Certains commentateurs de la presse »atlantique » le jugent «terrifiant ».
Voir https://commission.europa.eu/document/97e481fd-2dc3-412d-be4c-f152a8232961_en
Ainsi on lit à la signature de Jean-Marc Sylvestre dans Atlantico business du 14 septembre 2024.
L’avenir de l’Europe : le rapport de Mario Draghi est terrifiant, mais les responsables politiques s’en fichent…
Le diagnostic formulé par Mario Draghi sur l’avenir de l’Union européenne est terrible, mais les dirigeants européens l’ont accueilli dans une presque totale indifférence. Sauf dans les milieux d’affaires, qui considèrent que ce qui va se passer en Europe est terrifiant.
Le diagnostic est terrifiant parce qu’il nous prédit une Europe qui s’endort tranquillement sur son passé et se prépare à devenir un énorme musée de l’histoire et de la culture mondiale, qui ne sera capable que d’accueillir les touristes américains et chinois. Une énorme réserve de seniors en retraite obligée un peu comme les Japonais, mais sans les revenus…
Mario Draghi n’est pas un clown illuminé ou habité d’une ambition de pouvoir insatiable qui le pousserait à la démagogie. Il a passé l’âge. Mario Draghi est un économiste italien qui a fait une carrière internationale dans la banque, les institutions internationales et dans la gouvernance italienne.
Il faut dire que le diagnostic sur la situation est accablant et que les solutions de redressement vont demander un effort de pédagogie que la plupart des gouvernements n’auront sans doute pas le courage politique d’engager.
C’est le diagnostic qui fait mal. Mario Draghi rappelle certes que le monde aujourd’hui est confronté à des mutations que les États vont devoir assumer : la mutation technologique, la mutation climatique et une transformation forte des équilibres mondiaux liées à l’arrivée dans le jeu concurrentiel de nouveaux pays émergents.
Mais le plus inquiétant n’est pas là. Il est dans le prix que l’Europe va devoir payer pour échapper à l’écrasement entre le poids de l’Amérique d’un côté et de la Chine de l’autre.
Il faut sortir du schéma auquel d’ailleurs Mario Draghi avait adhéré, qui projetait l’existence d’une mondialisation heureuse parce que capable d’apporter la prospérité économique et sociale.
Depuis l’an 2000, cette mondialisation a, certes, permis l’émergence de la Chine en lui confiant le soin de gérer les usines du monde, mais, effet secondaire, cette mondialisation qui a certes enrichi la Chine a aussi appauvri les classes moyennes de l’Occident, en croyant leur apporter du pouvoir d’achat. Quelle erreur !
Cette mondialisation-là ne va pas éteindre les flux d’échanges, mais va modifier quelque peu leur contenu. Les relocalisations industrielles ne replacent pas les industries là où elles étaient avant, mais elles accouchent de chaînes de valeur différente. L’Amérique récupère et garde les conceptions et les productions à très grande valeur ajoutée. La Chine va essayer, tout en restant le premier manufacturier du monde, de doper son propre modèle de consommation.
Entre la Chine et les USA, l’union européenne est coincée avec le risque de n’avoir comme seule issue de survie que de devenir un immense parc d’attractions pour les classes moyennes du monde.
Mario Draghi va plus loin. L’Europe refuse de regarder ses propres faiblesses et ses mutations nécessaires.
Son moteur principal franco-allemand est à réinventer complètement, parce que l’Allemagne prend conscience que le logiciel qui lui a permis des performances exceptionnelles depuis trente ans est complètement obsolète. L’Allemagne n’a plus de sources d’énergie propres (dans tous les sens du terme). L’Allemagne a encore une industrie très forte, mais focalisée sur l’automobile, qui donne des signes de fatigue, parce que ses marchés les plus puissants sont en train de se fermer. La Chine se replie sur elle-même et le monde se prépare fiévreusement à se convertir à une mobilité plus propre.
L’Europe périphérique, en revanche, se porte bien. En dix ans, la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Espagne ont réalisé les réformes structurelles qui leur permettent aujourd’hui d’avoir la force d’assumer les contraintes de la concurrence mais aussi d’affronter certaines des grandes mutations. Sauf que cette Europe périphérique restera périphérique.
Au-delà de la situation particulière de chaque pays, Mario Draghi s’en prend à l’incapacité de l’union européenne de s’unir face aux défis et il dénonce a bas bruit les erreurs récurrentes de la Banque centrale européenne qui, depuis la crise Covid, a été systématiquement en retard sur la gestion des taux d’intérêt et de la politique monétaire. Et c’est ressenti par tous les milieux d’affaires qui réclament encore aujourd’hui une baisse plus rapide des taux et qui considèrent que les risques d’inflation sont essentiellement importés. Mais parallèlement, il dénonce aussi l’incapacité de l’union européenne à lancer ou inciter des réformes de structure. Il pointe là l’Allemagne et la France, parce que du côté des périphériques, la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal ont su le faire.
En urgence, il considère que la solution serait de lancer un plan massif d’investissement dans les nouvelles technologies notamment, qui permettrait à l’Europe de construire des filières industrielles compétitives. Le plan devrait représenter plus de 800 milliards par an pour l’union européenne. C’est considérable quand on connaît l’ampleur des capacités d’épargne en Europe. Rien que pour la France, l’épargne disponible représente plus du double du stock de l’endettement public (6000 milliards contre 3000 milliards de dettes). Pendant ce temps-là, la France se débat avec une réforme de la retraite qui tourne en rond et des systèmes par répartition qui doivent emprunter à l’extérieur de quoi équilibrer les régimes et payer les pensions pour préserver une retraite à 62 ans.
Pendant ce temps-là, l’Italie se prépare à passer la retraite à 70 ans. Les leçons de Mario Draghi sont entendues par les Italiens.
