Boualem Sansal, né le 15 octobre 1949 à Theniet El Had (Algérie), est un écrivain franco–algérien d’expression française, principalement romancier mais aussi essayiste. Il publie ses ouvrages en Algérie, en France ou en Allemagne. Il est le lauréat de plusieurs prix littéraires, dont le grand prix du roman de l’Académie française 2015 pour son roman 2084 : la fin du monde.
Biographie
Famille et formation
Boualem Sansal est né le 15 octobre 1949 à Theniet El Had, village des monts de l’Ouarsenis, en Algérie. Son père, Abdelkader Sansal, est d’origine marocaine1, et issu d’une famille du Rif au Maroc qui s’installe en Algérie. Sa mère, Khdidja Benallouche, a reçu une instruction et une éducation occidentales2.
Boualem Sansal a une formation d’ingénieur de l’École nationale polytechnique ainsi qu’un doctorat d’économie. Il a été enseignant, consultant, chef d’entreprise et haut fonctionnaire au ministère de l’Industrie algérien.
Débuts littéraires
Son ami Rachid Mimouni (1945-1995) l’encourage à écrire. Sansal, bien que grand lecteur, ne se vouait pas à l’écriture. Il commence pourtant à écrire en 1997, alors que la guerre civile algérienne (la « décennie noire ») bat son plein. Il cherche à entrer dans l’esprit de ses compatriotes, pour tenter de comprendre puis d’expliquer ce qui a mené à l’impasse politique, sociale et économique de son pays, et à la montée de l’islamisme3.
En 1999, il publie son premier roman, Le Serment des barbares, qui reçoit le prix du premier roman et le prix Tropiques. Il y écrit :
« L’Université […], elle enseigne en arabe, ce qui se conçoit, à des étudiants qui ne pratiquent que leur langue et c’est marre
4 : l’algérien, un sabir fait de
tamazight, d’un arabe venu d’ailleurs, d’un
turc médiéval, d’un français XIXe et d’un soupçon d’anglais new-age
5. »
Cet ouvrage connaît un très grand succès de librairie : Sansal est invité au printemps 2000 au festival du premier roman de Chambéry et, en été, au festival Les Nuits & les Jours de Querbes. Depuis, il multiplie les rencontres avec ses lecteurs, en France ou en Allemagne.
Consécration littéraire et tensions avec le pouvoir algérien
En 2003, Boualem Sansal est rescapé du séisme meurtrier qui touche sa région à Boumerdès. Après avoir été porté disparu pendant un certain temps, il est retrouvé grâce à un appel lancé par la télévision algérienne.
La même année, c’est en France qu’est publié son troisième roman, Dis-moi le paradis, description de l’Algérie post-coloniale, à travers les portraits de personnages que rencontre le personnage principal, Tarik, lors de son voyage à travers ce pays. Le ton est très critique envers le pouvoir algérien, se moquant de Boumédiène, critiquant ouvertement la corruption à tous les niveaux de l’industrie et de la politique, l’incapacité à gérer le chaos qui a suivi l’indépendance, et attaquant parfois violemment les islamistes. Il critique également l’arabisation de l’enseignement6. En réponse à l’ouvrage, il est renvoyé de son poste au ministère de l’Industrie.
En 2005, s’inspirant de son histoire personnelle, il écrit Harraga7 (harraga signifie « brûleur de route », surnom que l’on donne à ceux qui partent d’Algérie, souvent en radeau dans des conditions dramatiques, pour tenter de passer en Espagne). Pour la première fois, les personnages principaux sont deux femmes : Lamia, médecin pédiatre qui vit dans la misère à Alger, et Cherifa qu’elle recueille alors que cette dernière est enceinte de cinq mois8. Encore une fois, le ton est très critique envers le pouvoir algérien9.
En 2006, son nouveau livre Poste restante, Alger, une lettre ouverte à ses compatriotes, est censuré dans son pays. Après la sortie de ce pamphlet, il est menacé et insulté6, mais il décide de rester en Algérie. En 2007, il publie Petit éloge de la mémoire, récit épique de l’aventure berbère.
Son roman Le Village de l’Allemand, sorti en janvier 2008, est censuré en Algérie, car il fait le parallèle entre islamisme et nazisme. Le livre raconte l’histoire du SS Hans Schiller, qui fuit en Égypte après la défaite allemande, et se retrouve ensuite à aider l’Armée de libération algérienne, pour finalement devenir un héros de guerre et se retirer dans un petit village perdu10. Le livre s’inspire d’un destin réel, découvert par la presse dans les années 1980.
En mars 2008, il choisit de se rendre au Salon du livre de Paris, malgré la polémique soulevée dans le monde arabe quant au choix d’Israël comme invité d’honneur et l’appel au boycott venant des pays arabes et de certains intellectuels11. Il s’en explique par la formule : « Je fais de la littérature, pas la guerre », ajoutant : « La littérature n’est pas juive, arabe ou américaine, elle raconte des histoires qui s’adressent à tout le monde11. » Ce choix aggrave sa situation en Algérie.
En 2011, Boualem Sansal habite près d’Alger, dans la ville de Boumerdès12. Il publie un livre très personnel, écrit trois mois après la mort de sa mère12. Ce nouveau roman, Rue Darwin, est l’histoire d’une famille prise dans la guerre d’Algérie et dont le personnage de Yaz ressemble beaucoup à Sansal ; la rue Darwin est une rue où l’auteur a vécu dans son enfance, à cent mètres de la maison d’Albert Camus12.
En février 2012, il fait partie du jury de la Berlinale 2012, sous la présidence de Mike Leigh13 et, en mai de la même année, participe à la troisième édition du Festival international des écrivains à Jérusalem, suscitant de nombreuses critiques dans le monde arabe14,15. Il fait un récit plein d’humour de son voyage16.
En 2018, il participe à l’écriture d’un ouvrage commun, Le Nouvel Antisémitisme en France, sous la direction de Philippe Val, dans lequel il écrit que le gouvernement français participe « au plan de conquête de la planète par la soumission de ses habitants à l’islam », ce que lui reproche Nicolas Lebourg17, chercheur et membre à l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès18.
Il publie une nouvelle fable futuriste et prophétique, Le Train d’Erlingen, ou La Métamorphose de Dieu chez Gallimard, réflexion sur les crises migratoires et la montée en puissance de l’islamisme en Europe. Il déclare :
« Oui, l’Europe a peur de l’islamisme, elle est prête à tout lui céder. […] La réalité en boucle n’a pas d’effet sur les gens, en apparence du moins. On l’a vu en Algérie durant la décennie noire : les gens qui, au début, s’émouvaient pour une victime du terrorisme ont fini après quelques mois de carnage par ne ressentir d’émotion que lorsque le nombre des victimes par jour dépassait la centaine, et encore devaient-elles avoir été tuées d’une manière particulièrement horrible. Terrible résultat : plus les islamistes gagnaient de terrain et redoublaient de cruauté, moins les gens réagissaient. L’info tue l’info, l’habitude est un sédatif puissant et la terreur, un paralysant violent
19. »
Arrestation en 2024
Il obtient en 2024 la nationalité française. Selon son ami Xavier Driencourt, il cherche alors à « s’installer en France »20 où son épouse est hospitalisée21.
Le 21 novembre 2024, le magazine Marianne révèle que, arrivé le 16 novembre à Alger, Sansal a été arrêté par la police algérienne22 et mis en garde à vue. Il risque des peines de prison pour « atteinte à l’unité nationale », une procédure pénale étant ouverte contre lui. Celle-ci serait liée à de récentes déclarations faites au média Frontières : « Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara. Toute cette région faisait partie du royaume23,24. »
Oeuvres
Romans
- 1999 : Le Serment des barbares, Gallimard, « Folio » no 3507 – prix du premier roman 1999, prix Tropiques 1999
- 2000 : L’Enfant fou de l’arbre creux, Gallimard, « Folio » no 3641 – prix Michel-Dard
- 2003 : Dis-moi le paradis, éd. Gallimard, coll. « Blanche » (ISBN 978-2-0707-6772-4)
- 2005 : Harraga, Gallimard, « Folio » no 4498
- 2008 : Le Village de l’Allemand ou Le Journal des frères Schiller, Gallimard – grand prix RTL-Lire 2008, grand prix de la francophonie 2008, prix Nessim-Habif (Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique), prix Louis-Guilloux6.
- 2011 : Rue Darwin, Gallimard – prix du Roman-News 201232
- 2015 : 2084 : la fin du monde, Gallimard – Grand prix du roman de l’Académie française 2015Ce roman de science-fiction, inspiré par 1984 d’Orwell, crée un monde fondé sur l’amnésie et la soumission à un dieu unique et où le pouvoir religieux extrémiste a lancé une nouvelle langue, l’abilang : « L’abilang n’était pas une langue de communication comme les autres puisque les mots qui connectaient les gens passaient par le module de la religion. »
- 2018 : Le Train d’Erlingen, ou la Métamorphose de Dieu, Gallimard, 250 pages (ISBN 978-2-07-279-839-9)33,34
- 2020 : Abraham ou La Cinquième Alliance, Gallimard, coll. « Blanche ».
- 2024 : Vivre : le compte à rebours, 234 pages, Gallimard (ISBN 978-2-07-304477-8).
Nouvelles
- 2001 : La Voix, Gallimard / Le Monde
- 2004 : La Femme sans nom, Littera et l’Aube
- 2005 : « La vérité est dans nos amours perdues », dans Des nouvelles d’Algérie, éd Métailié
- 2005 : « Homme simple cherche évènement heureux », Le Monde
- 2005 : « Tous les bonheurs ne valent pas le déplacement », Magazine des Beaux Arts
- 2006 : « La terrible nouvelle », Le Monde
- 2008 : « Ma mère » in Ma mère (collectif), Chèvrefeuille étoilée
- 2008 : « Rendez-vous à Clichy-sous-Bois : Mohand ou la mort au coin de la rue » in Des nouvelles de la banlieue (collectif), Textuel/Ivre d’images
Essais
- 2006 : Poste restante : Alger : lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes, éd. Gallimard, « Folio » n° 4702
- 2007 : Petit Éloge de la mémoire : Quatre Mille et Une Années de nostalgie, éd. Gallimard, « Folio » n° 4486
- 2013 : Gouverner au nom d’Allah : Islamisation et Soif de pouvoir dans le monde arabe, éd. Gallimard
- 2017 : L’Impossible Paix en Méditerranée, avec Boris Cyrulnik, dialogue animé par José Lenzini, éditions de l’Aube
- 2020 : France-Algérie, Résilience et Réconciliation en Méditerranée, avec Boris Cyrulnik, dialogue , éditions Odile Jacob, (ISBN 978-2-7381-5168-1)
- 2021 : Où va la France ?, tribune publiée dans Le Figaro35
- 2021 : Lettre d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre, Gallimard
- 2024 : Le Français, parlons-en !, éditions du Cerf
Livres techniques
- 1986 : La Combustion dans les turboréacteurs, éd. OPU, Alger
- 1989 : La Mesure de la productivité, éd. OPU, Alger
Autres
- 2001 : La Médiation dans l’art contemporain, musée du Jeu de Paume, Paris
- 2002 : « Alger, mon amour », dans Amours de villes, villes africaines, coéd. Fest’Africa / Dapper littérature
- 2003 : « L’âge de raison », dans Journal intime et politique, Littera-l’Aube
- 2003 : « Souvenirs d’enfance et autres faits de guerre », dans L’Algérie des deux rives, coéd. Fayard / Mille et une nuits, Paris
- 2005 : « L’odyssée de la mémoire », Senso Magazine, Paris
- 2006 : Les Guerres d’Algérie, université de Berkeley
- 2006 : La Question linguistique en Algérie, Lyriades
- 2007 : C’était quoi, la France, éd. Gallimard, Paris
- 2012 : Manifeste pour l’hospitalité des langues, Gilles Pellerin, Henriette Walter, Wilfried N’Sondé, Boualem Sansal, Jean-Luc Raharimanana et Patrice Meyer-Bisch, éd. La Passe du vent
- 2017 : « La France, État altéré »36, dans The New York Times
- 2024 : Sous la dir. Daniel Salvatore Schiffer L’Humain au centre du monde – Pour un humanisme des temps présents et à venir. Contre les nouveaux obscurantismes, Éditions du Cerf, 392 pages
En revue
- Contributions à la revue Front Populaire37
Prix littéraires
- 1999 : Prix du premier roman et prix Tropiques pour son roman Le Serment des barbares
- 2007 : Prix Édouard-Glissant38
- 2008 : Grand prix RTL-Lire pour son roman Le Village de l’Allemand
- 9 juin 2011 : Prix de la paix des libraires allemands, pour la manière dont il « critique ouvertement la situation politique et sociale de son pays39. »
- 2012 : Prix du roman arabe pour le livre Rue Darwin40,41 ; prix du Roman-News pour ce même roman
- 13 juin 2013 : Grand prix de la francophonie de l’Académie française42
- 2013 : Prix Jean-Zay pour son essai Gouverner au nom d’Allah
- 2015 : Grand prix du roman de l’Académie française pour son roman 2084 : la fin du monde
- 2018 : Prix international de la laïcité de l’association française Comité Laïcité République43
- 23 avril 2022 : Prix Méditerranée pour son roman Abraham ou La cinquième Alliance
Il est le troisième écrivain algérien à le recevoir après Tahar Djaout et Kamel Daoud, trois écrivains engagés contre les excès du pouvoir algérien ou de l’islamisme44.
