies : par des outils agricoles contaminés, par contact entre les plantes, par les semences, par le pollen et par les insectes. À l’heure actuelle, il n’existe pas de mécanisme de résistance naturelle connu contre les viroïdes, c’est pourquoi la lutte repose sur la détection moléculaire et l’éradication des plantes infectées.
Bien que les viroïdes soient connus comme des agents pathogènes destructeurs, certains viroïdes n’induisent pas automatiquement de pathologies sévères tandis que d’autres peuvent entraîner la mort de la plante hôte. Par exemple, le viroïde australien de la vigne (australian grapevine viroid, AGVd) n’est pas connu pour induire des symptômes chez ses plantes hôtes (vignes). À l’inverse, les infections par le viroïde cadang cadang du cocotier (coconut cadang-cadang viroid, CCCVd) entraînent la mort de celui-ci .
La plupart des espèces de viroïdes induisent des symptômes chez des plantes hôtes où l’intensité peut varier en fonction de l’intensité de l’infection, la réduction du nombre de fleurs, le changement de la forme et de la couleur des fleurs et des fruits et la stérilité sont également observés .
Comme les viroïdes se déplacent à travers les tissus par l’intermédiaire du phloème ou tissu conducteur dela sève, ils sont également connus pour affecter le système racinaire en réduisant son volume et en provoquant des malformations (par exemple, les tubercules en forme de fuseau provoqués par le PSTVd chez la pomme de terre)
En raison de la simplicité des viroïdes, leur structure est utilisée comme critère fondamental pour la classication et la taxonomie. La taxonomie permet l’organisation systématique et cohérente des organismes selon leurs caractéristiques prédéterminées (structure secondaire, motif ARN répété, etc.). Les viroïdes sont répliqués par des polymérases à ARN de l’hôte En utilisant une matrice d’ARN, ces polymérases à ARN dépendante de l’ADN sont alors sujettes à un taux d’erreur beaucoup plus élevé. De ce fait, les viroïdes s’accumulent chez les hôtes sous forme de populations hétérogènes de variants de séquences étroitement liées et légèrement différentes les unes des autres, appelées « quasi-espèces »
Il est donc important de tenir compte de la variabilité des séquences lors de la classication des viroïdes. Bien que les viroïdes diffèrent des virus sur plusieurs aspects essentiels, leur classication est officiellement réglementée par le Comité international de taxonomie des virus (ICTV, https://talk.ictvonline.org/).
