Il finira bien un jour par disparaître comme toutes les réalités de ce monde. Mais finira-t-il dans un effondrement final (big crunch) ou par une lente dispersion de ses éléments (big rip) ?
Aujourd’hui, des cosmologistes tels John Ellis du King’s College London envisagent que l’univers puisse disparaitre du fait d’un grand avalement (big slurp). L’avalement en question résulterait d’une fluctuation quantique qui provoquerait une bulle. Celle-ci parcourrait l’univers, telle une vague de marée engloutissant tout sur son passage.
Si ceci ne s’est pas encore produit, c’est sans doute parce qu’une force physique venant d’être mise en lumière, dite des champs quantiques, stabilise encore l’univers. Les champs quantiques sont les éléments fondamentaux qui donnent naissance aux particules et aux forces du modèle standard de la physique des particules. Le plus important d’entre elles est le champ de Higgs, qui associé au boson de Higgs récemment découvert, donne leur masse aux particules.
Ce fut une surprise quand le Higgs, longtemps suspecté, fut finalement identifié au Large Hadron Collider du Cern à Genève en 2012. L’étude immédiatement entreprise du champ du Higgs montra que si celui-ci n’était pas stable cela était du au fait qu’il n’était pas à son plus faible niveau d’énergie possible. Autrement dit il pourrait trouver un niveau d’énergie encore plus bas en entrant dans un processus dit de transition de phase. Ce processus est analogue à celui grâce auquel des bulles de vapeur d’eau chaude se forment au fond d’un récipient où de l’eau commence à bouillir.
Dans le cas des bulles qui se forment dans des champs quantiques, des phénomes étranges peuvent se produire au fur et à mesure de leur formation. Ainsi les champs quantiques peuvent basculer brutalement, redéfinissant les lois de la physique qui s’y appliquent localement et provoquant un chaos général. De plus ces bulles se développeraient à une vitesse proche de celle de la lumière, absorbant tout ce qui se trouverait sur leur passage.
L’apparition d’une telle bulle n’est pas obligée. Elle tient au hasard. A titre analogique, on peut se représenter le champ de Higgs comme un ballon se trouvant au sommet d’une colline dotée de plusieurs vallées en descendant. Le ballon peut rouler le long de la pente et s’arrêter dans l’une de ces vallées, même si ce n’est pas la plus basse.
C’est la situation dans laquelle le champ de Higgs se trouve actuellement. On parle d’état métastable. Mais parce que ce champ se conforme aux règles de la mécanique quantique, il peut mystérieusement emprunter un tunnel de moindre énergie. Il est possible d’évaluer les probabilités d’un tel changement mais non de préciser la date à laquelle il se produirait.
La stabilité du champ de Higgs dépend de la façon dont les autres particules élémentaires interagissent avec lui. Les bosons, portant les forces fondamentales, tendent à stabiliser le champ. Les fermions, qui sont les constituants de la matière, tels les quarks, rendent le champ moins stable, faisant courir le risque d’une transition de phase.
Les récentes mesures de ces particules au LHC ne sont pas rassurantes. Il apparaît de plus en plus que le Higgs est métastable. Autrement dit, l’univers paraît condamné. Il est difficile de prévoir quand le big slurp se produira, dans des milliards d’années ou bien plus tôt. De nombreux facteurs font penser que des champs gravitationnels puissants pourraient traverser le champ de Higgs, le rendant proche d’une transition de phase. Ainsi, lorsque l’on fait bouillir de l’eau, les impuretés se trouvant dans celle-ci accélèrent l’ébullition..
Or de nombreuses impuretés se trouvent dans le Higgs. On cite en général les cordes cosmiques et les trous noirs. Les cordes cosmiques sont d’étroits fils de matière, récemment découverts, longs de plusieurs années lumière, qui perturbent les forces gravitationnelles en reliant les galaxies entre elles.
(à suivre)
Voir Volatile Cosmology, NewScientist, 23 nov. 24, p.33
