Certains commentateurs avaient jugé que, confronté à la volonté de ne rien changer qui animait l'Allemagne et ses allies privilégiés du nord de l'Europe, il n'aurait rien obtenu. Il ne lui serait resté que la possibilité, soit de rentrer bredouille, soit – ce que la majorité des Français n'auraient pas accepté, d'engager une procédure de sortie de l'euro ou même de l'Europe. Mais qui n'ose rien n'a rien. Comme François Hollande n'avait pas osé s'opposer ne fut-ce que marginalement à Angela Merkel, comme il n'avait pas davantage osé s'opposer à Washington qui veillait attentivement à ce que l'Europe, une quasi-colonie, ne s'émancipe pas, il est resté dans la norme des dirigeants européens, contribuant ainsi à enfoncer plus encore qu'auparavant la France et l'Europe du Sud dans les crises sociales et économiques.
Nul ne peut prédire ce soir ce que fera Alexis Tsipras. Tentera-t-il d'affronter les obstacles devant lesquels François Hollande avait capitulé? Disons en tous cas que son discours, soutenu par une majorité d'électeurs, inquiète les institutions et les bien-pensances européennes. Il n'est pas impossible que son programme politique, auréolé du succès électoral de ce soir, serve de modèle à la majorité des pays européens, eux-aussi atteints par les aberrations de la politique de l'Union.
Nous pensons pour notre part qu' Alexis Tsipras devrait aussi servir de modèle à François Hollande. Non seulement son succès d'aujourd'hui pourrait faire regretter à ce dernier la pusillanimité de sa première moitié de quinquennat. Mais Alexis Tsipras pourrait faire plus. Obliger si l'on peut dire François Hollande à répondre durant la seconde moitié de quinquennat aux espoirs qu'il avait déçu durant la première .
Mais répondre comment? D'abord en aidant la Grèce à faire réussir la profonde réforme de l'Union européenne que ce pays pourrait provoquer. Mais aussi à faire de la France, particulièrement bien placée pour cela, un indispensable pont entre l'Europe du Sud et l'Europe du Nord. Il s'agirait d'inciter l'Europe toute entière, Allemagne comprise, à redevenir une puissance unie capable de tenir en toute indépendance sa place dans un monde désormais multipolaire.