Dans le même temps, ont affirmé les manifestants, les banques, qui renouent avec les bénéfices, « vont continuer à octroyer des bonus à leurs actionnaire en fin d'année , ce qui va provoquer une explosion de colère ». Les syndicats européens font tous la même analyse : l'austérité, qui ne touche que les classes moyennes et les travailleurs, qui désorganise les services publics et qui épargne les riches va engendrer une deuxième crise économique, probablement doublée de crises sociales et politiques
Mais que faire, en dehors de tenter d'impressionner Jose Manuel Barroso ou le socialiste Jose Luis Rodríguez Zapatero, qui n'en peut mais? Les propositions envisagées par tel ou tel des discours entendus ne vont pas très loin, et ne risquent pas de mobiliser les foules, ni au profit des syndicats, ni encore moins à celui des partis de la gauche européenne. Le plus audacieux a été John Monks, le président du CES. « Ce qu'il nous faut, a-t-il dit, c'est un New Deal européen tel que celui de Roosevelt aux Etats-Unis. »
Rappelons que ce terme de New Deal, mis depuis à toutes les sauces, désigne en fait deux New Deals: le premier, en 1933, visait à une amélioration de la situation à court terme. On y retrouve des lois de réforme des banques, des programmes d'assistance sociale d'urgence, des programmes d'aide par le travail, ou encore des programmes agricoles. Le gouvernement réalisa ainsi d'importants investissements de travaux publics et permit l'accès à des ressources financières au travers des diverses agences gouvernementales. Devant des résultats jugés insuffisants, le « Second New Deal » entre1935 et 1939, a organisé une redistribution des ressources et du pouvoir à une échelle plus large, avec les lois de protection syndicales, un début de Sécurité Sociale ainsi que des programmes d'aide aux fermiers et travailleurs itinérants. Cette politique fut perçue comme d'inspiration keynésienne interventionniste et bien reçue par les partis de gauche. Cependant, l'économie américaine ne repartit pleinement qu'avec l'effort de guerre soutenu par le même Roosevelt à partir de 1940. Il en résulta l'affirmation au plan mondial de la puissance économique et technologique américaine, un pouvoir politique sans précédant conféré aux lobbies militaro-industriels et la remise au pas des oppositions syndicales et politiques, qui trouva son apothéose dans le mac-carthysme. Pour financer l'effort de guerre, l'administration fédérale accepta de souscrire des emprunts d'un montant globalisé sur 4 ans d'au moins le montant du produit national annuel.
Pour les syndicats de la CES comme pour les partis de gauche européens, qui semblent retrouver en ce moment la faveur d'un nombre accru d'électeurs, il serait utile d'actualiser cette image de New Deal par des propositions précises concernant les investissements stratégiques, la réindustrialisation, un protectionnisme raisonné aux frontières, la relance des services publics et de la protection sociale. Ceci voudrait dire proposer des programmes de gouvernement capables de transformer de façon radicale le néo-libéralisme actuellement au pouvoir en Europe. Si l'on voulait être encore plus convaincants, il faudrait selon nous ne pas craindre d'aller plus loin, en défendant des mesures telles que celles envisagées dans l'entretien avec l'économiste Yann Moulier Boutang, publié récemment sur ce site. Elles seules permettraient à l'Europe d'affronter la grande crise structurelle mondiale qui se manifestera dès la décennie en cours