On désigne sous le nom d’organismes chimiotrophe les organismes
qui trouvent l’énergie nécessaire au développement de leurs cellules sans utiliser la lumière du Soleil (ou d’une source artificielle).
La chimiosynthèse est la conversion biologique de molécules contenant un ou plusieurs atomes de carbone ou de méthane en éléments nutritifs utilisables pour constituer de la matière organique. Les organismes qui la pratiquent s’opposent aux organismes photosynthétiques qui utilisent la lumière du Soleil pour produire des composés organiques complexes.
Or des scientifiques viennent de découvrir un écosystème insoupçonné vivant sous les épaisses couches de glace de l’Antarctique. Grâce à des technologies de pointe, telles que les foreuses cryogéniques et les capteurs biogéochimiques, une équipe internationale a exploré des lacs sous-glaciaires qui n’avaient pas vu la lumière du jour depuis des millions d’années.
Ces recherches, publiées notamment dans Nature Communications (voir ci-dessous), révèlent un écosystème complexe composé de micro-organismes et d’organismes aquatiques uniques. Ces derniers prospèrent malgré des conditions environnementales extrêmes : températures glaciales, obscurité totale et ressources nutritives limitées. Ces découverts sont saluée comme une percée majeure dans notre compréhension des écosystèmes extrêmes.
Parmi les découvertes les plus marquantes, les scientifiques ont identifié des micro-organismes capables de produire leur énergie à partir de processus chimiques, une adaptation rare appelée chimiosynthèse. Ces organismes utilisent les minéraux et les gaz présents dans l’eau pour survivre sans faire appel à la lumière solaire.
Certaines formes de vie ainsi découvertes, notamment chez des bactéries et des archées, affichent une résistance étonnante à la pression et à l’acidité de leur environnement. En outre, des traces de bioluminescence ont été détectées, soulignant des adaptations à la lumière encore peu étudiées.
Ces caractéristiques suggèrent non seulement une résilience extraordinaire, mais ouvrent également la voie à des hypothèses sur la possibilité de vie dans des environnements extraterrestres similaires, comme sur les lunes glacées d’Europe ou d’Encelade.
La découverte des écosystème sous-glaciaire en Antarctique dépasse largement les frontières de la biologie classique. Ces formes de vie, isolées depuis des millions d’années, fournissent des indices précieux sur l’évolution et la survie des organismes dans des environnements hostiles. Leur capacité à prospérer sans lumière solaire et avec un accès limité aux nutriments remet en question les modèles établis d’habitabilité.
Les implications s’étendent également à la recherche spatiale. Les conditions extrêmes de ces lacs sous-glaciaires sont considérées comme analogues aux environnements extraterrestres, notamment sur les lunes glacées du système solaire. La mission européenne JUICE (Jupiter Icy Moons Explorer) et la mission américaine Europa Clipper pourraient bénéficier directement des techniques développées pour explorer ces lacs enfouis sous la glace.
Sur le plan environnemental, ces découvertes mettent en lumière l’impact du réchauffement climatique. La fonte accélérée des glaces polaires pourrait perturber ces écosystèmes isolés, libérant des micro-organismes qui pourraient interagir avec les écosystèmes existants ou révéler des pathogènes inconnus.
Apres cette découverte majeure, les scientifiques envisagent de nouvelles expéditions pour explorer davantage de lacs sous-glaciaires. Les défis sont cependant considérables. Les infrastructures nécessaires sont coûteuses, et les conditions climatiques extrêmes compliquent les opérations. Des innovations comme les robots submersibles autonomes et les systèmes de forage écologiques sont en cours de développement pour minimiser l’impact des explorations sur ces environnements fragiles.
Les aspects éthiques prennent également de l’importance. Ces écosystèmes, restés intacts pendant des millénaires, doivent être explorés avec précaution pour éviter toute contamination. Cela soulève des débats sur la manière de concilier recherche scientifique et préservation environnementale.
Références
1 Lake enigma https://www.techno-science.net/en/news/discovery-of-strange-form-of-life-under-antarctic-ice-N26176.html
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2 nature https://www.nature.com/articles/s43247-024-01842-5
The perennially ice-covered Lake Enigma, Antarctica supports unique microbial communities
Published: 03 December 2024
Communications Earth & Environment
volume 5, Article number: 741 (2024)
Abstract
Northern Foothills of Victoria Land, Antarctica contains numerous hydrological formations, ranging from small surface streams and ponds fed by glacial or snow meltwater to permafrost lakes containing briny pockets. Here we describe the discovery of a massive body of unfrozen stratified oligotrophic water in Lake Enigma, a permanently ice-covered lake previously thought to be frozen from top to bottom. A remarkable feature of the Lake Enigma microbial ecosystem is the presence, and sometimes even dominance, of ultrasmall bacteria belonging to the superphylum Patescibacteria, a group apparenNaturetly absent from Antarctic lakes in the well-studied McMurdo Dry Valleys. Cyanobacteria are virtually absent from Lake Enigma ice and water column although they are well represented in its extensive and diverse benthic microbial mats. Collectively, these features reveal a new complexity in Antarctic lake food webs and demonstrate that in addition to phototrophic and simple chemotrophic metabolisms, both symbiotic and predatory lifestyles may exist.
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3. nature https://www.nature.com/articles/s43247-024-01842-5
Phylogenetically and functionally diverse microorganisms reside under the Ross Ice Shelf
- published: 10 January 2022
Abstract
Throughout coastal Antarctica, ice shelves separate oceanic waters from sunlight by hundreds of meters of ice. Historical studies have detected activity of nitrifying microorganisms in oceanic cavities below permanent ice shelves. However, little is known about the microbial composition and pathways that mediate these activities. In this study, we profiled the microbial communities beneath the Ross Ice Shelf using a multi-omics approach. Overall, beneath-shelf microorganisms are of comparable abundance and diversity, though distinct composition, relative to those in the open meso- and bathypelagic ocean. Production of new organic carbon is likely driven by aerobic lithoautotrophic archaea and bacteria that can use ammonium, nitrite, and sulfur compounds as electron donors. Also enriched were aerobic organoheterotrophic bacteria capable of degrading complex organic carbon substrates, likely derived from in situ fixed carbon and potentially refractory organic matter laterally advected by the below-shelf waters. Altogether, these findings uncover a taxonomically distinct microbial community potentially adapted to a highly oligotrophic marine environment and suggest that ocean cavity waters are primarily chemosynthetically-driven systems.
