On pourra reprocher à François Hollande d'avoir pour ce faire attendu le feu vert de Barack Obama, dont il apparaitra une fois de plus comme le « caniche ». Les Américains, pour leur part, outre qu'ils ont un consulat et des services à Erbil, la capitale, s'intéressent surtout aux réserves de pétrole du Kurdistan. Mais la question n'est plus là dorénavant. Elle est de savoir ce que fera ou ne fera pas l'Europe pour s'opposer à la mise en place progressive d'un Etat islamique décidé à s'étendre dans tout le Moyen Orient. Cette structure, notamment par l'intermédiaire des volontaires dhihadistes qu'elle recrute désormais dans toutes les villes européennes, peut devenir si elle n'est pas arrêtée, un véritable danger systémique, non seulement contre l'Europe et des pays voisins tels que l'Egypte, mais au delà contre l'Union eurasiatique que Vladimir Poutine a récemment décidé de constituer.
Les Kurdes, notamment ceux du Kurdistan irakien, sont dans l'ensemble musulmans, mais ils abritent différentes autres communautés religieuses, notamment des chrétiens avec qui ils vivent pacifiquement. Venir à leur aise ne peut en aucun cas être attribué à une politique anti-islamique systématique. Certes, leur positionnement politique n'est pas toujours pro-européen. Mais dans l'ensemble ils représentent, quoique en dise la Turquie, un élément d'équilibre essentiel dans la toute la région. Nous en avons discuté dans des articles précédents. Les aider s'impose donc.
Tous les gouvernements européens n'en sont pas convaincus, sauf sans doute l'Italie Enfermés dans leur égoïsme et leur courte-vue, ils se réfugient courageusement, actuellement, dans l'abstention. Cependant une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne sur l'Irak a été fixée au vendredi 15 août, a annoncé mercredi en fin d'après-midi un porte-parole des services de Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne. On observera avec intérêt les décisions qu'elle prendra.
François Hollande, dans cette affaire, a fait ce que nous aimerions qu'il fasse sur tous les dossiers européens urgents, bloqués par l'incapacité de l'Union à se comporter comme un véritable Etat. Il a décidé d'agir seul, en espérant que d'autres le suivront. Mais, pour ce faire, à l'avenir, il faudrait revenir sur la politique actuelle désastreuse de réduction des dépenses militaires françaises. Si l'on veut être pris au sérieux, il faut s'en donner les moyens. Même s'il faut pour cela augmenter les impôts.
Compléments en date du 14 août 2014
Certains correspondants reprochent une grande naïveté à l'article ci-dessus, lequel approuve l'appui militaire (en matériels) qui devrait être apporté par la France aux peshmergas du Kurdistan irakien. Ils me font valoir que, bien plus encore que je ne l'écrivais moi-même, l'opération de secours aux peshmergas a été initialisée presque entièrement par Barack Obama. Celui-ci voulait éviter à tous prix que les djihadistes ne s'emparent, à Erbil, capitale menacée du Kurdistan, du « consulat » américain. Celui-ci n'est en effet pas un simple consulat, mais un noeud de services et forces spéciales américaines, récemment renforcées, chargées de protéger les intérêts pétroliers et politiques américains dans la région. Barack Obama ne voulait certainement pas que se renouvelle l'équivalent de la prise par les djihadistes de l'ambassade américaine à Benghazi qui lui fut reprochée avec véhémence. Toute cette argumentation est développée dans un article de Pepe Escobar, qui vient d'être traduit par nos amis du Saker.fr et dont nous conseillons vivement la lecture. http://www.vineyardsaker.fr/2014/08/13/loeil-itinerant-obama-bombarde-calife/
Nous ne nions en rien les arguments de cet article, néanmoins nous pensons que les conclusions du nôtre ne doivent pas dans l'ensemble et jusqu'à plus ample informé, être modifiées. Si François Hollande a reçu le 9 aout le président du gouvernement régional du Kurdistan d'Irak, Mahmoud Barzani, ce n'est pas uniquement pour faire plaisir à Obama. Il arrive de temps en temps que la diplomatie française puisse avoir quelques opinions de son propre chef. Ledit Barzani préside aux destinées de la région autonome kurde depuis la réunification, en 2005, des régions kurdes d'Irak, qui étaient autonomes depuis la première guerre du Golfe en 1991 mais divisées. Le Kurdistan jouit d'une certaine autonomie dans la conduite de ses affaires, notamment pétrolières, gênant ceux voulant se les approprier, y compris aujourd'hui le « Califat islamique » précité. Une élection présidentielle doit se tenir en septembre, et Mahmoud Barzani envisage de se présenter à un troisième mandat, ce que l'opposition juge illégale. On ne sait ce qu'il en sera, mais pour le moment il est là.
Or répétons-le, il faut savoir ce que l'on veut. Veut-on que le susdit Califat ajoute à son tableau de chasse la province autonome? Ceci en ferait une puissance quasi incontournable. Ni l'Europe, ni la Russie, ni l'Egypte, ni même sans doute l'Iran, ne pourraient s'en réjouir. Si l'on veut éviter cela, même si l'on est momentanément sur la même longueur d'onde que l'Amérique, il faut aider les combattants peshmergas. Ceux-ci répètent à tout va qu'ils n'ont pas besoin d'hommes, fussent-il fournis par les services secrets américains, mais d'armes. Il faut leur en donner. Peut-être se retrouveront-elles par des voies obscures aux mains des djihadistes, mais peut-être pas. Le risque vaut d'être couru.
Comme indiqué dans notre article, les représentants des Etats membres de l'Union européenne devraient en débattre le 15 aout. Se limiteront-ils à traiter la question humanitaire ou aborderont-ils les aspects militaires? Connaissant l'énergie (!) que met la Haute représentante Catherine Ashton sur ce dossier, toutes les options seront sur la table, comme l'on dit, y compris celle de ne rien faire.
PS au 16 août.
Le 15 aout, les représentants des Etats membres de l'Union européenne ont décidé, avec une touchante unanimité - ou plutôt pusillanimité - que chaque Etat européen fera ce qu'il jugera bon dans ce domaine.