08/12/2024 L’Allemagne prendrait du retard dans son nécessaire réarmement

On ne rattrape pas en trois ans le retard pris pendant plusieurs décennies. En tout cas, l’Allemagne n’y est pas parvenue comme le signalent deux rapports émis par des instituts allemands, le Kiel Institute et le Dezernat Zukunft.

La sentence du Kiel Institute est sans appel: l’Allemagne se réarme trop lentement pour faire face à la Russie qui, selon Guntram Wolff, chercheur à l’Institut de Kiel et auteur principal du rapport, devient « une menace de plus en plus grande pour la sécurité de l’OTAN ». Ce chercheur est aussi l’un des experts de l’institut Brugel et a récemment rédigé un « mémo » adressé au futur commissaire à la Défense, poste confié récemment au Lituanien Andrius Kubilius.

Depuis 10 ans, le nombre de chars de la Bundeswehr est passé de 6684 à 339. Dans la même période, le nombre des obusiers est passé de 3214 à 121 et celui des avions de combat de 553 à 226. La guerre en Ukraine, qui a démarré le 24 février 2022 n’a pas conduit l’Allemagne à se mettre au plus vite en mode économie de guerre, indique le rapport. Dans les autres pays analysés par celui-ci (France, Royaume-Uni et Pologne), le recul n’est pas aussi important.

En 30 ans, Berlin aurait ainsi réussi à économiser environ 500 milliards d’euros au détriment de ses dépenses militaires, considérées comme « largement insuffisantes pour répondre au nouveau défi stratégique posé par la Russie ».

En 2022, soit quelques jours après l’attaque russe, le chancelier allemand Olaf Scholz avait bien annoncé un fonds de 100 milliards d’euros pour combler les nombreuses lacunes de la Bundeswehr.

Il aura fallu attendre 2023, soit une bonne année après l’attaque russe contre l’Ukraine, pour que l’Allemagne commence à augmenter ses dépenses de défense, dépassant même l’objectif de l’OTAN de 2 % du PIB.

Selon le rapport, « il faudrait à l’Allemagne jusqu’à un siècle pour ramener son inventaire militaire au niveau d’il y a vingt ans ». En tenant compte du rythme actuel d’acquisition, l’Allemagne mettra 15 ans pour rétablir les capacités de 2004 pour les avions de combat, quarante ans pour les chars et cent ans pour les obusiers.

Un calendrier inquiétant au regard de la Russie qui a fortement augmenté sa capacité de production d’armements. Moscou serait « désormais en mesure de produire en six mois autant d’armes que l’ensemble des forces armées allemandes en service », avance l’auteur du rapport.

Cette inquiétude est partagée en Allemagne par le think tank Dezernat Zukunft. Cette organisation estime que Berlin doit augmenter son budget défense de 100 milliards d’euros pour rattraper son retard et dépasser le seuil de 2% de son PIB à l’armement. Il y a seulement un an, l’Allemagne était loin de cet objectif avec seulement 1,49% de son PIB qui était consacré à la défense.

Malgré l’accord budgétaire restreint conclu en juin dernier du fait de la limite constitutionnelle d’emprunt de l’Allemagne, le budget de la défense augmentera cette année de 1,2 milliard d’euros , rapportait le site Euractive. Un montant jugé insuffisant par les partenaires de la coalition, le SPD de centre gauche, les Verts et le FDP libéral. Le ministre de la Défense Boris Pistorius réclamait un supplément de 6,7 milliards d’euros pour 2025.

L’avenir de l ‘industrie stratégique est sombre. Le fonds défense de 100 milliards d’euros annoncé en 2022 sera épuisé en 2028. Pour maintenir l’objectif des 2% de l’Otan, Berlin devra augmenter son budget de 52 milliards à 80 milliards d’euros en 2024. Pour la presse allemande, cette situation n’est ni plus ni moins qu’un « échec de l’État« .

Référence

ABSTRACT

War is back in Europe and as it becomes long-lasting, the question of armament gains central importance. This report finds that Russian military industrial capacities have been rising strongly in the last two years, well beyond the levels of Russian material losses in Ukraine. Meanwhile, the build-up of German capacities is progressing slowly. We document Germany’s military procurement in a new Kiel Military Procurement Tracker and find that Germany did not meaningfully increase procurement in the one and a half years after February 2022, and only accelerated it in late 2023. Given Germany’s massive disarmament in the last decades and the current procurement speed, we find that for some key weapon systems, Germany will not attain 2004 levels of armament for about 100 years. When taking into account arms commitments to Ukraine, some German capacities are even falling. The new Tracker provides detailed information on quantities, value of the orders, predicted delivery dates, as well as the companies from which Germany procures. The situation of slow and insufficient procurement can and needs to be remedied. Failing on deterrence would mean a higher likelihood of a costly war. Instead of Germany pursuing a “war economy”, as some have argued, Germany’s defence budget needs to durably and credibly increase. Higher and credible long-term demand will lead to increasing supply capacities. A long-term European armament strategy is needed. Germany and Europe need to focus on speed in procurement, on cost effectiveness through economies of scale in an integrated European market, on innovation, and on technological superiority. Tracking military rearmament is essential to the security of the continent. JEL Codes: H41, H56, H60, L64

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