12/08/2024 L’Univers va-t-il bientôt mourir à cause du boson de Higgs, la « particule de Dieu » ?

Cet article est repris avec quelques modifications, d’un original publié par futura-sciences que nous remercions.

https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/physique-univers-va-t-il-bientot-mourir-cause-boson-higgs-particule-dieu-115101/

C’est une vieille question que se posent les théoriciens de la physique des particules élémentaires depuis la fin du 20e siècle et qui est devenue plus pertinente depuis que l’on a démontré en 2012 au Large Hadron Collider du CERN l’existence du boson de Brout-Englert-Higgs dit boson de Higgs. L’état quantique des champs de particules présent dans tout l’espace en rapport avec ce boson est-il stable ou finira-t-il par subir l’équivalent d’une désintégration radioactive en devenant un nouvel état entraînant la disparition des structures matérielles du cosmos, autrement la disparition de notre univers ? 

Un nouvel élément de réflexion au débat à ce sujet vient d’être apporté en ré-analysant l’évaporation quantique des trous noirs qui auraient pu se former pendant le Big Bang. Il y a quelques mois, Peter Higgs décédait, rejoignant Robert Brout qui avec son collègue et ami François Englert avait également proposé le même mécanisme que Higgs pour doter des particules de masses.

ll n’y a guère de doute que le nouveau boson, impliqué par ce mécanisme soit bien à l’origine de la masse des bosons W et Z du modèle électrofaible de Glashow-Salam-Weinberg qui unifie la force électromagnétique et la force nucléaire faible contribuant à chauffer l’intérieur de la Terre et à faire briller le Soleil.

Il semble probable que l’existence du boson de Higgs explique aussi les masses des quarks composant les neutrons et les protons, ainsi que celles des neutrinos.

Rappelons toutefois que le mécanisme de Brout-Englert-Higgs (BEH) n’explique pas la masse des protons et des neutrons qui provient pour l’essentiel d’autres voisins sans masses du photon, les gluons de la théorie des forces nucléaires fortes, la chromodynamique quantique

En outre, à strictement parler, c’est le champ de Higgs qui explique vraiment les masses des bosons W et Z, ainsi que probablement celles des quarks et des leptons via ce que l’on appelle des couplages de Yukawa. Le boson Brout-Englert-Higgs est alors l’équivalent quantique du boson du champ électromagnétique, le photon.

Rappelons aussi que le mécanisme de Brout-Englert-Higgs initialement proposé peut être généralisé et replacé dans une théorie au-delà de la physique du modèle standard de la physique des particules, par exemple celle de la supergravité. Or, on sait depuis longtemps que cela peut poser problème quant à ce que l’on appelle la stabilité du vide quantique.

(Voir Que sont les fluctuations du vide quantique ? https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4613)

De plus, la masse du boson de Brout-Englert-Higgs aujourd’hui mesurée suggère que ce vide pourrait bien être métastable, de sorte que l’état du vide quantique pourrait changer de telle sorte que le monde, tel que nous le connaissons, pourrait cesser d’exister selon une certaine probabilité encore à déterminer exactement, et dans un futur également à déterminer.

Dans un article de The Conversation, le physicien théoricien Lucien Heurtier en postdoctorat au King’s College London, explique que lui et ses collègues Louis Hamaide, Shi-Qian Hu et Andrew Cheek ont réexaminé cette question de la stabilité du vide quantique électrofaible. Cet article a été publié dans Physical Letters B et dont une version existe en accès libre sur arXiv.

On en trouvera ci-dessous les références et l’abstract

Le chercheur explique ainsi dans l’article de The Conversation :

« Il est peu probable que le champ de Higgs soit dans l’état d’énergie le plus bas possible. Cela signifie qu’il pourrait théoriquement changer d’état et passer à un état d’énergie plus faible à un certain endroit. Si cela se produisait, cela modifierait considérablement les lois de la physique.

Un tel changement représenterait ce que les physiciens appellent une transition de phase. C’est ce qui se produit lorsque l’eau se transforme en vapeur, formant des bulles au cours du processus. Une transition de phase dans le champ de Higgs créerait de la même manière des bulles d’espace de basse énergie contenant une physique complètement différente. Dans une telle bulle, la masse des électrons changerait soudainement, tout comme leurs interactions avec d’autres particules. Les protons et les neutrons – qui constituent le noyau atomique et sont constitués de quarks – se disloqueraient soudainement. En fait, quiconque subirait un tel changement ne serait probablement plus en mesure de le signaler.

Des mesures récentes des masses de particules du Grand collisionneur de hadrons (LHC) au Cern suggèrent qu’un tel événement pourrait être possible. Mais ne paniquez pas ; cela pourrait seulement se produire dans quelques milliers de milliards de milliards d’années, après notre retraite. »

Lucien Heurtier explique également que lui et ses collèges ont rapproché la possibilité d’une transition de phase dans le champ de Higgs à l’existence de trous noirs primordiaux formés pendant le Big Bang et capable de s’évaporer par effet quantique en donnant un rayonnement thermique chaud, le rayonnement Hawking.

Celui-ci est proportionnel à la masse du trou noir considéré. Or, plus il est chaud plus il va s’évaporer vite et voir sa masse diminuer, donc la température du rayonnement émis va augmenter. On peut alors montrer que si des trous noirs primordiaux plus légers que quelques milliers de milliards de grammes (10 milliards de fois plus petits que la masse de la Lune) s’étaient formés dans l’Univers primitif ils se seraient évaporés à l’heure actuelle.

Selon les modèles de Big Bang considérés, un spectre de masses différentes pour ces trous noirs primordiaux peut être calculé, ce qui conduit à des prévisions sur leur détectabilité via le rayonnement Hawking très intense produit par la phase finale de l’évaporation d’un trou noir, notamment dans le domaine des rayons gamma. Ceux nés de l’effondrement d’une étoile sont bien plus froids que le rayonnement fossile et donc ils absorbent aujourd’hui ce rayonnement plutôt que de contribuer à un rayonnement de fond.

Lucien Heurtier et ses collègues ont en fait repris sous un autre angle l’étude de l’effet du rayonnement Hawking des trous noirs primordiaux sur le vide quantique électrofaible déjà examinée depuis des décennies. Cette fois-ci, ils ont trouvé qu’un large spectre de masses de ces trous noirs aurait dû déstabiliser ce vide depuis longtemps et nous ne serions pas là pour en parler.

Ces minitrous noirs agiraient comme l’équivalent des germes de nucléation qui provoquent la formation de gouttes d’eau à partir de la vapeur ou encore lorsqu’un choc provoque la transformation en glace de l’eau liquide dans un état de surfusion. Donc, soit ces minitrous noirs ne se sont pas formés pendant le Big Bang,, soit une physique encore inconnue stabilise ce vide.

Pour aboutir à cette conclusion, les physiciens ont effectué des calculs et des raisonnements similaires à ceux qui ont déjà été menés en se basant sur les travaux du physicien Sydney Coleman, auteur de cours restés légendaires sur la théorie quantique des champs et la relativité générale.

Référence

Primordial Black Holes Are True Vacuum Nurseries

[Submitted on 3 Nov 2023]

Louis HamaideLucien HeurtierShi-Qian HuAndrew Cheek

The Hawking evaporation of primordial black holes (PBH) reheats the Universe locally, forming hot spots that survive throughout their lifetime. We propose to use the temperature profile of such hot spots to calculate the decay rate of metastable vacua in cosmology, avoiding inconsistencies inherent to the Hartle-Hawking or Unruh vacuum. We apply our formalism to the case of the electroweak vacuum stability and find that a PBH energy fraction β>7×10−80(M/g)3/2 is ruled out for black holes with masses 0.8g<M<1015g.

Comments:7 pages, 3 figures. Prepared for submission to PRL
Subjects:High Energy Physics – Phenomenology (hep-ph); Cosmology and Nongalactic Astrophysics (astro-ph.CO); General Relativity and Quantum Cosmology (gr-qc); High Energy Physics – Theory (hep-th)
Cite as:arXiv:2311.01869 [hep-ph]
 (or arXiv:2311.01869v1 [hep-ph] for this version)
 https://doi.org/10.48550/arXiv.2311.01869



Laisser un commentaire