La croissance de la population mondiale a été divisée par deux depuis les années 1960. Elle s’établit désormais à 1% par an. La population de l’Afrique subsaharienne continue pour sa part de croître de 2,7% par an du fait d’une fécondité qui reste élevée. Les jeunes de moins de 25 ans représentent de nos jours 62% de sa population, contre 44% dans l’ensemble des pays en développement et 27% dans les pays développés.
Le rapport de 2019 des Nations Unies sur les perspectives démographiques tendancielles https://population.un.org/wpp/publications/Files/WPP2019_PressRelease_FR.pdf
indique pour les divers pays d’Afrique subsaharienne que la transition démographique en cours, en particulier la baisse de la fécondité, risque d’être beaucoup plus lente que les transitions observées ailleurs dans les pays émergents. Pour les États africains, la question se pose donc de savoir s’ils doivent accélérer leur baisse de la fécondité, autrement dit leur transition démographique pour atteindre plus rapidement l’émergence économique.
Croissance démographique contre croissance économique
La population de l’Afrique subsaharienne aura été multipliée par près de 5 fois entre 1960 et 2020, contre 2,7 fois pour l’ensemble de l’Asie et 3 fois pour l’Amérique latine. Elle a dépassé le milliard en 2017. Elle représente dorénavant 14% de la population mondiale, contre 7% en 1960.
Les données sur l’évolution des produits intérieurs bruts (PIB) et des PIB par tête dans les grandes régions du monde indiquent des performances moindres pour l’Afrique subsaharienne. En effet, si entre 1960 et 2018 son PIB a été multiplié par 7, son PIB par tête n’a augmenté que de 0,5 %. Dans le même temps, le PIB par tête de l’Amérique latine a été multiplié par 2,6, celui de l’Asie du Sud par 5,7 et celui de l’Asie de l’Est par 22.
La faiblesse des performances africaines résulte de plusieurs facteurs : fluctuations des prix des matières premières, politiques économiques inadaptées, programmes d’ajustement structurel, mais aussi, et surtout ce qui est souvent oublié, très fortes croissances démographiques.
Dans les années 1960, la fécondité était proche de 6 à 7 enfants par femme dans les quatre grandes régions suivantes: l’Asie de l’Est et l’Asie du Sud, l’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine.
La baisse de la fécondité a commencé en Asie et en Amérique latine dans les années 1960. Elle a été brutale en Asie de l’Est, plus régulière en Asie du Sud et en Amérique latine, mais tardive et lente en Afrique subsaharienne. Parallèlement, la croissance économique en Asie de l’Est s’est accélérée. L’augmentation du PIB par tête y a dépassé en moyenne 5% par an dès la fin des années 1970, pour atteindre plus de 7% depuis 2000, ce qui permet un doublement de son PIB par tête tous les dix ans.
En Asie du Sud, l’évolution a été similaire, bien que de moindre ampleur. L’augmentation des PIB par tête n’y a dépassé en moyenne les 5% par an qu’à partir du milieu des années 2000.
En Afrique subsaharienne, la croissance économique moyenne de 4,5% par an des années 2000 à 2018 n’a conduit à une augmentation du PIB par tête que de 1,7% par an. En effet, la croissance démographique (2,8%) a absorbé 62% de la croissance économique (contre 10% et 25% en Asie de l’Est et en Asie du Sud).
Ainsi, en 2018, l’Amérique latine avait toujours le PIB par tête le plus élevé de ces grandes régions du monde (environ 9.500 dollars constants 2010), suivie par l’Asie de l’Est (6 500 dollars), l’Asie du Sud (1 900 dollars) et l’Afrique subsaharienne avec un PIB par tête d’environ 1 650 dollars constants 2010 correspondant à près de 1 600 dollars courants.
Ces évolutions économiques sont clairement liées aux dynamiques démographiques. La maîtrise rapide de la fécondité et de la croissance de la population en Asie de l’Est a permis aux pays de cette région de bénéficier très tôt d’un dividende démographique important. Des politiques volontaristes de promotion de la contraception et de la famille réduite y ont été combinées avec des politiques d’amélioration de leur capital humain et de diversification économique.
Avec retard et moins vigoureusement, les pays de l’Asie du Sud ont suivi la même voie et leur PIB par tête s’est accru depuis 1960 quatre fois moins que celui de l’Asie de l’Est.
Dans les deux cas, il a été estimé que 45% de l’augmentation de leurs revenus par tête s’expliquait par la diminution de leurs pourcentages de jeunes à charge (et donc de leurs taux de dépendance)
L’ Amérique latine, en revanche, ne semble pas avoir bénéficié d’un tel dividende, du fait de politiques économiques et sociales inadéquates.
Enfin, en Afrique subsaharienne, l’augmentation du PIB et du PIB par tête a été bridée par l’importance des investissements à réaliser, en termes de santé et d’éducation notamment, du fait d’une croissance démographique qui s’est maintenue au-dessus de 2,5% par an depuis le milieu des années 1960. Cette forte croissance démographique a donc été un frein à son développement.
Ceci dit, les Etats de l’Afrique subsaharienne veulent-ils vraiment réduire leur croissance démographique? On peut en douter. L’objectif de 6 enfants par femme reste encore un idéal, non seulement religieux mais politique. Les femmes, qui en sont les premières victimes, ne sont pas encore assez indépendantes pour le revendiquer face à la pression des matrones. Quant aux hommes, ils y voient un moyen d’affirmer leur pouvoir social., y compris dans la perspective d’un djihad en plein développement.
Cf https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/269994-croissance-demographique-de-lafrique#
