28/11/2024 Nous reproduisons ici en partie la rubrique que Wikipedia consacre à Boualem Sansal, que le pouvoir Algérien vient de faire arrêter à l’indignation générale

Boualem Sansal, né le 15 octobre 1949 à Theniet El Had (Algérie), est un écrivain francoalgérien d’expression française, principalement romancier mais aussi essayiste. Il publie ses ouvrages en Algérie, en France ou en Allemagne. Il est le lauréat de plusieurs prix littéraires, dont le grand prix du roman de l’Académie française 2015 pour son roman 2084 : la fin du monde.

Biographie

Famille et formation

Boualem Sansal est né le 15 octobre 1949 à Theniet El Had, village des monts de l’Ouarsenis, en Algérie. Son père, Abdelkader Sansal, est d’origine marocaine1, et issu d’une famille du Rif au Maroc qui s’installe en Algérie. Sa mère, Khdidja Benallouche, a reçu une instruction et une éducation occidentales2.

Boualem Sansal a une formation d’ingénieur de l’École nationale polytechnique ainsi qu’un doctorat d’économie. Il a été enseignantconsultantchef d’entreprise et haut fonctionnaire au ministère de l’Industrie algérien.

Débuts littéraires

Son ami Rachid Mimouni (1945-1995) l’encourage à écrire. Sansal, bien que grand lecteur, ne se vouait pas à l’écriture. Il commence pourtant à écrire en 1997, alors que la guerre civile algérienne (la « décennie noire ») bat son plein. Il cherche à entrer dans l’esprit de ses compatriotes, pour tenter de comprendre puis d’expliquer ce qui a mené à l’impasse politique, sociale et économique de son pays, et à la montée de l’islamisme3.

En 1999, il publie son premier romanLe Serment des barbares, qui reçoit le prix du premier roman et le prix Tropiques. Il y écrit :

« L’Université […], elle enseigne en arabe, ce qui se conçoit, à des étudiants qui ne pratiquent que leur langue et c’est marre

4 : l’algérien, un sabir fait de 

tamazight, d’un arabe venu d’ailleurs, d’un 

turc médiéval, d’un français XIXe et d’un soupçon d’anglais new-age

5. »

Cet ouvrage connaît un très grand succès de librairie : Sansal est invité au printemps 2000 au festival du premier roman de Chambéry et, en été, au festival Les Nuits & les Jours de Querbes. Depuis, il multiplie les rencontres avec ses lecteurs, en France ou en Allemagne.

Consécration littéraire et tensions avec le pouvoir algérien

En 2003, Boualem Sansal est rescapé du séisme meurtrier qui touche sa région à Boumerdès. Après avoir été porté disparu pendant un certain temps, il est retrouvé grâce à un appel lancé par la télévision algérienne.

La même année, c’est en France qu’est publié son troisième roman, Dis-moi le paradis, description de l’Algérie post-coloniale, à travers les portraits de personnages que rencontre le personnage principal, Tarik, lors de son voyage à travers ce pays. Le ton est très critique envers le pouvoir algérien, se moquant de Boumédiène, critiquant ouvertement la corruption à tous les niveaux de l’industrie et de la politique, l’incapacité à gérer le chaos qui a suivi l’indépendance, et attaquant parfois violemment les islamistes. Il critique également l’arabisation de l’enseignement6. En réponse à l’ouvrage, il est renvoyé de son poste au ministère de l’Industrie.

En 2005, s’inspirant de son histoire personnelle, il écrit Harraga7 (harraga signifie « brûleur de route », surnom que l’on donne à ceux qui partent d’Algérie, souvent en radeau dans des conditions dramatiques, pour tenter de passer en Espagne). Pour la première fois, les personnages principaux sont deux femmes : Lamia, médecin pédiatre qui vit dans la misère à Alger, et Cherifa qu’elle recueille alors que cette dernière est enceinte de cinq mois8. Encore une fois, le ton est très critique envers le pouvoir algérien9.

En 2006, son nouveau livre Poste restante, Alger, une lettre ouverte à ses compatriotes, est censuré dans son pays. Après la sortie de ce pamphlet, il est menacé et insulté6, mais il décide de rester en Algérie. En 2007, il publie Petit éloge de la mémoire, récit épique de l’aventure berbère.

Son roman Le Village de l’Allemand, sorti en janvier 2008, est censuré en Algérie, car il fait le parallèle entre islamisme et nazisme. Le livre raconte l’histoire du SS Hans Schiller, qui fuit en Égypte après la défaite allemande, et se retrouve ensuite à aider l’Armée de libération algérienne, pour finalement devenir un héros de guerre et se retirer dans un petit village perdu10. Le livre s’inspire d’un destin réel, découvert par la presse dans les années 1980.

En mars 2008, il choisit de se rendre au Salon du livre de Paris, malgré la polémique soulevée dans le monde arabe quant au choix d’Israël comme invité d’honneur et l’appel au boycott venant des pays arabes et de certains intellectuels11. Il s’en explique par la formule : « Je fais de la littérature, pas la guerre », ajoutant : « La littérature n’est pas juive, arabe ou américaine, elle raconte des histoires qui s’adressent à tout le monde11. » Ce choix aggrave sa situation en Algérie.

En 2011, Boualem Sansal habite près d’Alger, dans la ville de Boumerdès12. Il publie un livre très personnel, écrit trois mois après la mort de sa mère12. Ce nouveau roman, Rue Darwin, est l’histoire d’une famille prise dans la guerre d’Algérie et dont le personnage de Yaz ressemble beaucoup à Sansal ; la rue Darwin est une rue où l’auteur a vécu dans son enfance, à cent mètres de la maison d’Albert Camus12.

En février 2012, il fait partie du jury de la Berlinale 2012, sous la présidence de Mike Leigh13 et, en mai de la même année, participe à la troisième édition du Festival international des écrivains à Jérusalem, suscitant de nombreuses critiques dans le monde arabe14,15. Il fait un récit plein d’humour de son voyage16.

En 2018, il participe à l’écriture d’un ouvrage commun, Le Nouvel Antisémitisme en France, sous la direction de Philippe Val, dans lequel il écrit que le gouvernement français participe « au plan de conquête de la planète par la soumission de ses habitants à l’islam », ce que lui reproche Nicolas Lebourg17, chercheur et membre à l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès18.

Il publie une nouvelle fable futuriste et prophétique, Le Train d’Erlingen, ou La Métamorphose de Dieu chez Gallimard, réflexion sur les crises migratoires et la montée en puissance de l’islamisme en Europe. Il déclare :

« Oui, l’Europe a peur de l’islamisme, elle est prête à tout lui céder. […] La réalité en boucle n’a pas d’effet sur les gens, en apparence du moins. On l’a vu en Algérie durant la décennie noire : les gens qui, au début, s’émouvaient pour une victime du terrorisme ont fini après quelques mois de carnage par ne ressentir d’émotion que lorsque le nombre des victimes par jour dépassait la centaine, et encore devaient-elles avoir été tuées d’une manière particulièrement horrible. Terrible résultat : plus les islamistes gagnaient de terrain et redoublaient de cruauté, moins les gens réagissaient. L’info tue l’info, l’habitude est un sédatif puissant et la terreur, un paralysant violent

19. »

Arrestation en 2024

Il obtient en 2024 la nationalité française. Selon son ami Xavier Driencourt, il cherche alors à « s’installer en France »20 où son épouse est hospitalisée21.

Le 21 novembre 2024, le magazine Marianne révèle que, arrivé le 16 novembre à Alger, Sansal a été arrêté par la police algérienne22 et mis en garde à vue. Il risque des peines de prison pour « atteinte à l’unité nationale », une procédure pénale étant ouverte contre lui. Celle-ci serait liée à de récentes déclarations faites au média Frontières : « Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara. Toute cette région faisait partie du royaume23,24. »

Oeuvres

Romans

Nouvelles

  • 2001 : La Voix, Gallimard / Le Monde
  • 2004 : La Femme sans nom, Littera et l’Aube
  • 2005 : « La vérité est dans nos amours perdues », dans Des nouvelles d’Algérie, éd Métailié
  • 2005 : « Homme simple cherche évènement heureux », Le Monde
  • 2005 : « Tous les bonheurs ne valent pas le déplacement », Magazine des Beaux Arts
  • 2006 : « La terrible nouvelle », Le Monde
  • 2008 : « Ma mère » in Ma mère (collectif), Chèvrefeuille étoilée
  • 2008 : « Rendez-vous à Clichy-sous-Bois : Mohand ou la mort au coin de la rue » in Des nouvelles de la banlieue (collectif), Textuel/Ivre d’images

Essais

  • 2006 : Poste restante : Alger : lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes, éd. Gallimard, « Folio » n° 4702
  • 2007 : Petit Éloge de la mémoire : Quatre Mille et Une Années de nostalgie, éd. Gallimard, « Folio » n° 4486
  • 2013 : Gouverner au nom d’Allah : Islamisation et Soif de pouvoir dans le monde arabe, éd. Gallimard
  • 2017 : L’Impossible Paix en Méditerranée, avec Boris Cyrulnik, dialogue animé par José Lenziniéditions de l’Aube
  • 2020 : France-Algérie, Résilience et Réconciliation en Méditerranée, avec Boris Cyrulnik, dialogue , éditions Odile Jacob, (ISBN 978-2-7381-5168-1)
  • 2021 : Où va la France ?, tribune publiée dans Le Figaro35
  • 2021 : Lettre d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre, Gallimard
  • 2024 : Le Français, parlons-en !éditions du Cerf

Livres techniques

  • 1986 : La Combustion dans les turboréacteurs, éd. OPU, Alger
  • 1989 : La Mesure de la productivité, éd. OPU, Alger

Autres

  • 2001 : La Médiation dans l’art contemporain, musée du Jeu de Paume, Paris
  • 2002 : « Alger, mon amour », dans Amours de villes, villes africaines, coéd. Fest’Africa / Dapper littérature
  • 2003 : « L’âge de raison », dans Journal intime et politique, Littera-l’Aube
  • 2003 : « Souvenirs d’enfance et autres faits de guerre », dans L’Algérie des deux rives, coéd. Fayard / Mille et une nuits, Paris
  • 2005 : « L’odyssée de la mémoire », Senso Magazine, Paris
  • 2006 : Les Guerres d’Algérie, université de Berkeley
  • 2006 : La Question linguistique en Algérie, Lyriades
  • 2007 : C’était quoi, la France, éd. Gallimard, Paris
  • 2012 : Manifeste pour l’hospitalité des languesGilles PellerinHenriette WalterWilfried N’Sondé, Boualem Sansal, Jean-Luc Raharimanana et Patrice Meyer-Bisch, éd. La Passe du vent
  • 2017 : « La France, État altéré »36, dans The New York Times
  • 2024 : Sous la dir. Daniel Salvatore Schiffer L’Humain au centre du monde – Pour un humanisme des temps présents et à venir. Contre les nouveaux obscurantismesÉditions du Cerf, 392 pages

En revue

Prix littéraires

Il est le troisième écrivain algérien à le recevoir après Tahar Djaout et Kamel Daoud, trois écrivains engagés contre les excès du pouvoir algérien ou de l’islamisme44.

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